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28-03-2013
Mots clés
Logement
France
Enquête

Pourquoi Paris déborde de bureaux vides

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Pourquoi Paris déborde de bureaux vides
(Crédit photo : Amélie Mougey)
 
Avec ses bureaux vides, l'Ile-de-France pourrait héberger tous les demandeurs de logements sociaux de Paris. Pourquoi tous ces open space sont-ils laissés à l'abandon ?
Le Baromètre de cet article
ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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A Paris, les bureaux vides devraient coûter cher à leurs propriétaires. Selon le quotidien 20 minutes, les 7 et 8 juillet prochains, le Conseil de Paris va entériner la création d’une taxe sur les immeubles inoccupés depuis plus deux ans. La mesure est présentée comme un levier pour convertir 200 000 m2 de bureaux vides en logements sociaux, une promesse de campagne d’Anne Hidalgo. Pensée pour être dissuasive, cette taxe frappera les propriétaires qui n’ont rien fait pour louer leurs biens et grimpera progressivement de 20 à 40% de la valeur locative du bien. A l’heure actuelle, près d’1,2 million de m2 de surface de travail restent vacants dans la capitale ( 4,4 millions en Ile-de-France) Dans le même temps, 148 000 demandes de logements sociaux attendent d’être traitées. L’an dernier Terra eco enquêtait sur ce paradoxe français.

Cet article fait partie de notre enquête sur les bureaux vides à Paris. Lisez la suite ici

Des tours vitrées de la Défense aux immeubles haussmaniens des beaux quartiers parisiens, des étages entiers ne sont jamais éclairés. En Ile-de-France, les bureaux vides s’étalent sur 4,5 millions de m2. Vertigineux, ce chiffre ne vous parle pas vraiment ? Sachez qu’il représente l’équivalent de 150 000 logements. Soit 15 000 de plus que les dossiers de demande de logements sociaux qui s’amoncèlent dans les placards de la Ville de Paris. Depuis des années, le collectifs des Mal-logés en colère, Jeudi noir et d’autres associations d’aide au logement s’époumonent contre cet « incroyable gâchis ». Des attaques que les professionnels de l’immobilier d’entreprise reçoivent avec détachement. Pour eux, l’existence de bureaux vides est inhérente au marché.

En Ile-de-France, les surfaces inoccupées représentent 7% de l’immobilier du tertiaire. Aurélie Lemoine, directrice des études de la CBRE, un groupe de conseil en immobilier d’entreprise, y voit presque un signe de bonne santé. « Avoir un certain volume de bureaux vides donne de la fluidité au marché, et assure au locataire des prix raisonnables », affirme l’économiste. « Et puis, on ne loue pas un open space comme on loue un appartement, les choses se font beaucoup plus lentement », ajoute Aminata Diop de l’ORIE, l’Observatoire régional de l’immobilier d’entreprise. Dans cet organisme dirigé par les présidents des plus grands groupes du secteur, de Vinci Immobilier au Crédit foncier, on estime à vingt-cinq mois la durée moyenne entre le départ d’un locataire et l’arrivée du suivant. Le temps de rénover, de faire visiter et de laisser l’entreprise intéressée se décider. « Ces délais ajoutés à d’autre facteurs structurels entraînent un taux de vacance naturel autour de 7% » , avance Philippe Lemoine, dirigeant de la Silic et également vice-président de l’ORIE. Donc pour le pédégé, « contrairement aux années 1990, il n’y actuellement aucune crise de surproduction ».

« La situation n’est pas naturelle »

A la Chambre de commerce et d’industrie, l’affirmation fait tiquer. « La situation actuelle n’est pas naturelle », corrige Mickaël Le Priol, spécialiste de la conjoncture. En tant que premier parc européen d’immobilier d’entreprise, l’Ile-de-France ne peut par éradiquer les bureaux vides. Mais pour l’économiste, il ne devrait pas y en avoir autant : « La preuve, c’est qu’en cinq ans, leur proportion a augmenté de moitié (passant de 4,2% en 2007 à 7% aujourd’hui, ndlr) ». Une tendance que les gestionnaires d’immeubles vacants ne peuvent que confirmer. Depuis le début de la crise, Olivier Berbudeau, directeur de Camelot France, a vu son activité augmenter de 30%. Pourtant, lui aussi estime que « le taux d’immeubles vacants n’est pas spécialement préoccupant ».

Méthode Coué ou volonté de rassurer les investisseurs ? Quelle qu’en soit l’origine, l’art de relativiser commence à irriter certains experts immobiliers. En décembre dernier, Immogroup consulting a fait un accroc à l’optimisme ambiant. Dans un rapport au titre provocateur, le groupe dénonce « Le scandale de l’immobilier d’entreprise dans un contexte de crise du logement ». Pour Jean-Michel Ciuch, son président, les « commercialisateurs », ces professionnels de la transaction immobilière, ont mis en place un écran de fumée. « La réalité, c’est qu’on a construit plus d’immeubles que ce dont on avait besoin et aujourd’hui on essaie de le camoufler », s’emporte-t-il. Une dissimulation qui se heurte aux chiffres. Aujourd’hui, 18% des surfaces vacantes sont situées dans des immeubles neufs qui se dégradent sans jamais avoir été occupés.

Construire des bureaux rapporte gros

Dans ce cas, pourquoi ont-ils été construits ? La réponse est à chercher du côté des investisseurs. Sur les marchés, l’immobilier d’entreprise est perçu comme un bon placement, voire une valeur refuge. Construire des bureaux rapporte gros. A peu près quatre fois plus que des appartements. Moins de murs, moins de couloirs et de cages d’escalier : dans un bâtiment d’entreprise, 95% de la surface est utile, donc louée, contre 82% pour le logement.

Sans encadrements de loyers, sans logements sociaux imposés, côté législation aussi la location de bureaux est plus attrayante. « Avant la crise, quand un investisseur avait réalisé toutes ses opérations et qu’il lui restait de l’argent à placer, il choisissait l’immobilier d’entreprise », confie Lionel Bastian, président de Nai France, une autre société de conseil en immobilier. « Ces dernières années, on était sur des niveaux de rentabilité très attractifs, confirme Mickaël Le Priol de la CCI, et les acteurs qui avaient des liquidités ont ouvert des porte-feuilles de plus en plus gros ».

Du coup, la machine s’est emballée. Les promoteurs ont construit « en blanc », c’est-à-dire sans se demander s’ils allaient avoir des clients. Cette déconnexion entre l’offre et la demande, Lionel Bastian ne la nie pas. Pour lui c’est même une caractéristique du secteur. « Il faut quatre à cinq ans entre la décision de construire un immeuble et sa livraison », explique le commercialisateur. « Entre temps beaucoup de choses peuvent arriver. Lehman Brothers peut s’effondrer. »

Mauvais choix stratégiques

Mais la crise de 2008 n’a pas accouché seule de ces immeubles vacants. Aveuglés par leur optimisme, les promoteurs auraient également fait quelques mauvais choix stratégiques. « Quand le marché se portait bien, on a construit dans l’empressement des bâtiments de mauvaise qualité, vite obsolètes et dans des zones peu attractives », explique Mickaël Le Priol. Dans un contexte de croissance, ces immeubles ont dans un premier temps trouvé preneurs. Mais dans la foulée des réductions d’effectifs, les cartes ont été rebattues. Les entreprises ont cherché des locaux mieux ajustés et les grands groupes ont rassemblé l’ensemble de leurs services sur des sites uniques à Montrouge (Hauts-de-Seine) ou à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Des zones bien desservies qui permettent de faire des économies. Au contraire, les immeubles construits à la va-vite et loin des transports en commun ont été délaissés. A l’image des bâtiments construits dans les années 1980 et aujourd’hui obsolètes, ils ont peu d’espoir de voir une nouvelle entreprise emménager.

La reconversion, la plupart n’y croit pas vraiment

Pour eux, comme pour les 500 000 m2 sans occupants depuis plus de quatre ans, se pose la question de la reconversion. En tant de crise du logement, l’idée revient régulièrement. Dans son plan logement en vingt et un points dévoilé le 21 mars dernier, le gouvernement évoque la transformation de 2,5 millions de mètres carrés en habitation. Pour Paris, la candidate Anne Hidalgo parle de changer en résidentiel 200 000 m2 auparavant utilisés pour travailler. Ces déclarations ont fait sursauter les professionnels du secteur. Dépenser des fortunes pour mettre des bâtiments aux normes, construire des dizaines de cloisons et de sanitaires tout en percevant des loyers inférieurs à ceux qu’une entreprise paierait : la perspective fait frémir les commercialisateurs. Mais à l’image d’Aurélie Lemoine à la CBRE, la plupart n’y croit pas vraiment, « le nombre d’immeubles concernés sera de toute façon très limité, prévient la directrice des études avant de préciser, il ne faut pas compter sur les reconversion pour régler la crise du logement. »
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