Pédalez manège !

Les bambins qui grimpent dans l’hélicoptère du Carrousel Montgolfière ne se posent sans doute pas la question. Il suffit que Saïd lance la musique et appuie sur un bouton pour que le manège entame sa danse. Et les parents, ravis, de photographier leurs marmots agrippés aux dorures.

Pourtant, le carrousel qui vient de s’installer au pied de la tour Eiffel ne tourne pas tout à fait comme les autres. L’énergie qui l’anime est renouvelable. Sur le toit du manège, des panneaux photovoltaïques ont été installés, et la lumière qu’ils captent vient charger ses batteries. Une petite éolienne, logée sur le kiosque de Saïd, contribue également à fournir au manège une électricité gratuite. Mais ce qui fait réellement du carrousel de la tour Eiffel une petite révolution, ce sont ses chevaux à pédales.

L’idée est simple : l’étalon en plâtre est doté d’une roue et d’un pédalier ; le cavalier – en chair, lui – n’a plus qu’à actionner le mécanisme et, en quelque sorte, faire du vélo à cheval. Pendant que les enfants tournent en rond – et, donc, pédalent –, leurs parents ont aussi de quoi s’occuper : quatre kiosques, dotés chacun de trois vélos de sol, ont été installés autour de la plateforme. Dans les deux cas, l’énergie développée par la rotation du pédalier est stockée dans des batteries et permet au manège une alimentation semi-autonome.

L’énergie cinétique au service de l’amusement, l’idée vient de Pascal Pouzet, devenu spécialiste dans la construction d’attractions écologiques. Car le Carrousel Montgolfière n’est pas tout à fait un prototype. « Cela fait deux ans que l’on travaille sur des projets à énergie renouvelable, explique son inventeur. Lorsque la ville de Paris a fait la demande d’un manège “propre”, nous étions prêts à le leur fournir. » Un argument écologique qui sert aussi la capitale, malgré un coût de fabrication plus important que dans le cas d’un manège traditionnel : les chevaux à pédales, l’éolienne et les panneaux solaires augmentent de 30% l’addition finale.

Alors pour financer le projet, un homme s’est proposé : Marcel Campion, déjà roi de la foire du Trône. L’entrepreneur a voulu apporter sa touche personnelle au manège en hissant au sommet une montgolfière, ornée d’ampoules – basse consommation, évidemment. En son sein, un ascenseur offrant une vue panoramique sur les alentours. Le Trocadéro, la Seine et la Tour Eiffel à 360°.

« Bien sûr, c’est ludique avant tout », admet Pascal Pouzet. Mais sacrément moins gourmand qu’un carrousel classique, dans le même temps. Car s’il faut 70 kilowattheure (kWh) pour faire fonctionner un manège traditionnel, celui qui tourne aux énergies renouvelables n’a plus besoin que de 20 kWh. « Sachant que la moitié de cette énergie est produite directement par le manège lui-même ! » ajoute fièrement son créateur. Sur une année, il produit aussi 10 tonnes d’émissions de CO2 en moins, assure l’affiche criarde près du manège.

A condition que les usagers jouent le jeu. Et à bien y regarder, la plupart des enfants montés sur les chevaux ne peuvent même pas envisager d’actionner le pédalier : il est placé trop bas. « C’est un faux problème », se défend Pascal Pouzet. « Seulement, les bambins ont toujours les yeux plus gros que le ventre, et choisissent les plus grands chevaux. » Conclusion, s’ils allaient à l’étage, ils trouveraient des dadas à leur taille, et le manège gagnerait en puissance.

A 200 mètres de là, côté Trocadéro, trône un autre carrousel. Pas vexé d’avoir comme voisin un concurrent éco-responsable ? « Non », répond Moustapha Benmoussa en vendant ses tickets. Mais sur l’autre rive de la Seine, on louche un peu sur les ampoules 5 volts du Carrousel Montgolfière. « Chez nous, avec 13 volts par ampoule, c’est sûr que l’on consomme davantage », confie le forain... « En fait, le patron est en train de réfléchir, pour faire la même chose ! »