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22-04-2004
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Social
Politique
Société
France

Passion et bouts de ficelle, le quotidien des gens de spectacle (suite)

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Un an et demi d’efforts pour rien

...Ce dernier en veut aussi à "certains intermittents qui se battent davantage pour leur chômage que pour travailler et être rémunérés". Sa dernière expérience l’a, il est vrai, échaudé. Lui et son associé avaient mis sur pied une structure associative de production de spectacles et engagé 45000 euros dans l’affaire. "Nous avons produit deux spectacles pour le festival off d’Avignon. Le 9 juillet, j’ai fait grève, parce que c’est vrai que cette réforme m’emmerde. Mais il était impératif de jouer le 10, pour montrer le spectacle et décrocher des tournées. Les comédiens ne se rendent pas compte, il y avait un an et demi d’efforts derrière et je faisais travailler 12 personnes. Je suis dégoûté."

"Il faut bien que je mange"

La grève de l’été 2003 a eu raison de son projet et de ses ambitions de producteur. "Je suis vacciné, lâche-t-il. Désormais, je vais m’appuyer sur le système tant qu’il existe, car il faut que je mange, et j’ai bientôt un deuxième enfant à élever." En contrat avec la troupe des Dix commandements, "des gens pas subventionnés qui paient chaque fin de mois", il s’estime à peu près à l’abri.

Salaire : 7000 à 8000 francs par mois

Martine elle aussi brandit "le principe de réalité". "Ce métier concrètement, c’est aussi comment vais-je payer les livres scolaires de mes enfants, l’essence et la vidange de la voiture ? Concrètement, je peux tenir jusqu’à la fin décembre. Ensuite, avec la réforme, j’ai fait mes calculs : ça ne passe pas. Peut-être qu’à 45 balais, je vais devoir me poser la question de faire autre chose". Jean-Marc a cumulé 650 heures en 2002, une bonne année. "En travaillant à temps plein, je gagne 7000 à 8000 francs en moyenne par mois, dont la moitié grâce aux Assedic. C’est pas si mal, non ?" Sa compagne Patricia touche un salaire fixe. "Malgré tout, on fait attention, on a limité les mensualités de la maison", prévient-il.

"La grève, ce n’est pas mon truc"

A l’instar de Martine et Stéphane, il lui est difficile d’imaginer la suite. "La grève, ce n’est pas mon truc, explique-t-il. Mon côté militant, c’est de travailler avec de petites compagnies." La grève ? Blessé, Stéphane ne veut plus en entendre parler et dit sa tentation d’un repli individualiste. Martine, elle, y croit encore, pour quelques temps.

Incompréhension du public

Mais en dépit de ces différences, deux ou trois choses les rassemblent. En premier lieu, tous en veulent au service public audiovisuel, accusé de chahuter le frêle esquif sur lequel ils s’étaient embarqués. "D’ailleurs, tant que les gens de télé ne bougeront pas, rien ne changera, tranche Stéphane. La chasse aux abus je n’y crois guère." Deuxième certitude, tous éprouvent de l’amertume face à l’incompréhension d’un public qu’ils chérissent pourtant. "On nous traite de "fainéants du spectacle", mais autour de moi, je ne connais personne qui passe trois mois au boulot et neuf mois dans les îles", défend Martine.

Tous réclament une réforme

"Avant mes parents me demandaient : que fais-tu dans la semaine puisque tu ne joues que le week-end ? Je leur ai montré ce qu’est une heure trente de représentation, avec un mois de préparation à la maison. Mais ça, le public ne le voit pas", déplore Stéphane. Enfin, tous réclament une réforme. "Mais il faut que tout le monde s’y mette, insiste Martine. Et je ne veux pas de ce système aléatoire, dans lequel même les petits qui travaillent dur n’arrivent pas à faire leurs 507 heures.". "Si le système est remis en cause, conclut Jean-Marc, je gagnerai le Smic ou le RMI au lieu de mes 7000 francs. Mais je continuerai."

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