Finance éthique : l’investissement peut-il vraiment être responsable ?

Question d’Antoine : L’investissement n’est-il pas irresponsable par nature ? En effet, est-il raisonnable d’attendre des agents économiques qu’ils intègrent des facteurs extra-financiers dans leurs prises de décision ? Le but de tout agent économique dans un système capitaliste est de maximiser son profit.

Réponse de Jacques Ninet, directeur de la recherche d’UFG-LFP, un groupe de gestion d’actifs membre du Forum pour l’investissement responsable

La RSE (Responsabilité sociale des entreprises), c’est, par essence, refuser que le capitalisme ne se réduise à enrichir au maximum les actionnaires. Elle cherche au contraire à reconstruire un modèle dans lequel l’entreprise est un acteur intégré dans la vie de la cité. On parle ainsi d’entreprise citoyenne ou de vision globale de l’entreprise. A travers les trois piliers de la RSE – l’environnement, le social et la gouvernance –, l’entreprise capitaliste peut dépasser l’objectif de maximisation du profit, en préservant les ressources et l’environnement. Et elle n’oublie pas de protéger les rapports entre salariat et capital.

La RSE est parfaitement compatible avec l’investissement. En effet, lorsqu’un investisseur gère un actif ET un passif, il le fait dans la durée. Il doit donc faire des choix à long terme et, par ricochet, il ne peut se désintéresser des décisions prises par les entreprises dans lesquelles il investit ou auxquelles il prête. A ce titre, l’ISR peut être vu comme une forme d’intelligence économique. Il cherche en effet à aller au-delà des informations financières traditionnelles pour trouver des indicateurs non financiers capables de mesurer la pertinence de la stratégie globale d’une firme.

Ainsi, si l’ISR émerge au même moment que la crise financière, c’est peut-être par nécessité de redéfinir un marketing financier à bout de souffle. Mais c’est aussi parce que cette crise a définitivement consacré l’échec du système économique et financier existant. Un système dans lequel les marchés sont censés s’autoréguler. Un système dans lequel les prix et la recherche du profit individuel sont censés faire tenir l’édifice.