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5-11-2012
Mots clés
Amériques

« Paye-moi et je renonce à mon pétrole », un deal à imiter ?

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« Paye-moi et je renonce à mon pétrole », un deal à imiter ?
(Crédit photo : DR)
 
L'Equateur a renoncé à exploiter son pétrole en échange d'un pactole versé par la communauté internationale. Chantage à la biodiversité ou mécanisme vertueux ?
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Biodiversité préservée contre non extraction pétrolière. L’initiative Yasuni ITT (pour Ishpingo Tambococha Tiputini, trois sites de forage potentiel) repose sur ce marché entre l’Etat équatorien et la communauté internationale. Yasuni ITT désigne une zone d’un million d’hectares au cœur du parc national éponyme qui est l’une des plus riches au monde en termes de biodiversité. « Deux autres richesses » caractérisent cette région selon les mots de Ivonne Baki, secrétaire d’Etat à l’initiative Yasuni ITT : « Trois communautés autochtones dont deux vivent en isolement volontaire… et le pétrole. » Le sous-sol de la zone contient 20% des ressources en hydrocarbure de l’Equateur, 83e pays au classement de l’indicateur du développement humain.

En 2009, l’Equateur s’engage à ne jamais extraire ce pétrole et à financer la protection de la nature et des cultures de l’ensemble de ses aires protégées (20% du territoire) si la communauté internationale y contribue financièrement. Les fonds serviront aussi à engager un plan de transition énergétique national. L’originalité du montage réside dans la valeur financière donnée à la protection de ce « bien environnemental mondial » : 3,6 milliards de dollars (2,8 milliards d’euros) sur quinze ans, soit 50% du manque à gagner du fait de la non-extraction de 850 millions de barils de pétrole.

100 milliards de dollars

Fin 2011, le cap des 100 millions de dollars (78 millions d’euros) est atteint et déclenche la phase opérationnelle de l’initiative. Plusieurs Etats ont contribué au fonds fiduciaire géré par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) dont l’Espagne (1,4 million d’euros) et l’Italie qui a accordé une remise de dette de 35 millions d’euros en guise de contribution. En France, ce sont les collectivités locales qui se sont lancé en premier : le Conseil général de Meurthe-et-Moselle (53 000 euros), la Région Rhône-Alpes (195 000 euros) ou encore le Limousin (5 000 euros) ont sorti le carnet de chèque. Sur le plan gouvernemental, l’arrivée de Pascal Canfin comme ministre délégué au Développement a marqué la réouverture du dossier. A l’occasion d’une rencontre avec Ivonne Baki en juin dernier, le ministre s’est déclaré favorable à une participation de la France qui devrait se concrétiser via le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) au premier trimestre 2013. L’écho médiatique mondial trouvé par le projet Yasuni attire aujourd’hui les grandes entreprises qui souhaitent contribuer. « Nous avons ouvert la campagne de dons aux entreprises et à la société civile depuis la fin 2011 », se réjouit Ivonne Baki. Lors de sa visite en France en octobre, la secrétaire d’Etat a rencontré l’entreprise L’Oréal qui pourrait rejoindre Coca-Cola et Unilever au rang des mécènes.

Le projet fonctionne donc et les premiers projets sont attendus dans les prochains mois. Mais le concept laisse perplexe Romain Pirard, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Ce spécialiste des zones tropicales et de la déforestation voit dans Yasuni ITT « une fausse bonne idée ». Selon lui, si « elle reste un cas isolé, l’initiative est condamnée car, à terme, la pression sera trop forte sur la ressource ». Et si d’autres pays imitent Yasuni ? « Le coût de la compensation deviendra très vite prohibitif [pour être assumé par la collectivité internationale]. La question s’était déjà posée avec le mécanisme REDD, lorsqu’il a été envisagé de compenser financièrement l’ensemble des stocks de carbone préservés dans les forêts, et non les émissions évitées, ce qui revient à payer l’ensemble des stocks maintenus. Et ce mode de comptabilisation a été abandonné pour REDD+. »

Chantage à la biodiversité

Par ailleurs le chercheur relève que « l’Equateur demande à la communauté internationale de l’aider financièrement à ne pas enfreindre ses propres lois ». En effet, la Constitution et les lois équatoriennes interdisent l’exploitation pétrolière sur ses aires protégées, ce qui est le cas de Yasuni, dont le statut de Parc national se double de son enregistrement par l’Unesco comme Réserve mondiale de la biosphère. Mais il est vrai que l’exemple actuel du plus ancien parc national africain démontre la faiblesse du droit face à la pression économique : le parc des Virunga, patrimoine mondial de l’Unesco en République démocratique du Congo, est l’objet d’une campagne du WWF pour empêcher la mise en œuvre de permis d’exploration pétrolière délivrés par le gouvernement en contradiction avec sa propre législation. Sur trois sociétés autorisées (Total, l’Italien Eni et le Britannique Soco), Soco maintient son projet d’exploration.

L’initiative Yasuni ne serait donc pas l’idée révolutionnaire annoncée pour faire avancer la lutte contre le réchauffement climatique, mais elle reste un moyen très efficace pour attirer l’aide au développement sur une zone hyper sensible de la planète. Le succès de Yasuni ITT dessine aussi en creux l’incapacité de la communauté internationale à impulser une politique de financement global de la lutte contre le réchauffement climatique par les pays du Sud. Le Fonds vert pour le climat, décidé après Durban, n’est toujours pas opérationnel. Le choix de Songdo, en Corée du Sud, comme siège du Fonds n’a été annoncé que le 20 octobre dernier...




Cet article de Philippe Chibani-Jacquot a été publié initialement sur Novethic, le média expert du développement durable, le 5 novembre 2012.

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