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29-10-2013
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Energies
Royaume-Uni

Royaume-Uni : des subventions au nucléaire font scandale

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Royaume-Uni : des subventions au nucléaire font scandale
(21 octobre, visite de David Cameron à la centrale d'Hinkley en prévision du prochain chantier. Crédit photo : DECC)
 
Au pays du libéralisme, l'accord commercial signé avec EDF autour de la construction d'une nouvelle centrale provoque l'indignation puisqu'il garantit un confortable tarif d'achat de l'électricité.
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David Cameron a-t-il perdu les pédales ? L’annonce date du 21 octobre. Ce jour-là, le gouvernement britannique crie victoire. Au terme de longues négociations, il vient enfin de s’entendre avec EDF pour la construction de deux réacteurs EPR, dits de troisième génération, sur le site de la centrale existante de Hinkley dans le Somerset. Assez pour constituer une « source d’énergie régulière et propre » à partir de 2023 et alimenter en électricité « 6 millions de foyers sur une zone deux fois plus grande que Londres », vante le gouvernement dans son communiqué.

Crédit : EDF - Energy

Mieux, il promet que 25 000 emplois seront créés pendant la phase de chantier et 900 postes attribués pour exploiter la centrale pendant les soixante ans de son existence. « Un excellent deal pour la Grande-Bretagne et les consommateurs britanniques », assure Edward Davey, ministre en charge de l’Energie et du Changement climatique. « Pour la première fois, une centrale nucléaire sera construite sans l’argent du contribuable britannique », poursuit-il dans le communiqué.

Paie demain ce que tu ne veux pas payer aujourd’hui Pas un kopeck ôté de la poche du contribuable britannique, vraiment ? Certes, celui-ci n’aura pas à débourser la rondelette mise de départ : soit les 16 milliards de livres (18,9 milliards d’euros) nécessaires à l’édification et à la mise en service des deux réacteurs. C’est EDF, allié à Areva mais aussi à deux entreprises nationales chinoises (China General Nuclear Corp et China national Nuclear Corp devraient investir 30% à 40% de la somme), qui devra régler la facture. Mais, première ombre au tableau, l’Etat offre au consortium une garantie d’Etat. De quoi permettre aux généreux investisseurs de décrocher un prêt à taux préférentiel, mais cela fait peser le risque – non nul si l’on considère le retard pris par la construction de l’EPR de Flamanville et son coût revu à la hausse – sur le contribuable britannique.

Mais surtout, en échange de son investissement, le gouvernement britannique a promis à EDF de lui racheter à prix fixe chaque mégawatt-heure (MWh) sorti du ventre de sa centrale à partir de sa mise en service prévue pour 2023. Et pas à n’importe quel prix. La coalition au pouvoir a promis que l’Etat paierait 92,50 livres (108,5 euros) le MWh. Soit un prix « deux fois plus élevé que le prix de l’électricité sur le marché en ce moment », détaille Antony Froggatt, expert en développement durable au centre d’études britanniques Chatham House. Mieux, le prix intègre l’inflation et est garanti sur trente-cinq ans. « Alors que pour les énergies renouvelables (pour lesquelles les tarifs d’achat sont généralement appliqués, ndlr), on est plutôt sur des durées de quinze, vingt ans », poursuit l’expert.

Le nucléaire vite rattrapé par les renouvelables ?

Le gouvernement s’est-il complètement fait rouler par l’électricien français ? C’est d’autant plus étrange que dans son communiqué annonçant la signature de l’accord, il avance que son nouveau plan nucléaire devrait « permettre aux ménages d’économiser 75 livres (87 euros) chaque année sur leur facture d’électricité à l’horizon 2030 ».

Le gouvernement « parie sur une augmentation des prix de l’énergie, notamment du gaz, justifie Antony Froggatt. Sauf que si les prix de l’énergie venaient à doubler, les gens ne pourraient débourser de pareilles sommes et investiraient massivement dans l’efficacité énergétique ». Autre mauvais calcul selon l’expert : à près de 100 livres (116 euros) le MWh d’électricité, « toute une série d’alternatives, notamment dans les énergies renouvelables, deviendraient soudainement rentables. » Car leurs tarifs ne sont pas aujourd’hui si éloignés de la barre des 100 livres, la preuve avec ce tableau publié par le cabinet d’avocats britannique Bircham Dyson Bell.

« C’est extrêmement difficile de savoir comment vont évoluer les autres technologies. Le gouvernement britannique fait un pari sur l’avenir mais dans le mauvais sens du terme », estime pour sa part Bruno Rebelle, directeur de Transitions, une agence de conseils en développement durable.

Des subventions au pays du libéralisme

Mais au-delà du montant du prix accordé, c’est l’existence même d’un tarif garanti qui émeut. Pour Marc Jedliczka, expert en énergie de l’association Négawatt (farouchement opposée à la solution nucléaire), « le tarif d’achat est fait pour aider les nouveaux entrants, comme les entreprises photovoltaïques, à pénétrer sur le marché. Or ça fait soixante ans qu’on fait du nucléaire ! Et la technologie de l’EPR n’est pas innovante du tout. On construit les mêmes centrales depuis quarante ans, il y a juste un peu plus de sûreté », s’agace-t-il. Etonnant aussi que l’initiative vienne d’outre-Manche. Car le Royaume-Uni s’était jusqu’ici toujours refusé à faire du nucléaire une économie administrée comme c’est le cas en France – EDF et Areva sont détenus majoritairement par l’Etat – et d’y investir trop de billes.

Marc Jedliczcka n’est malgré tout pas mécontent. Car un tel accord prouve bel et bien que le nucléaire n’est pas une énergie bon marché : « Et ça va coûter de plus en plus cher. C’est inscrit dans les gènes du nucléaire. Pendant ce temps, les prix de l’éolien ou du photovoltaïque continuent de baisser parce qu’ils n’exigent pas de payer de grosses assurances et que leurs sources d’énergie – le vent, le soleil – sont gratuites. » Et de poursuivre : « Le nucléaire, c’est une technologie du passé. Elle ne peut survivre qu’avec un accord politique. » Est-ce l’explication du deal passé outre-Manche ?

Un deal politique ?

« Le débat nucléaire semble séparé de tout le reste ici. Tous les gros partis – les Conservateurs, les Libéraux démocrates, le parti travailliste – soutiennent le nucléaire. Quand, deux jours après l’annonce de l’accord avec EDF, David Cameron est venu annoncer devant la Chambre des communes que les subventions dans le secteur de l’énergie allaient être réduites parce qu’elles coûtaient trop cher, personne n’a crié à la contradiction », souligne Antony Froggatt.

Reste qu’un deal n’est pas une affaire conclue. L’accord passé entre les parties devra encore survivre à l’examen de la Commission européenne qui pourrait bel et bien dénoncer des aides étatiques déloyales. Car si les Etats sont autorisés à soutenir les secteurs énergétiques dits « propres » pour favoriser la réduction des émissions, l’exception ne s’applique pas nommément au nucléaire. En tout cas pour le moment, car les règles européennes concernant ces aides d’Etat sont en pleine révision. Si rien ne bouge, les Britanniques devront demander à bénéficier d’un traitement de faveur. Bruxelles lui accordera-t-il ? Pas si sûr, « ça pourrait créer un précédent pour toutes les autres installations nucléaires », avance Antony Froggatt. Les négociations devraient durer plusieurs mois.

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  • Lorsque l’on parle du coût des renouvelables, on oublie toujours un coût bien caché : il s’agit du coût de l’intermittence.
    Les énergies renouvelables profitent actuellement de leur position marginales pour produire quand il y a du vent ou du soleil. Mais pour devenir des énergies principales, il faut :

    1)installer une capacité suffisante pour pouvoir assurer la distribution d’énergie dans tous les cas, soit au moins cinq fois plus que la demande moyenne.

    2) mettre en oeuvre des moyens de stockage de l’énergie complètement démentiels : des accumulateurs énormes, ou des systèmes d’électrolyse de l’eau au rendement très réduit à cause, précisément de cette intermittence.

    Tout calculs faits, on s’aperçoit finalement que les projets avec EnR non marginales deviennent complètement délirants au niveau des coûts.

    21.11 à 10h47 - Répondre - Alerter
  • Plusieurs textes pour faire le point, ici :
    http://energeia.voila.net/index2.htm

    Entre autres, une étude spécifique au nucléaire britannique, d’autres sur le coût du nucléaire récent, mais aussi comparé à l’éolien et au solaire.

    Le solaire allemand de 2014 est déjà mois cher que le nucléaire anglais dans dix ans.

    31.10 à 18h45 - Répondre - Alerter
  • Au moins, maintenant, on connait le vrai coût du nucléaire : 108,5 Euros le MWh, soit environ 11 centimes le kWh !
    Mais ne nous voilons pas la face, cela met aussi en relief la principale subvention cachée du nucléaire français.
    Un accident en France équivalent à Fukushima couterait aussi cher que le coût total de la production nucléaire française. Mais EDF n’est pas assuré pour cela. Voilà la subvention cachée !
    Ainsi, le coût de la prime d’assurance devrait être égale au prix du coût de production de l’énergie nucléaire ! Soit un doublement du prix de production, et pour les consommateurs Français, compte tenu des coût de transport et de distribution, une hausse de 50 % du KWh EDF.
    Notons que cette prime devrait être versée à l’état, puisque c’est l’état en dernier ressort qui assurerait les coûts d’une catastrophe.
    Et à ce niveau, de nombreuses énergies renouvelables deviennent bien plus compétitives.

    29.10 à 19h37 - Répondre - Alerter
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