Richard Matthew Stallman est le fondateur du Free software movement (mouvement pour le logiciel libre).
Terra eco : Après le décès de Steve Jobs, vous avez écrit sur votre blog : « Je ne suis pas heureux qu’il soit mort mais je suis heureux qu’il soit parti. » Quel était le sens de ce message ?
Richard Matthew Stallman : La mort de Steve Jobs a provoqué un tel raz-de-marée d’articles louant Apple qu’une réponse était nécessaire face à cette admiration générale. Vanter ainsi les produits de cette entreprise, c’est augmenter le risque de les faire encore mieux accepter, et augmenter la menace sociale de faire perdre encore un peu plus de liberté à toujours plus de monde. Steve Jobs avait beaucoup d’impact sur ce qui se fait chez Apple. Sans lui, on peut espérer qu’Apple sera moins capable de fabriquer des pièges toujours plus attractifs.Que critiquez-vous chez Apple ?
Steve Jobs est parvenu à proposer des ordinateurs qui ont beaucoup de style et de chic, mais qui sont aussi les pires en terme de restrictions imposées à l’utilisateur. Cette entreprise contrôle tout : par exemple, il n’est possible d’installer que des programmes approuvés sur la boutique Apple ! C’est ce que j’appelle des produits « prison ». Avec ces logiciels et systèmes d’exploitation privateurs, ce sont les développeurs des entreprises qui contrôlent l’utilisateur via les programmes. Apple excelle en la matière ! C’est injuste, ça ne devrait même pas exister.Le Free software movement – que vous avez lancé dans les années 1980 parallèlement au développement du projet GNU (1) – répond-il à la prise de pouvoir de ce type d’entreprises ?
Dans les années 1960, les systèmes d’exploitation des ordinateurs étaient libres, les utilisateurs possédaient les codes sources et pouvaient les modifier ! Le système a basculé dans les années 1980, lorsque systèmes comme logiciels sont devenus privateurs. Les logiciels libres avaient alors pratiquement disparu. J’ai dit « non » à ça, à l’esclavagisme que nous imposait les développeurs du « privateur ». Car disposer de logiciels libres relève des droits de l’homme. Ils incarnent la liberté de faire tourner le programme comme tu veux, de changer le code source, de produire et redistribuer des copies exactes ou des versions modifiées, mais aussi l’égalité – car personne n’exerce de pouvoir sur toi via ton ordinateur – et la fraternité, car le logiciel libre encourage la coopération entre les utilisateurs même si elle n’est pas obligatoire.
Y a-t-il un point commun entre votre mouvement et les « indignés » qui protestent contre la mainmise de la finance sur la politique ?
Nous nous rejoignons effectivement : nos campagnes pour le logiciel libre sont aussi un théâtre pour la guerre qui se joue globalement contre les grandes entreprises. Il faut leur ôter le pouvoir qu’elles ont injustement pris sur la politique, via les traités de libre exploitation (souvent appelés « traités de libre-échange » par d’autres). Focalisées sur la crise ou sur le logiciel libre, peu importe, plus les critiques augmenteront, plus les choses vont commencer à se rompre, et le pouvoir impérialiste des entreprises pourra diminuer.
(1) Projet qui vise à développer un système d’exploitation ne fonctionnant qu’à partir de logiciels libres.
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