innovation politique |
Par Rodrigue Coutouly |
« On ne peut pas sortir du nucléaire » |
Dans les médias, les interventions du personnel politique et des experts, on retrouve la même dualité entre les pro (« le nucléaire est sûr et indispensable ») et les anti (« c’est dangereux et on peut passer à autre chose »). Et si on prenait un peu de hauteur pour comprendre que tout cela est plus compliqué et un peu moins manichéen ?
il s’agit de centrales, d’usines compactes produisant une grande quantité d’électricité sur une petite surface. L’électricité est diffusée de manière centralisée sur l’ensemble du réseau.
ces centrales dégagent de la pollution, pollution instantanée de l’air dans le cas des centrales thermiques ayant des conséquences immédiates sur l’atmosphère, pollution à long terme par la radioactivité pour les centrales nucléaires.
ces centrales nécessitent un combustible qui est, par définition, limité en ressources.
Pour le cas spécifique du nucléaire, notons quelques particularités :
les centrales compactes, fonctionnant à l’énergie atomique, sont d’une très grande puissance
la pollution à long terme nécessite une organisation particulièrement rigoureuse pour gérer le risque, le confiner, prévenir les fuites et accidents, gérer les déchets à très long terme, assumer les éventuels accidents aux conséquences catastrophiques et coûteuses comme le démontre l’actualité japonaise. Le coût de ces protections est très important et surtout difficile à contingenter à cause du risque d’accident et de l’avenir des déchets. Le coût apparent du nucléaire n’est pas le coût final pour l’Humanité, impossible à quantifier.
le combustible, l’uranium, est limité et devrait, d’après la plupart des estimations, disparaître d’ici la fin du siècle. Il va devenir rare et cher au fur à et mesure que les pays vont s’équiper en centrale nucléaire. Sans compter le coût géopolitique, comme le démontre l’affaire des otages au Mali.
Il faut comprendre la part toute particulière de l’atome dans la culture française. L’origine de cette industrie, dans les années 50, doit être cherchée dans l’alliance entre les milieux scientifiques et politiques français, dans une tradition colbertiste caractéristique de notre pays. Je recommande à ce propos la lecture de l’excellent ouvrage de mon ami Alain Leridon : L’Atome hexagonal, histoire de la relation de la France avec le nucléaire, publié aux éditions Aléas, en 2009.
Enfin, pour conclure, dans la situation actuelle de la France, nous ne pouvons pas nous passer du nucléaire parce que notre système de production est majoritairement d’origine atomique. Mais rien ne nous oblige, dans les années et décennies à venir, à continuer à investir dans une énergie qui possède autant de défauts.
L’alternative consiste dans un système qui possèdent les caractéristiques suivantes :
l’énergie est récupérée sur les productions naturelles de la planète : les déplacements de masse d’air (les vents, les vagues), de masse d’eau (les chutes d’eau, les courants), la chaleur produite par le soleil (panneaux solaires). Pour pouvoir exploiter l’ensemble de ces forces, les capteurs doivent être dispersés et variés. On est donc dans l’opposition aux « anciennes énergie s » qui étaient concentrés dans quelques centrales. Ici, on utilise et exploite de multiples unités. Cela présente un avantage : l’installation et la gestion de ces multiples capteurs d’énergies nécessitent une main d’œuvre importante. Contrairement aux « anciennes » centrales, c’est une économie créatrice d’emplois.
ces capteurs multiples sont parfaitement au point techniquement. Le seul reproche qu’on a pu leur faire était l’intermittence de la production d’énergie par la nature. Mais les systèmes de production alternative comprennent des éléments de régulation : pompage-turbinage, batteries, pile à combustible, ... C’est un véritable progrès par rapport au XXe siècle : on sait maintenant parfaitement produire et gérer de manière décentralisée et intelligente l’électricité (système smart grid). On passe d’une logique de centrale à une logique de système décentralisé.
ces systèmes de capture ont un énorme avantage : ils ne dépendent plus de ressources du sous-sol limitées, pour lesquelles la concurrence ne va faire que s’exacerber. On a seulement besoin de ces ressources pour construire ces différents capteurs. Le coût de ces systèmes va passer essentiellement dans la main d’œuvre pour les construire, les installer et les entretenir. c’est donc un coût qui a des répercussions positives sur l’emploi et donc l’économie.
enfin, contrairement aux idées reçues, on peut largement produire toute l’électricité dont nous avons besoin avec ces technologies.
Si vous doutez de l’existence de ces technologies, de leur fiabilité et de leur cohérence, je vous conseille vivement d’aller surfer sur le blog Objectif Terre de mon collègue Olivier Danielo : son site recense et décrit l’ensemble des technologies et de leurs possibilités d’organisation et de développement économiques : il y plus de 3 500 articles, c’est un monument !
Si vous doutez encore, c’est sans doute que vous vous trouvez en quelque sorte dans la situation de ces personnes qui, à la fin du XIXe siècle, préféraient la machine à vapeur au moteur électrique. La première était sale et polluante mais on la connaissait bien, on l’avait adoptée. Le moteur électrique paraissait compliqué et cher, il était trop nouveau et mal connu, il était déconsidéré.
La méthode est simple : taxer de manière très légère (quelques dizaines de centimes sur une facture les premières années) toute l’électricité produite à partir de sources non renouvelables. Utiliser entièrement cette taxe pour financer les investissements nécessaires pour acheter et installer des capteurs (éolienne, solaire, hydraulique). Augmenter cette taxation au fur et à mesure que le potentiel du renouvelable prend de l’importance. Cette méthode, dite des contributions incitatives, permet de réaliser cette transition tout en stimulant l’économie du pays qui réalise cette révolution énergétique.
Le nucléaire, nécessaire aujourd’hui, va devenir de plus en plus coûteux demain pour deux raisons : parce la pollution cumulée va coûter de plus en plus cher et parce le combustible va augmenter de façon exponentiel. Sur une planète où la concurrence pour l’accès aux ressources se développe, disposer de ressources renouvelables à l’infini sera, à l’avenir, un atout essentiel.
Principal de collège, agrégé d’histoire-géographie, j’ai été, dans une autre vie, technicien forestier à l’Office national des forêts et j’ai travaillé en Afrique sahélienne. |
Affichage : Voir tout | Réduire les discussions