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16-09-2004
Mots clés
Social
France

Salariés en plan

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Tati, Bosch, Lustucru, Vishay, Doux... La saison des plans sociaux bat son plein, laissant des centaines de salariés sur le carreau et des élus paralysés. Dans un livre Entretien avec des licencieurs, Isabelle Pivert propose un regard inédit : celui de ceux qui "exécutent" les plans sociaux. Terra economica publie des extraits de cet ouvrage. Et livre, en 12 questions et sans langue de bois, le point de vue de trois professionnels : un consultant, un DRH et un ancien inspecteur du travail.
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Faut-il parler de licenciements massifs ou de sauvegarde de l’emploi ?

Claude-Emmanuel Triomphe [1]) : Dans l’esprit du public, un plan social est un "plan de licenciements". Or, juridiquement, ce que l’on nomme plan social est en réalité un "plan de sauvegarde de l’emploi". Autant dire qu’on se situe à 180 degrés de l’interprétation du public. Concrètement, un plan de sauvegarde de l’emploi est un ensemble de mesures destinées, premièrement, à éviter les licenciements et deuxièmement, à en limiter l’impact et à organiser la reconversion des personnels.

Voilà pour la théorie. Mais dans la pratique ?

C-ET : Dans les faits, les plans sociaux ont généré ces vingt à trente dernières années trois phénomènes. Premier d’entre eux : un nombre important de licenciements secs, notamment dans les PME. Second phénomène : une masse importante de pré-retraites. C’est un vrai problème, car dans une entreprise, ces mesures protègent les plus âgés et les anciens, mais les autres en sont totalement exclus. Malgré tout, il existe un consensus entre patrons, syndicats et élus autour de ce type de mesures. Troisième phénomène au TOP 50 des effets des plans sociaux : l’indemnité transactionnelle de départ. En gros, on achète les départs, et du même coup, la paix sociale.

Pourquoi le plan social fait-il si mal ?

C-ET : Le plan social peut être traumatisant pour un certain nombre d’individus, pour lesquels cela revient à demander de partir le plus loin possible de tout ce qui faisait leur vie professionnelle et sociale.

Marc Bordier : Comme le rappelle Isabelle Pivert au début de son livre, "le travail constitue un élément structurant central de la vie d’un adulte dans notre société". Le plan social est donc vécu comme un drame parce qu’il vient briser le lien social et la part d’identité que des salariés ont construit à travers leur activité professionnelle. Cette dimension psychologique et identitaire du plan social est bien plus difficile à traiter que ses conséquences matérielles : il est plus délicat d’aider quelqu’un à reconstruire son identité professionnelle. En outre, dans le cas d’un plan social, cette perte d’identité est non seulement individuelle - elle affecte chaque salarié personnellement - mais aussi collective, parce qu’elle vient rompre un équilibre de groupe.

François Ariès : La décision de mettre en œuvre un plan social est prise indépendamment des compétences et des mérites des uns et des autres. Aussi, ceux qui vont en être victimes rejettent la responsabilité sur l’entreprise, qui va détruire en quelques mois leur équilibre social et familial. Dès lors, un plan social ne peut pas être ressenti autrement que de façon dramatique.

Existe-t-il de bons plans sociaux ?

FA : Oui, d’abord parce qu’en arriver là est souvent inévitable voire préférable. Mieux vaut un bon plan social qu’un dépôt de bilan. Mieux vaut se séparer de 300 collaborateurs, même si c’est difficile, que d’en mettre 1500 à la porte, deux ans plus tard, faute d’avoir réagi à temps ! Mais un bon plan social, c’est tout le contraire de "la politique du ‘je donne un gros chèque et je m’en lave les mains’". Il faut au contraire mettre tout de suite le paquet sur l’accompagnement individualisé des salariés. Plus tôt le DRH commence l’opération de reclassement, plus grandes sont les chances de réussite.

CET : Ce point ne se discute pas. Toutefois, cette réalité ne concerne qu’une minorité d’entreprises, notamment des grands groupes dans lesquels il existe un cadre plus protecteur. Le problème vient surtout des PME qui n’ont que peu de moyens et pas d’outil adapté pour faire face à la situation exceptionnelle qu’est un plan social. Conclusion : il y a des plans sociaux à deux vitesses. On peut même dire qu’il y a plusieurs vitesses au sein d’un même plan social. Ainsi, tout le monde considère le plus naturellement du monde que la première mesure pour sauvegarder l’emploi est de stopper les contrats à durée déterminée ou en intérim. Pourquoi s’étonner, dans ces conditions, que les travailleurs précaires ne se syndiquent pas...

MB : Un plan social est bon lorsqu’il est à la fois légitime et bien exécuté. Pour qu’il soit légitime, sa nécessité doit être établie et reconnue par tous. Il est impératif que la direction et les salariés s’accordent autour du constat d’une surcapacité structurelle et durable de l’outil de production par rapport au niveau d’activité de l’entreprise. Dans la phase d’exécution, un plan social pourra être qualifié de "réussi" s’il parvient à limiter le nombre de licenciements secs en privilégiant les reclassements internes. Bien entendu, ce cas idéal n’est pas le plus fréquent.

Que faut-il changer dans les plans sociaux ?

CET : Une première proposition, préventive, consisterait à associer les salariés au gouvernement d’entreprise, à obtenir une réelle représentation des salariés au conseil d’administration des entreprises. Ceux-ci auraient ainsi leur mot à dire en amont des prises de décision. Cela aurait forcément un impact en cas de réduction des effectifs. La deuxième piste, curative, est de privilégier à outrance la reconversion professionnelle. Cela demande de l’argent et du temps. C’est plus exigeant que d’acheter les départs à coups de chèques. Je préfère le salarié auquel on propose une reconversion professionnelle à celui auquel on fait un gros chèque. Enfin, troisième piste : mettre les outils de reconversion professionnelle au service des PME et non plus des seuls grands groupes.

MB : Les pouvoirs publics pourraient peut-être compléter les dispositifs existants par un système d’incitations économiques ou fiscales qui viendrait encourager les entreprises à privilégier les reclassements internes.

Les entreprises ont-elles intérêt à obtenir l’adhésion des personnes licenciées et des partenaires sociaux ?

MB : Oui, cela va de soi. Par définition, la légitimité du plan social ne peut exister que si les salariés reconnaissent sa nécessité. Et son déroulement sera, bien entendu, grandement facilité si la direction et les partenaires sociaux se sont mis d’accord sur ses modalités.

FA : Pas nécessairement. C’est un plus, mais il ne faut pas perdre de vue qu’un plan social est toujours un constat d’échec pour l’entreprise comme pour les salariés. Essayez de convaincre un condamné à mort de la justesse de sa peine !

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[1] Claude-Emmanuel Triomphe, 46 ans, ancien inspecteur du travail, est délégué général de l’Université européenne du Travail.

Marc Bordier, 29 ans, est consultant senior en stratégie et management chez CapGemini (division téléphonie, media et divertissement).

François Ariès, 42 ans, est directeur des ressources humaines (DRH) dans une grande société de services.

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