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23-08-2011
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Chronique

« Que personne ne dise que cela ne peut pas être fait »

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« Que personne ne dise que cela ne peut pas être fait »
(http://www.chrisjordan.com)
 
Pour ce XXIe siècle, nous avons besoin d’une économie qui soit en harmonie avec la Terre et ses écosystèmes, et non pas qui les détruit. Lester Brown propose une alternative à notre système.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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L’économie du jetable, basée sur les combustibles fossiles et centrée sur l’automobile qui s’est développée dans les sociétés industrielles occidentales, n’est plus un modèle viable, ni pour les pays qui l’ont façonnée, ni pour ceux qui les imitent. En bref, nous devons construire une nouvelle économie, alimentée avec des sources d’énergie sans carbone (éolienne, solaire, géothermique) disposant d’un système de transport diversifié, et qui réutilise et recycle tout. Nous pouvons changer de direction et nous placer sur la voie d’un progrès soutenable, mais il faudra une énorme mobilisation, à une vitesse de temps de guerre.

Chaque fois que je commence à me sentir dépassé par l’ampleur et l’urgence des changements que nous devons accomplir, je relis l’histoire économique de l’implication américaine dans la Seconde Guerre mondiale car elle reste une référence qui inspire en terme de mobilisation rapide. Initialement, les États-Unis ne voulaient pas s’impliquer dans la guerre et n’ont réagi qu’après avoir été directement attaqués à Pearl Harbor. Mais quelle réaction ! Après un engagement ferme, l’implication des États-Unis a contribué à transformer le cours de la guerre, conduisant les forces alliées à la victoire en trois ans et demi.

Dans son discours annuel au congrès, le 6 janvier 1942, un mois après le bombardement de Pearl Harbor, le Président Roosevelt a annoncé les objectifs de production d’armement du pays. Les Etats-Unis, disait-il, prévoyaient de produire 45 000 chars, 60 000 avions, et plusieurs milliers de navires. Il a ajouté, “que nul ne dise que cela ne peut pas être réalisé.” Personne n’avait jamais vu des chiffres aussi énormes de production d’armes. Beaucoup de gens étaient sceptiques. Mais Roosevelt et ses collègues se sont rendus compte que la plus grande concentration mondiale de puissance industrielle était à ce moment-là l’industrie automobile des États-Unis. Même pendant la crise industrielle et financière suivant 1929, les Etats-Unis produisaient au moins 3 millions voitures par an.

Après son discours annuel au congrès, Roosevelt rencontra les dirigeants de l’industrie automobile et leur indiqua que le pays dépendrait fortement d’eux pour atteindre ces objectifs de production d’armement. Ils s’attendaient au départ à continuer à fabriquer des voitures et à développer à côté la production des armements. Mais ils ne savaient pas encore que la vente de nouvelles voitures serait bientôt interdite. Entre début 1942 et fin 1944, pendant presque trois ans, aucune voiture ne fut produite aux Etats-Unis.

Parallèlement à cette interdiction de la vente de voitures neuves, la construction de maisons et d’autoroutes fut arrêtée, et la conduite de loisir interdite. Les gens se mirent tout à coup à recycler et a cultiver les “jardins de la victoire”. Les marchandises stratégiques (dont les pneus, l’essence, les carburants, et le sucre) furent rationnées à partir de 1942. Cette année là vit pourtant la plus grande croissance de la production industrielle de l’histoire du pays, entièrement destinée à des fins militaires. Les besoins en avions de guerre étaient énormes. Cela ne comprenait pas seulement les chasseurs, les bombardiers et les avions de reconnaissance, mais aussi des avions de transport de troupes et de matériel permettant de combattre sur des fronts éloignés.

Entre 1942 et 1944, les Etats-Unis ont dépassé de loin l’objectif initial de production de 60 000 avions, en fabriquant le chiffre stupéfiant de 229 600 aéronefs, une flotte si grande qu’il est difficile, même aujourd’hui, de se l’imaginer. De façon toute aussi impressionnante, à la fin de la guerre, plus de 5 000 navires marchands avaient été construits, en comparaison des quelques 1 000 bâtiments qui composaient la flotte marchande américaine en 1939.

Dans son livre No Ordinary Time (Une époque peu ordinaire, ndlt), Doris Kearns Goodwin décrit comment diverses entreprises se sont converties. Une fabrique de bougies automobiles fut l’une des premières à transformer sa production pour construire des mitrailleuses. Un fabricant de cuisinières se mit à produire des canots de sauvetage ; Un fabriquant de manèges s’est reconverti dans des supports pour mitrailleuses ; une fabrique de jouets a produit des boussoles ; une fabrique de corsets, des ceintures de grenades ; une usine de flippers, des balles perforantes.

Rétrospectivement, la vitesse de cette conversion d’une économie de temps de paix en économie de temps de guerre est frappante. Cette prise de contrôle de la puissance industrielle des Etats-Unis a fait pencher la balance en faveur des Alliés, renversant le cours de la guerre. Winston Churchill citait souvent son secrétaire aux affaires étrangères, Sir Edward Grey ; “Les Etats-Unis sont comme une chaudière géante. Une fois le feu allumé, il n’y a pas de limite à la puissance qu’ils peuvent mobiliser.”

Le fait est qu’il n’a pas fallu des décennies pour restructurer l’économie industrielle américaine, ni même des années. Cela sa été fait en quelques mois. Si nous avons pu restructurer l’économie industrielle américaine en quelques mois, alors nous pouvons restructurer l’économie mondiale de l’énergie durant la présente décennie.

De nombreuses chaînes de montage automobile étant actuellement à l’arrêt aux États-Unis, il serait relativement simple de ré équiper certaines d’entre elles pour produire des éoliennes, comme la Ford Motor Company l’a fait durant la Seconde Guerre mondiale avec les bombardiers B-24, afin d’aider le monde à rapidement exploiter valeur ses immenses ressources éoliennes. Cela permettrait de montrer au monde que l’économie peut être restructurée rapidement, de façon rentable, et suivant un axe qui améliore la sécurité mondiale.

Le monde dispose aujourd’hui des technologies et des ressources financières permettant de stabiliser le climat, d’éradiquer la pauvreté, de stabiliser la population, de restaurer les écosystèmes sur lesquels l’économie repose, et surtout, de redonner l’espoir. Les États-Unis, la plus riche société qui ait jamais existé, ont les ressources et le leadership pour mener cet effort.

L’une des questions que l’on me pose le plus souvent est la suivante : que puis-je faire ? Les gens s’attendent souvent à ce que je parle de changement de style de vie, du recyclage des journaux, ou du remplacement des ampoules d’éclairage. C’est indispensable, mais c’est loin d’être suffisant. La restructuration de l’économie globale demande de devenir politiquement actif, d’œuvrer pour les changements nécessaires, comme le fait la campagne populaire contre les centrales à charbon (aux Etats-Unis, ndlt). La sauvegarde de la civilisation n’est pas un sport de spectateur.

Informez-vous. Lisez sur ces sujets. Partagez les publications de l’Earth Policy Institute avec vos amis. Choisissez un sujet qui ait du sens pour vous, comme la restructuration fiscale pour rendre les marchés honnêtes, l’arrêt des centrales thermiques au charbon, ou le développement d’un système de recyclage de pointe dans votre commune. Ou rejoignez un groupe qui s’emploie à fournir des services de planning familial aux 215 millions de femmes qui veulent pouvoir contrôler leur natalité, mais n’ont pas les moyens de le faire. Vous pourriez aussi monter un groupe de personnes partageant les mêmes idées pour travailler sur un sujet d’intérêt commun. Commencez en parlant avec d’autres pour choisir une problématique sur laquelle travailler.

Une fois que votre groupe s’est informé et s’est fixé un but clair, demandez à rencontrer les élus de votre conseil municipal ou le député de votre circonscription. Écrivez ou envoyez un courriel à vos élus au sujet de la nécessité d’un transfert de fiscalité et de l’élimination des subventions aux combustibles fossiles. Rappelez-leur que de ne pas incorporer les coûts environnementaux dans la comptabilité publique ou privée peut donner l’illusion de la prospérité à court terme mais que cela mène à long terme à l’effondrement.

Pendant la deuxième guerre mondiale, la conscription a demandé à des millions de jeunes hommes de prendre le risque de sacrifier leur vie. Il nous suffit aujourd’hui d’être politiquement actifs et de modifier notre style de vie. Lors de la deuxième guerre mondiale, le Président Roosevelt a souvent demandé aux américains d’adapter leurs styles de vie, ce qu’ils ont fait, en travaillant ensemble pour un but commun. Quelle peut être aujourd’hui notre contribution, sous forme de temps, d’argent, ou de réduction de consommation, pour aider à sauvegarder la civilisation ?

Le choix vous appartient — nous appartient. Nous pouvons nous en tenir au business as usual et continuer sur la voie d’une économie qui détruit les écosystèmes sur lesquels elle repose, jusqu’à sa propre destruction ; ou nous pouvons être la première génération à changer de cap, plaçant le monde sur un chemin de progrès durable. Ce choix est celui de notre génération, mais il va affecter la vie sur Terre pour toutes les générations à venir.

- L’article original

- Lester R. Brown, traduit par Marc Zischka et Frédéric Jouffroy, à retrouver sur Ecologik Business

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Lester Russell Brown (né en 1934) est un agroéconomiste et analyste environnemental américain. Il est le fondateur de l’institut Worldwatch ainsi que du Earth Policy Institute, organisation non gouvernementale basée à Washington D.C., dont il est actuellement le président. Lester Brown est notamment l’auteur du Plan B 2.0.

5 commentaires
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RÉPONSES DE LA RÉDACTION
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  • Grande idée mais situation incomparable : il faudra attendre une pollution insupportable, la santé réellement mise en danger pour que le monde réagisse et pour que l’on puisse forcer les gens à agir (en temps de guerre ils se trouvent face à l’ennemi) : ils n’ont pas encore "senti" l’urgence. Je reviens des USA (je connais bien le pays) et suis encore plus choquée que d’habitude de constater à quel point les gens ne se sentent pas impliqués..ils parlent de réchauffement climatique mais pas du reste... déchets sur les plages de Floride, le tout voiture pour la vie quotidienne, le manque d’investissement dans les transports en commun, la recherche du moindre effort pour tout dans la vie quotidienne....et ils vendent leur modèle en Europe (qui suit ébahie ...allez en province sans voiture !), en Chine, en Inde, au Moyen-Orient...

    9.10 à 17h12 - Répondre - Alerter
  • Un article utile sur un travail utile. Intéressant sur les exemples donnés : interdire de vendre des voitures, affecter l’industrie à des productions utiles.
    Maintenant rappelons que la société étasunienne fut très injuste durant son effort de guerre : emprisonnement des japonais et autres, racisme envers les noirs (tous unis contre Hitler, vous n’allez pas avoir des revendications maintenant— voir Chester Himes), antisyndicalisme, etc. Attention à la "bonne conscience".
    Surtout rappelons-nous qu’il a fallu Pearl Harbor pour convaincre l’opinion. Arrêtons de nous disputer entre citoyens, de donner des leçons et de dénigrer les élus. Soyons des pionniers, ayons une activité collective, mais sachons attendre le signe de la Catastrophe.
    Si j’étais Eva Joly, je le dirais : "je ne déciderai rien avant que ce soit évident pour tout le monde que la catastrophe est là, mais le lendemain, voilà quel sera le programme imposé. Et je le négocierai". Nous avons manqué la tempête de 2000 et la canicule de 2003, parce que nous n’étions pas prêts. Préparons, anticipons, mais attendons !

    29.08 à 22h20 - Répondre - Alerter
  • Mais est-ce réalisable sur une large échelle ?

    Le premier butoir est dans notre système démocratique : les gens veulent des choses à court terme là où ils sont. Et les politiques puisent leurs voix chez ces gens-là.

    Le second butoir est notre Système économico-financier : pourquoi les capitaux iraient-ils s’investir ailleurs que là où le couple rendemenr/risque est optimum ?

    En fait, pour que ça change, il faudrait d’abord s’atteler à aider les gens à changer de centres d’intérêts et de Valeurs à l’intérieur de leur groupe social : cela doit commencer par de petits groupes dont l’influence grandirait lentement, année après année, si la vie ne devient pas trop dure pour les participants (pour des raisons étrangères au projet de leur groupe).

    28.08 à 22h41 - Répondre - Alerter
  • Nous sommes des soignants (médecins, psychologues, animateurs sport et santé, diététiciennes, ...) qui voulons créer un réseau de "Centres SNAP" (de même qu’il existe un réseau de McDo ou de Quick de villes en villes...
    Un "Centre SNAP" est un Centre pluridisciplinaire de prise en charge globale de la Santé, dans les domaines des "maladies de civilisation" : obésité, surpoids, diabète type 2, ostéoporose, arthrose, dépressions, ... Nous souhaitons lier Santé et Environnement, favoriser l’activité physique en tant que moyen thérapeutique et préventif, favoriser la rencontre entre les gens par un lieu de restauration "slow-food" avec cuisson des aliments par l’énergie solaire ou à partir de la biomasse, favoriser les circuits courts d’approvisionnement (fonctionnement de type AMAP) en travaillant plus ou moins directement avec des producteurs locaux en agriculture biologique, favoriser l’éducation thérapeutique et l’appropriation de leur santé par les populations ... tout cela dans des bâtiments à autonomie énergétique avec utilisation d’énergies renouvelables (solaire, biomasse, écomobilité) ...

    A ceux qui trouveront ce projet "pharaonique" ou "décousu", je répondrai : « Que personne ne dise que cela ne peut pas être fait ». Il s’agit d’un projet "simplexe" car l’évolution de la santé des populations, lors de ces dernières décennies, appellent un approche globale.

    Nous recherchons, pour finaliser ce projet à Villeneuve-sur-Lot, en Lot-et-Garonne (France), des moyens financiers (partenariats, sponsoring, mécénats) et des moyens humains :
    - un green-manager, un secrétaire
    - un chef cuistot sensible à la cuisine-santé
    - des techniciens en énergétique (plomberie-chauffagiste, techniciens vélo et en électro-mécanique confirmés ...

    On peut contacter le responsable du projet :
    Docteur CAZEILS Francis (cazeils.fr@free.fr)
    Maison Médicale 20, avenue de Fumel 47300 Villeneuve-sur-Lot

    25.08 à 23h47 - Répondre - Alerter
  • Bravo ! Merci pour cet article mobilisateur et concret !

    Par ailleurs, arretons d’élire des marionnettes séduisantes à l’ego démesuré et exigeons la sociocratie partout où c possible (notion de consensus et d’écoute de la moindre "objection valable" pour changer d’avis et opter tous ensemble pour une meilleure solution), au lieu de raisonner comme des moutons (facilement manipulables) en regardant le bout de notre nez et notre intérêt personnel à court terme... !

    Cela demande discernement, créativité et courage... 3 qualités encore trop peu répandues...
    Belle journée innovante à tous !

    24.08 à 08h13 - Répondre - Alerter
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