Sur le ring, il pare les coups, les rend, s’impose. Les trophées d’Eddy, invaincu depuis plusieurs années, décorent la chambre du logement social dans lequel il vit avec ses parents, à Givors, petite ville de 20 000 habitants touchée par la désindustrialisation, dans la banlieue de Lyon. Pour s’en sortir, dit-il, « c’est comme aux échecs, la stratégie, c’est très très important ». Ses combats de boxe victorieux ponctuent le documentaire, galerie de portraits de Français qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois. Il aurait pu être tourné ailleurs. Givors est emblématique de l’histoire que vivent 13 millions de déclassés, qui résistent comme ils le peuvent.
En montrant comment certains glissent dans la pauvreté – cette ancienne directrice commerciale de 60 ans, qui épluche ses bulletins de salaire sans comprendre –, comment certains n’en sortent jamais – ce couple de cinquantenaires, tous deux placés par feu la Ddass dans leur enfance –, les réalisateurs décrivent l’extension du domaine du marché, dans un monde où le capital économique est désormais la clé d’accès à tout le reste. Plus l’on est pauvre, plus l’on est seul. Ainsi, selon la Fondation de France, l’isolement relationnel, qui touche 11 % des Français, est plus fort chez les chômeurs et les foyers vivant avec moins de 1 000 euros de revenus mensuels. Qu’est-ce qu’il reste à faire quand on n’a pas de quoi se payer un verre au café ? Au bord de la rivière, une femme donne du pain aux cygnes et aux ragondins, espèce nuisible qui lui est chère. Depuis ce lieu refuge, elle regarde l’agitation productive, seul mode d’existence légitime. A la marge, tous essaient de faire entendre le droit à la dignité, la valeur des échanges et des espaces gratuits. Bref, des principes fédérateurs pour lesquels, drapés dans notre confort, on oublie de se battre. —
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