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18-12-2014
Mots clés
Pollution
France
Reportage

Offrez-vous une balade toxique sur les terres de Paris 2015

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Offrez-vous une balade toxique sur les terres de Paris 2015
(Crédit photos : Amélie Mougey)
 
Parler du climat au coin de la rue : telle est la mission d'un collectif de Seine-Saint-Denis. Un an avant d'accueillir la prochaine conférence sur le sujet, des habitants organisent Toxic – et Détox – Tours pour mobiliser les citoyens !
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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A deux pas de Paris se déroulent des visites qu’aucun tour opérateur n’oserait programmer. Debout sur un banc public, entre les voies de la gare RER de Saint-Denis et une barre d’immeuble, deux guides en gilet jaune déploient une carte de la sous préfecture de Seine-Saint-Denis. Devant eux, les touristes du jour, une quarantaine de Franciliens en doudounes, découvrent, ce jour de début décembre, l’itinéraire du deuxième « Toxic Tour Détox », balade dédiée aux questions de pollution, d’énergie, et de climat. Après s’être noircis les poumons en longeant l’autoroute A1 deux semaines auparavant, les participants démarreront ce nouveau parcours, consacré aux luttes écocitoyennes, devant une usine de traitement des os de boucherie. Deux heures plus tard, ils termineront leur périple en chaussettes dans un deux pièces pour parler rénovation thermique.



Un an tout juste avant la COP 21, qui se tiendra à moins de quatre kilomètres de là, une dizaine d’habitants de Seine-Saint-Denis a pris conscience d’un paradoxe : le territoire sur lequel se rencontreront, en décembre 2015, 195 délégations internationales pour parler du climat, est l’un de ceux qui, en France, connaît les plus hauts niveaux de pollution.

Transformer l’indignation locale en prise de conscience globale

« Il y a, d’un côté, la question du réchauffement, cet enjeu ultra-abstrait, désincarné, qui dépasse la plupart d’entre nous ; de l’autre, le quotidien des gens, les problèmes de transport, de pollution et de santé, résume Laurence Marty, étudiante en sociologie et membre fondatrice du collectif. On s’est dit que la COP 21 était l’occasion de faire le lien » , glisse la jeune femme, en sortant une poignée de flyers de son sac à dos. En s’inspirant des « Détox Tour », ces visites de sites pollués déjà rodées au Brésil ou à Marseille, le collectif propose aux habitants de partir à la découverte de leur cadre de vie, avec pour objectif de transformer l’indignation locale en prise de conscience globale.



Le défi est relevé dès la première halte. Le groupe se rassemble en cercle devant un portail gris. Au dessus de lui flotte un drapeau du groupe Saria. En ce dimanche après-midi, les bâtiments en tôle ondulé de cette usine spécialisée dans la transformation d’os de porc en pellicules photo et en gélules médicamenteuses sont endormis. « A la Saria, on a vécu un beau moment de lutte », se souvient avec nostalgie Sophie Durand. En 2001, cette grande blonde au ton assuré a entrainé plus de 600 habitants dans son combat. Sur les affiches de l’époque, extirpées pour l’occasion des placards de l’association Saint-Denis et environnement, les masques à gaz dessinés au marqueur sont explicites. « L’odeur était insupportable, on ne pouvait plus ouvrir nos fenêtres, les enfants ne sortaient plus pour la récré, tout le monde avait un mouchoir sur le nez en allant à la gare », rappelle la militante. Derrière elle, 193 riverains décident alors d’attaquer la Saria en correctionnelle. L’usine est condamnée à réaliser d’importants travaux de confinement.



« Le site traite toujours l’ensemble des déchet de boucherie de la petite couronne. Ça représente, chaque jour, des milliers de tonnes », indique Michael Evrard, président de l’agence de l’énergie et du climat, venu soutenir le concept de ces tours. L’occasion est trop belle pour ne pas évoquer l’impact de la surconsommation de viande. C’est Jade Lindgaard, cofondatrice du collectif et journaliste spécialiste des questions d’environnement à Mediapart qui s’y colle. « Ce site est toujours le maillon d’un système problématique : l’industrie de la viande, qui contribue au dérèglement climatique », rappelle-t-elle, à grand renfort de chiffres.

Les usines toxiques dont Paris ne voulait pas

Tout en l’écoutant, l’auditoire s’est serré sous une poignée de parapluies. L’un d’entre eux abrite Antonio, professeur d’espagnol fraîchement à la retraite. Sa présence n’a pas grand-chose à voir avec la COP 21, la viande et le climat. « J’habite à Saint-Denis depuis vingt-huit ans et les odeurs de la Saria, j’en ai souffert », explique-t-il. Pour lui, le cas n’est pas anecdotique : « Ces dernières décennies, le territoire a accueilli toute les usines toxiques dont Paris ne voulait pas. Aujourd’hui, Saint-Denis change à vue d’œil : c’est pourquoi il nous faut entretenir la mémoire des combats passés. »

Relier les luttes d’hier et d’aujourd’hui est le deuxième enjeu de la balade. De l’autre côté de la rue, une bâtisse de trois étages, sans fenêtres ni peinture, dépasse au dessus de palissades. Autour de l’immeuble en décomposition, un camp rom de 300 personnes s’est installé. Les organisateurs laissent la parole à Andrea Caizzi, de l’association RomEurope. Avec douceur mais empressement, l’homme au cheveux blancs et au regard bienveillant raconte le quotidien des familles qui, « après avoir déjà erré dans tout le département au gré des démantèlements de camps, vont être expulsées la semaine prochaine. Encore une fois, on déplace le problème ».

Se chauffer aux déchets de chantier

Derrière lui, Mamourou, acquiesce : « Ici, savoir s’il y aura un accord contraignant ou pas à la COP 21, ça paraît bien loin. Par contre, quand on voit ces gens se ruiner la santé en se chauffant au bois et aux déchets de chantier, on est dans le dur, et indirectement, on parle de pollution et de climat. » Déjà sensibles à ces questions globales, ce jeune diplômé d’un master environnement découvre au fil des visites l’ampleur des dégâts dans son département. « Je vis dans une cité, mais je ne suis pas le plus mal loti, nuance-t-il. Au dernier Toxic Tour, je me suis rendu compte que l’hôpital public était construit juste au dessus de l’autoroute. » Un crochet par la station de mesure de la qualité de l’air a fait grimper sa consternation d’un cran. Ici, les niveaux de pollution dépassent les seuils limites plus d’un jour sur deux (139 jours par an pour les microparticules, 86 jours pour le dioxyde de carbone selon Airparif).



Mains enfouies dans les poches, menton dans les écharpes, le groupe poursuit sa promenade dominicale en traversant le plus vieux pont de Saint-Denis. Lui aussi a été le théâtre d’une lutte écocitoyenne. « L’installation du tramway a failli se solder par un élargissement pour laisser plus de place aux voitures », commente Mathieu Glaymann, l’un des organisateurs du tour. Pour s’y opposer, on est allés chercher des solutions alternatives et on a fini par bloquer le pont avec un grand bal. » Là encore, les citoyens ont obtenu gain de cause. Mais le mouvement à eu peu d’échos au delà du milieu écolo. « Ce qui préoccupe les gens, c’est se loger, manger, se chauffer », reprend Mamourou.

« Plus on brandit les peurs, plus les gens se recroquevillent »

Les organisateurs en sont conscients. D’où le choix du dernier thème du pèlerinage : la rénovation thermique. « On parle de Toxic Tour Détox , corrige Jade Lindgaard , car on se penche aussi sur le positif. » Un choix plébiscité par l’assemblée. « On nous accuse de jouer les Cassandre, d’être catastrophistes, mais on sait que plus on brandit les peurs et plus les gens se recroquevillent », développe Bernard Boudet, secrétaire du groupe local Europe Ecologie - Les Verts (EELV) d’Aubervilliers.



Dans la cité du Bocage à l’île-Saint-Denis, Alain ouvre les portes de son logement social labélisé HQE (haute qualité environnementale). Avec les autres habitants de la cité, le maître des lieux a fait pression pour que le bailleur rénove cette ancienne passoire thermique. En obtenant gain de cause, les locataires ont diminué leur facture de près de 80%. « On a l’impression que l’écologie, c’est un problème de riches, c’est faux : c’est un facteur supplémentaire d’inégalité », souligne Michael Evrard. Un constat valable hiver comme été. « En 2003, la Seine-Saint-Denis était le deuxième département le plus touché par la canicule », rappelle le président de l’agence de l’énergie et du climat. Puis, sans en avoir l’air, il glisse de la situation locale à l’enjeu global : « Le changement climatique ne va rien arranger. On doit donc construire aujourd’hui des bâtiment pensés pour nous protéger des température que l’on aura dans quarante ans. »



Le propriétaire des lieux acquiesce. Tracts et affiches rouge vif ou vert clair tapissent les murs de son appartement. Ici, la petite équipe est en terrain ami. « A Saint-Denis, on est historiquement en territoire communiste, les écolos sont plutôt mal vus » sourit Laurence, qui, à 23 ans, est déjà une ancienne de la ZAD (zone à défendre) de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). Mais en parlant pollution, transport et facture de gaz, la promenade dominicale a réconcilié les militants de tous bords. La benjamine du groupe, elle, n’a qu’un seul regret : « On parle de la pollution aux abords de l’autoroute A1, mais il n’y a encore personne parmi nous qui vit dans ces tours. » Mais la jeune femme ne désespère pas : « D’ici à la COP 21, on a encore une année entière pour mobiliser. »

Le prochain Toxic Tour Détox aura lieu au Bourget, le 25 janvier prochain. Pour suivre leur actualité, rendez-vous sur leur page Facebook.

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