ONU cherche patron pour négociations climat

Les candidats pointent timidement leur nez. Il y a eu Vijai Sharma, d’abord, le secrétaire d’État indien à l’environnement soutenu par la Chine mais boudé par le Nord. Hier, le gouvernement sud-africain a dégainé Martinus van Schalkwyk, l’actuel ministre au tourisme. Mais que faut-il vraiment pour faire un bon chef des Nations Unies sur le climat ? Un sens aigu de la diplomatie, une appétence pour les sujets ardus et les nuits sans sommeil. Portrait-robot du candidat idéal. A vos CV !

Un talent d’équilibriste

Une chose est sûre. Le chef du climat aux Nations Unies devra savoir marcher sur un fil. Entre les flèches du Nord et les boulets du Sud, l’homme devra zigzaguer avec grâce. La “diplomatie” est l’une des premières compétences requises pour postuler à ce job.

Une poigne de fer

Mais ce n’est pas une raison pour accepter les mollassons. L’heure venue – à coup sûr une heure tardive -, il faudra bien frapper du poing la table des négociations. “Il faut être capable de dire qu’une discussion ne sert à rien et mettre les gens dos au mur, affirme Stéphane Hallegatte, économiste au Cired [1] et expert auprès de la délégation française à Copenhague. Mais combiner à la diplomatie, "c’est un art très impressionnant. Parce qu’il faut sentir l’état des délégués. Le moment où on peut les pousser et celui où on risque de les braquer.”

Une neutralité d’Helvète

Sur son CV, l’homme devra aussi montrer qu’il est digne de confiance. Et n’a pas les oreilles rivées vers les doléances de son camp. “C’est le critère n°1, estime Stéphane Hallegatte. Il ne faut jamais qu’on pense que vous montez les pays les uns contre les autres. C’était un peu ce qui est arrivé à Yvo de Boer. Il avait perdu la confiance parce qu’on l’accusait de jouer pour lui.”

Un passeport émis au Sud

Les pays en développement le réclame. Pas question d’avoir un énième président nourri à la cuillère d’argent. Avoir quelqu’un du Sud ? “Il y a des gens qui connaissent suffisamment le fond et qui viennent d’Asie ou d’Afrique”, martèle Yves Cochet, député Vert et membre de la délégation parlementaire française au dernier sommet. Pour Pierre Radanne, président de Futur Facteur 4 et négociateur auprès des pays africains à Copenhague, l’homme doit surtout être un “passeur entre Nord et Sud”. “Yvo de Boer avait été très critiqué lors de la conférence de Bali pour être trop proche des pays industrialisés. Après, il n’a jamais réussi à remonter en légitimité. Il faut quelqu’un qui par son attitude morale et son souci d’équité inspire le respect à l’ensemble des négociateurs. Si c’est un homme du Sud, il faut qu’il parvienne à être légitime aux yeux des pays industrialisés sans laisser croire au Sud qu’il a trahi son camp. C’est très difficile.”

Un savoir d’encyclopédiste

“Il faut qu’il puisse avoir une culture des différents aspects de la négociation : à la fois la technologie, l’adaptation, l’atténuation.... Ce n’est pas si évident. La plupart des gens sont très spécialisés”, souligne Stéphane Hallegatte. Maître du fond, ouvrier de la forme aussi. Car les rouages des conférences climat tiennent un peu du casse-tête chinois niveau confirmé. D’ailleurs jusqu’ici les secrétaires exécutifs étaient plutôt puisés directement dans le sérail. Yvo de Boer était le négociateur néerlandais et Michael Cutajar [secrétaire exécutif jusqu’en 2002] avait été le négociateur maltais à Rio et Kyoto. “Dans la période actuelle, ce n’est pas très grave, tempère néanmoins Pierre Radanne. La conférence de Mexico risque d’être une conférence intermédiaire, notamment si les États-Unis ne passent pas leur loi sur le climat. On peut prendre quelqu’un qui n’est pas du sérail. Il aura un an pour apprendre.”

Une silhouette féminine ?

“Et pourquoi pas une femme ?”, s’interroge tout haut Yves Cochet. “Ça pourrait être Vandana Shiva. Même s’il ne faut peut-être pas une personnalité trop marquée par une étiquette militante…” Il faut dire que la scène onusienne n’a pas vraiment réussi aux femmes récemment. Connie Hedegaard – présidente de la conférence de Copenhague a dû jeter l’éponge en plein sommet. Trop de pression a-t-on murmuré.

Une tête d’affiche ?

Al Gore secrétaire général au climat ? Ou Armatya Sen ? Après le raout de Copenhague et son ballet ordonné de chefs d’État, un “people” pourrait peut-être maintenir la pression sur le monde. “Pourquoi pas ?, réfléchit Pierre Radanne. A condition que ça ne tourne pas au ball-trap. Le Giec était auréolé du Prix Nobel de la Paix de Rajendra Pachauri mais ça a fini en tir de barrage après la déception de Copenhague. Une personnalité médiatique pourrait rapidement finir au tir au pigeon.”

Un insomniaque

Vous trouvez cela anecdotique ? C’est en fait une qualité indispensable à tout candidat sérieux au poste de secrétaire exécutif de la CCUNCC. Car les nuits sans sommeil font le charme et la douceur des conférences internationales sur le climat. Pas question d’aller frapper chez Morphée quand la Chine et les États-Unis se sont enfin entendus sur un demi-paragraphe. Adeptes du “power nap”, bienvenus !