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31-01-2013
Mots clés
Alimentation
Agriculture
France
Monde

Olivier De Schutter, un écolo à l’ONU

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Olivier De Schutter, un écolo à l'ONU
(Crédit photo : tineke d’haese )
 
Le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation a frappé un grand coup en 2011 en publiant un rapport présentant l’agroécologie comme une solution crédible pour nourrir la planète. Pour ce Belge intransigeant et passionné, la faim justifie ce moyen.
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Sans lui, le mot « agroécologie » n’aurait pas la même résonance. Le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation publiait en mars 2011 un rapport sur ce thème. Le communiqué de presse titrait alors : « L’agroécologie peut doubler la production alimentaire en dix ans ». Il n’en a pas fallu plus aux réseaux sociaux verts pour faire circuler l’info un brin raccourcie que c’était sûr, l’ONU l’affirmait, le bio était la meilleure solution pour nourrir la planète. En face, les partisans de l’agriculture conventionnelle criaient à l’affabulation. Depuis, le soufflé n’est pas retombé. Le rapport d’Olivier De Schutter est toujours régulièrement brandi. Marie-Monique Robin en a ainsi fait un des fils conducteurs de son dernier documentaire, Les Moissons du futur. Et l’agroécologie – cette science qui augmente la productivité, protège les cultures, en s’appuyant sur l’équilibre naturel entre les végétaux, les animaux, les insectes et la terre – figure de plus en plus au rang des solutions.

Le quadra Olivier De Schutter a pris son poste au printemps 2008, au moment même où une crise alimentaire grave secouait la planète. Il n’a pas plus résolu celles de 2010 et 2011 que la première. Car sa seule arme, ce sont les mots. Alors, il pèse chacun d’eux, même pour un entretien à distance – il a suggéré une interview par Skype, « largement plus économique et plus écologique » qu’un aller-retour à Bruxelles. « Je suis totalement libre. Mais totalement responsable, lance-t-il avec le très léger accent qui trahit sa nationalité belge. Sur le fond, comme sur la forme. Il le faut, si je veux convaincre. » Le résultat n’a rien de jargonnant, ni d’abstrait. Ça nous change. Sa prose porte sur les « politiques semencières » ou « l’accès à la terre » ; elle est le résultat de rencontres avec des ONG, des chercheurs, des entreprises ; elle ponctue des missions au Nicaragua, au Bénin ou à Madagascar.

Ces rapports sont remis à l’Assemblée générale des Nations unies, au Conseil des droits de l’homme, publiés sur son site Srfood.org, relayés par la presse… Pas de quoi changer la face du monde. Mais faire passer des idées, aider à les amplifier, éventuellement. « Jusque récemment, explique le rapporteur, on décryptait les crises alimentaires comme des crises de l’offre et de la demande. L’idée, pour les résoudre, c’était de booster la production agricole. Je pense avoir aidé à complexifier cela, en montrant que l’approche productiviste n’était pas la seule. » Il faut compter aussi, et beaucoup, sur les petits, plaide-t-il : « Nous ne réglerons pas les problèmes de la faim et du changement climatique en développant l’agriculture industrielle sur de grandes plantations. Il faut au contraire miser sur la connaissance des petits agriculteurs et sur l’expérimentation. »

Cocon doré et vue sur la pauvreté

Pas étonnant de peser ses mots quand on est fils de diplomate. Né en 1968, il a passé son enfance au gré des affectations paternelles, entre l’Inde, le Rwanda et l’Arabie saoudite, dans un cocon doré avec vue sur la pauvreté. « Ces années ont été très importantes pour moi. J’éprouve de la culpabilité à être dans une situation privilégiée. Je n’aurai jamais fini de payer ma dette. » Résultat : le brillant étudiant à l’Université catholique de Louvain (Belgique), à Panthéon-Assas (Paris) ou à Harvard (Etats-Unis), se spécialise dans les droits de l’homme : « Ils sont l’illustration que le droit peut changer le monde. »

Il devient un professeur de droit réputé à Louvain, membre de la Global Law School à l’université de New York et professeur invité à Columbia, aux Etats-Unis. Ça peut mener loin, la culpabilité. Y compris au poste de secrétaire général de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), qu’il a occupé de 2004 à 2008. Ses trois enfants ne diraient pas le contraire, eux qui s’appellent Théo René-Cassin (comme le coauteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948), Nesle Castor (du surnom de Simone de Beauvoir) et Jean San Suu Kyi (comme la militante birmane). « Des (deuxièmes, ndlr) prénoms choisis pour qu’ils ne puissent pas échapper à leur destinée. » Et encore des mots qui ont un sacré poids.

Positions clairement antilibérales

Cette passion pour les droits de l’homme et les petits producteurs fait-elle de lui un homme de gauche, voire le « “ gauchiste ” de l’ONU » (1) ? Le style Olivier De Schutter est moins tapageur et altermondialiste que celui de son prédécesseur, Jean Ziegler, connu pour cette phrase : « L’agriculture mondiale peut aujourd’hui nourrir douze milliards de personnes […], donc les enfants qui meurent de faim sont assassinés. » N’empêche, ses positions sont clairement antilibérales. Au point d’irriter parfois le directeur de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Pascal Lamy. Quand le rapporteur appelle à intervenir pour isoler les marchés intérieurs des marchés internationaux, à l’OMC, ça ne passe pas. Mais lui ne choisit pas ainsi son camp : « Le clivage gauche/droite n’est pas intéressant. En revanche, l’opposition entre ceux qui ont une approche urgentiste, court-termiste des problèmes alimentaires, et ceux qui s’attaquent sur le long terme aux causes structurelles m’intéresse plus. Réagir à une crise alimentaire en boostant les cours, c’est insuffisant. Il faut investir dans l’agriculture. »

Il y a aussi ceux qui s’accrochent à l’ancien monde et ceux qui comprennent qu’« on est en train de changer de paradigme », dit-il. « J’y contribue en fournissant des outils intellectuels et je ne me sens pas isolé. Je ne sais pas si on va y arriver, je ne suis pas certain qu’on aille assez vite, mais on est en train de changer. » Il se réjouit par exemple que des organisations paysannes comme Via Campesina ou le Roppa, le Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest, gagnent en crédit. En avril, il publiera un rapport sur les OGM. Puis un autre sur le droit des femmes, « un aspect très sous-estimé de la sécurité alimentaire ». Et au terme de son mandat, en 2014 ? « Je pense écrire sur tout. Ma vue s’est transformée au cours des cinq dernières années. De façon considérable. J’aimerais mettre tout à plat dans un ouvrage au-delà de 10 000 mots. » Ce sera le récit d’un monde qui bascule, avec des mots, encore des mots, toujours des mots. —

(1) Comme le titrait Rue89 en novembre 2012.


Olivier de Schutter en dates

1968 Naissance à Bruxelles

1998 Thèse de droit, présentée summa cum laude

1999 Professeur à l’Université catholique de Louvain

2004 Devient secrétaire général de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme

2008 Nommé rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation

2012 Dernier rapport publié, sur la pêche : L’accaparement des mers est une menace aussi sérieuse que l’accaparement des terres

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