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Pourquoi la baguette va flamber

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Pourquoi la baguette va flamber
(Crédit photo : grongar/Flickr)
 
Dans quelques semaines, vous paierez vos tartines bien plus cher. Découvrez qui maltraite les grains de blé, votre porte-monnaie… et votre santé.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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C’est écrit : le pain va encore augmenter de 4 à 5 centimes d’ici au mois d’avril. A qui la faute ? Au climat, ma bonne dame. A cause de la sécheresse en Russie et des inondations en Australie, la production mondiale de blé sera inférieure à la consommation en 2011. Et ce même si les Etats-Unis compensent avec de très bonnes récoltes. Le blé nécessaire à la fabrication du pain vendu en France est pourtant gaulois à 98 %, répondrez-vous. Certes, mais devant la future tension des stocks, les épis hexagonaux risquent d’être exportés chez nos voisins, amenuisant nos réserves. Du coup, le prix du blé et de la flûte vont flamber. C’est écrit, vous dit-on.

Et si la France elle-même était contrainte de faire venir son blé de l’étranger ? Ça n’améliorerait ni la santé de votre porte-monnaie ni l’empreinte environnementale de la baguette blanche, elle qui représente les trois quarts des ventes en France : 9 milliards de pains par an ! Il faut dire que dès le champ, son bilan carbone est sérieusement enfariné, car l’agriculteur conventionnel le plombe à hauteur de 63 %. Les coupables : plus que les machines agricoles, le volume des produits phytosanitaires et chimiques utilisés. Une fois récoltés, les grains de blé sont stockés par des négociants ou des coopératives qui, à leur tour, les traitent chimiquement ou les assèchent par soufflerie pour les protéger des parasites. Le blé est ensuite transporté vers un moulin situé dans un rayon inférieur à 250 km. D’abord humidifié, il est ensuite aspiré vers le broyeur et le tamiseur. Autant d’énergie qui n’est plus produite depuis longtemps par le vent ou par l’eau.

Acide ascorbique venu de Chine

Enfin, pour proposer une gamme de farines qui facilite la vie de ses clients, le meunier y ajoute sa potion magique : quelques conservateurs et une pincée d’anti-cloque pour éviter les bulles disgracieuses sur la croûte. La poudre est prête à l’emploi. A ce stade, les effluves du bon pain craquant sont encore loin des narines des clients et pourtant, la farine représente déjà 70 % de l’impact environnemental de la future baguette.

La poudre blanche, livrée en vrac ou en sacs, arrive ensuite chez le boulanger ou l’industriel. A son tour, le fabricant de pain ajoute sa dose d’améliorants et d’émulsifiants pour que la mie ne colle pas ou ne file pas. « Utilisés à faible dose, l’impact de ces produits est surtout dû à leur transport, précise Adrien Meskel du pôle de recherche et d’innovation de l’Institut national de la boulangerie pâtisserie. L’acide ascorbique, par exemple, vient souvent de Chine. » Pourtant, chez certains professionnels, un doute persiste sur l’innocuité des douze additifs de panification utilisés en France (1). Un doute confirmé implicitement par le dépôt officiel, en 1993, de la recette du pain « de tradition française », un intitulé qui garantit que le pain ne contient aucun de ces additifs. De là à suggérer que ces produits biochimiques font peut-être courir un risque à notre santé…

Quoi qu’il en soit, dans le pétrin du boulanger ou de l’industriel, le travail continue et le mélange farine, eau, sel et levure s’homogénéise tranquillement. Divisé ensuite en pâtons, il se repose et fermente quelques heures dans une « chambre de pousse » maintenue à 24° C avant de finir dans le four – électrique ou au gaz – à 250° C pendant une vingtaine de minutes. Les pratiques et le résultat diffèrent d’une boulangerie artisanale (65 % de la production) à une usine (24 %) ou l’atelier de boulangerie d’une grande surface (9,7 %). Mais au final, le bilan environnemental est à peu près équivalent : le second poste le plus impactant est la cuisson du pain (et les équipements de surgélation à - 115° C pour l’industrie). L’énergie utilisée par le pétrin électrique et la chambre de fermentation sont la cerise sur le gâteau au carbone.

Du papier qui pèse lourd

Longue, striée, la crête dorée : la baguette est enfin là. Son périple n’est pourtant pas fini. Son odeur envahit la rue et attire le chaland… qui prend sa voiture pour venir l’acheter à la boulangerie et la rapporter chez lui. L’industriel, lui, doit, livrer ses points de vente. Le groupe La Mie Câline, qui fabrique sa marchandise en Vendée, approvisionne ainsi deux fois par semaine ses 200 magasins en France. Des trajets qui représentent 4,5 % de son bilan carbone, un peu plus que les déplacements de ses clients (4 %) ! Et s’il est encore possible d’améliorer le fret, difficile d’agir côté consommateur.

Enfin, un autre poste est à améliorer pour les groupes industriels : les papiers et fournitures annexes qui pèsent près de 10 % du bilan. Obligatoire dans les commerces en libre-service, l’emballage du pain est moins présent chez les artisans. « Il représente 3 % à 5 % du prix de la baguette pour un boulanger. Or un produit totalement biodégradable coûte trois fois plus cher », explique-t-on chez Prestibox, une entreprise spécialisée dans les emballages pour boulangerie pâtisserie. A choisir, autant préférer le « sans emballage » plutôt qu’un pain trois fois plus cher dans du papier écologique ! A l’arrivée, la fabrication d’une baguette pèse 140 g de CO2, un bilan semblable à celui d’un km en petite voiture neuve ou d’une ampoule de 60 W allumée pendant 27 heures (2).

Petit nom champêtre

La jolie baguette, elle, est enfin sur la table. Mais le cocktail de pesticides, d’additifs chimiques, de kilomètres parcourus et de papiers d’emballage reste un peu sur l’estomac. N’y a-t-il pas donc d’autre choix ? Dans de nombreuses régions, pour booster les filières agricoles, des pains locaux ont été lancés, jouant sur l’authenticité et le régionalisme. Sans pour autant être labellisés bio. Mais dans la confusion générale, l’amalgame est vite fait. Plus de 100 boulangeries, sur les 33 000 que compte le territoire français, proposent ainsi la Bleuette. Derrière ce petit nom champêtre se cache le Groupement d’intérêt économique cultures et ressources contrôlées qui regroupe 1 030 producteurs de blé, 22 organismes stockeurs, une centaine de boulangers et leurs meuniers.

Tous respectent un « référentiel privé ». Traduction ? Il s’agit d’un cahier des charges élaboré par une société qui en est propriétaire et dont le contenu est peu ou prou classé « secret défense ». Il n’est pas soumis à l’avis d’un organisme public ou agréé par l’Etat. Bref, tout sauf un label. Raison pour laquelle il soulève critiques et interrogations de la part des boulangers et des meuniers. Tout juste saura-t-on que les blés qui servent à fabriquer la Bleuette sont produits avec des principes « plus stricts » que ceux de l’« agriculture raisonnée ». Cette réglementation vise « à renforcer les impacts positifs des pratiques agricoles sur l’environnement et à en réduire les effets négatifs, sans remettre en cause la rentabilité économique des exploitations », d’après les textes officiels. Les grains ne sont pas traités après récolte et le pain est fabriqué selon la recette « de tradition ». Séduisante mais énigmatique, cette Bleuette !

Pains importés

En face, la baguette labellisée AB représente, elle, entre 1,3 % et 2 % du marché français. Une partie de sa farine a beau venir d’autres pays européens, si on la choisit « de tradition », elle reste une valeur sûre pour les puristes du bio. Attention toutefois : certains pains biologiques sont importés pour répondre à la demande ! Pour séparer le bon grain de l’ivraie, il y a encore du pain sur la planche. —

(1) Ces substances donnent des caractéristiques esthétiques au pain et facilitent le travail du boulanger. Il en existe 102 en Europe, selon les goûts de chaque pays.

(2) Bilan carbone d’une baguette réalisé en 2009 par la Chambre de métiers et de l’artisanat d’Isère auprès de sept boulangers du sud du département et de leurs meuniers.


Comment le bio a sauvé les eaux de Lons-le-Saunier

En 1989, pour réduire la pollution de ses eaux thermales, la ville de Lons-le-Saunier dans le Jura a lancé une initiative originale. Elle a négocié des pratiques de culture plus propres avec les agriculteurs installés autour de la zone de captage. En 2001, Jacques Lançon, élu en charge de l’environnement, les convainc de se convertir en biologique pour alimenter en blé la filière de pain promue avec le syndicat des agriculteurs biologiques. Un atelier de boulangerie bio s’installe en face de la cuisine centrale de la ville, qui fournit 5 000 repas par jour. En quelques années, grandit sur un périmètre de 30 km une filière « blé-farine-pain » biologique autour de vingt agriculteurs, deux meuniers et une trentaine de boulangers. La filière courte, en supprimant les intermédiaires, permet de réduire les surcoûts liés aux faibles rendements du bio, précise Roland Sage, conseiller à la Chambre d’agriculture du Jura. Aujourd’hui, la marque « Bio comtois » concerne 450 agriculteurs. L’un des plus gros clients de la filière ? La cantine municipale. —
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  • Anonyme : Just do it !

    Un bon point pour la machine a pain, non ?
    Si on utilise de la farine bio, evite-t-on toutes les etapes polluantes liees au stockage, a l’anti-cloque et autres produits phytosanitaires... ? Pas sur.
    Mais au moins, on evite les ameliorants, emulsifiants et additifs en serie, en + des kms parcourus. Et on maitrise a peu pres le temps de cuisson. OK, la phase "petrissage" de la pate est un peu longue (1h30 env.), mais finalement, on sait ce qu’il y a dedans et c’est deja pas mal ! Sauvons la planete avec le "fait maison" !

    19.01 à 13h33 - Répondre - Alerter
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