publicité
haut
Accueil du site > Actu > Société > Quand l’entreprise fait de l’erreur un droit
8-09-2014
Mots clés
France

Quand l’entreprise fait de l’erreur un droit

Taille texte
{#TITRE,#URL_ARTICLE,#INTRODUCTION}
Quand l'entreprise fait de l'erreur un droit
(Crédit photo : Simon Yeo - Flickr)
 
Se tromper, recommencer sans être sanctionné. C'est une évolution qui commence à se diffuser dans certaines boîtes françaises. Le but ? Faire apparaître des comportements audacieux.
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
SUR LE MÊME SUJET

« Si on ne se trompe pas une fois sur trois, c’est qu’on n’a pas assez tenté. » Voilà ce qu’aime répéter Daniel Zimmer, le directeur de l’innovation d’IBM. L’erreur vue comme une chose positive ? Une aberration pour la majorité des entreprises françaises. Pourtant, un frémissement se fait sentir depuis que les risques psychosociaux sont arrivés sur le devant de la scène médiatique. Peu à peu, les grands groupes se dotent de nouvelles règles comportementales et reconnaissent aux salariés un droit à l’erreur, sans que celle-ci soit suivie de sanction. Une petite révolution.

« En France, l’irruption du droit à l’erreur est encore relativement récente. Les directions des ressources humaines ont pris conscience, à travers la vague de suicides de 2006 et 2007 chez EDF, Renault et PSA, qu’il fallait revoir des méthodes de management qui coinçaient les salariés, leur tapant sur les doigts quand ils faisaient des erreurs et verrouillant leur créativité. Sans espace ni autonomie, la question de leur souffrance a été bien posée à ce moment-là  », explique Jean-Christophe Sciberras, président de l’Association nationale des DRH.

L’erreur ne peut pas être un motif de sanction

Solvay, le groupe de chimie dont il chapeaute les ressources humaines en France, s’est doté en 2010 d’une nouvelle philosophie, empruntée aux Anglo-Saxons et aux Scandinaves : « Allow mistakes, address failures » (« Autoriser les erreurs, traiter les échecs »). L’idée est que l’erreur, jamais commise volontairement, ne peut en tant que telle pas être un motif de sanction. L’échec, lui, doit être analysé comme une suite d’erreurs qui auraient dû faire l’objet d’un retour d’expérience afin d’en tirer les leçons. Dans cette optique, « la personne reste bien responsable de son erreur. Elle doit la comprendre de manière à ne pas la reproduire, mais elle n’est pas coupable pour autant », résume Julien Cusin, maître de conférences en sciences de gestion à l’IAE (Institut d’administration des entreprises) de Bordeaux et auteur de Faut-il échouer pour réussir ? (Palio, 2008). L’erreur est à distinguer de la faute, effectuée dans l’intention de nuire et qui, elle, est punissable en Droit.

A la Maif aussi, la « tolérance à l’erreur » est inscrite noir sur blanc. Elle figure dans un accord signé en janvier. Mais en réalité, « on en discute depuis trois ans, depuis qu’on a lancé un vaste mouvement de transformation de l’entreprise. A l’époque, on a voulu rassurer des salariés qui pouvaient être angoissés par une mobilité et un changement de poste – volontaire – en prenant l’engagement qu’aucune procédure pour insuffisance professionnelle ne serait prise à leur encontre », explique Olivier Ruthardt, le DRH de l’assureur. Une manière de reconnaître que prendre le risque de changer d’emploi, c’est prendre celui de commettre des erreurs... Les négociations sur la qualité de vie au travail, en fin d’année dernière, ont été l’occasion d’aller plus loin et de « poser ensemble (direction et syndicats, ndlr) la définition de la tolérance à l’erreur », poursuit le DRH qui l’assimile au droit à l’erreur.

Quand la possibilité de faire des erreurs libère

En plus d’être bénéfique pour la paix sociale, l’erreur représente-t-elle aussi un réel intérêt pour l’entreprise ? A la Maif, les négociations ont été menées avec la certitude que « sans tolérance, les actes d’innovation ne se feront pas ». Car en libérant les employés de la peur de la punition, ils sont incités à faire preuve d’audace. « Une entreprise qui ne prend pas de risque est une entreprise qui finit par mourir », complète Jean-Christophe Sciberras. « Attention, je ne vais pas dire aux salariés ’’Ne faites que des erreurs pour voir ce que ça fait’’ mais j’attends qu’ils soient confiants et sereins dans l’exécution de leur travail, et libèrent leur énergie », ajoute Olivier Ruthardt. D’ailleurs, à ce jour, les retours des syndicats « sont positifs ».

La condition sine qua non pour que cela fonctionne, c’est de « ne rien mettre sous le tapis ! », prévient Jean-Christophe Sciberras. « Si quelqu’un commet une erreur, il doit le dire. Si on se rend compte qu’un collègue, voire un supérieur, commet une erreur, il faut pouvoir lui dire librement, sans risque. C’est assez révolutionnaire, ce n’est pas si simple que ça, car ça implique un changement de culture dans un pays où le modèle hiérarchique prévaut. »

« Humilité et exemplarité des dirigeants »

Le changement doit « se diffuser du haut vers le bas », estime Julien Cusin, selon qui « c’est à ceux qui sont au-dessus de montrer l’exemple et d’assumer leurs erreurs, sans que cela ne remette en cause leurs compétences. Pour que le droit à l’erreur fonctionne, il faut de l’humilité et de l’exemplarité des dirigeants. Et il faut que les salariés aient confiance. »

A la Maif, la direction a-t-elle montré l’exemple ? « Au plus haut niveau de l’entreprise, il nous arrive aussi de le dire sans pour autant être dans un mea culpa permanent mais plutôt dans des évolutions de type : “j’ai mûri et ma position a évolué” », reconnaît Olivier Ruthardt. Chez Solvay, depuis que les nouvelles règles sont en vigueur, Jean-Christophe Sciberras a vu ses collaborateurs « grandir ». « Ça les amène à oser. »

« Etonnamment, les entreprises les plus avancées dans la culture de la tolérance à l’erreur sont celles des secteurs dits à haute fiabilité : le nucléaire, l’aéronautique, l’hospitalier », explique Julien Cusin. C’est logique : dans ces secteurs, tout est fait pour réduire au maximum le nombre d’erreurs. « Il est donc important que ceux qui en commettent se sentent autorisés à en parler, et à faire un retour d’expérience. » La charte de l’AP-HP (Assistance Publique-Hôpitaux de Paris) reprend ce principe de non sanction des personnels médicaux qui commettraient une erreur à l’occasion d’un soin à un patient. Cette culture positive de l’erreur associée à un retour d’expérience institutionnalisé aurait permis, dans le milieu hospitalier, de réduire le nombre d’accidents.

Dans les labos pharmaceutiques, l’erreur fait partie intégrante du travail : plus de 90% des études lancées pour mettre au point de nouvelles molécules échouent. Et ce n’est pas mal vu, au contraire. Le laboratoire américain Eli Lilly récompense même, à l’occasion de failure parties, les « meilleures erreurs », celles qui, malgré leur issue négative, ont permis d’ouvrir de nouvelles pistes, de donner des idées neuves. En France, on n’en est pas encore là...

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Vous aimez Terra eco ? Abonnez-vous à la Newsletter
TOUS LES COMMENTAIRES
COMMENTAIRES SÉLECTIONNÉS
RÉPONSES DE LA RÉDACTION
Trier par : Plus récents | Plus anciens
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions
Soyez le premier à réagir à cet article !
PUBLIER UN COMMENTAIRE

Un message, un commentaire ?

  • Se connecter
  • Créer un compte

publicité
1
publicité
2
    Terra eco
    Terra eco
publicité
3
SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
publicité
bas