Big Soccer Friday

« Vous les détesterez jusqu’à ce que vous en ayez une ! » Mais de quoi parle-t-on ? Des vuvuzelas, bien sûr ! La fièvre festive qui s’empare en ce moment des rues de Johannesburg se mesure immanquablement à l’aune du beuglement qu’émet cette trompette d’environ un mètre de long. La première fois que j’ai entendu une vuvuzela, j’ai cru qu’un hanneton géant déboulait au coin du boulevard… Depuis quelques jours, le son de ce machin en plastique me tire du lit à six heures tous les matins. Alors essayez d’imaginer ce que peuvent être 1 000 – que dis-je, 10 000– vuvuzelas dressées au ciel par une foule de Sud-Africains rassemblés autour de la parade de leur équipe de foot il y a quarante-huit heures !

Depuis quelques jours, l’air est hystérique : les 32 équipes de foot ont pris leurs quartiers d’hiver (austral) ; les premiers supporteurs ont posé leurs valises ; les restaurants sont pleins. Je n’ai jamais vu la ville si excitée, l’atmosphère si vibrante… Et dire que ce n’est que le début. Si je veux tenir le coup jusqu’au 11 juillet, je n’ai plus qu’à faire comme tout le monde : filer m’acheter une vuvuzela, me fondre dans la marée multiraciale et communier, à mon tour, dans l’adoration du ballon-roi.

La dix-neuvième édition de la Coupe du monde a commencé bien avant le coup d’envoi du premier match. En fait, cela fait des semaines que la fièvre monte : tous les feux de signalisation de la capitale économique de la nation arc-en-ciel ont été investis par des vendeurs à la sauvette proposant trompettes, perruques et drapeaux. Aux quatre coins de la ville, de gigantesques panneaux reprennent en chœur le slogan de la Fifa : « Make sure you can say, I was there ! » (« Soyez certains de pouvoir dire, j’y étais »).

Et comme tous les vendredis, ce 11 juin est « Soccer Friday » : les Sud-Africains sont invités à revêtir un maillot de foot pour se rendre au bureau. Des machines à café aux salons tamisés des bars chics de « Joburg », on ne parle que du mondial… mais à condition de respecter les limites de la décence politico-sportive ! Il est formellement interdit de critiquer le plus grand événement sportif jamais organisé sur le continent noir, sauf à vouloir être voué aux gémonies par une opinion publique plus patriote que jamais.

Danny Jordaan, le président du comité d’organisation de la Coupe, le répète sur tous les tons : tous les indicateurs sont au vert. Jetez le traditionnel afro-pessimisme aux orties, le mondial sera un succès ! Seule une inconnue subsiste : Mandela. L’icône du continent noir, le messie vivant, le père de la nation, assistera-t-il au premier match ? Réponse ce vendredi 11 juin, dans l’après-midi.