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8-06-2006
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Société
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Nucléaire : Avec ou sans ?

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L'atome est à la mode. Moins de gaz à effet de serre, indépendance pétrolière : le nucléaire a, en apparence, quelques atouts. Mais les faits montrent qu'il n'est pas la solution aux défis énergétiques de la planète. Enquête.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Mise à jour du 13 mars 2011 : Alors que le monde entier est suspendu aux lèvres des autorités japonaises, pour comprendre la nature de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima au Japon, la rédaction de Terra eco propose de vous replonger dans une enquête sur les forces et faiblesses de l’électricité nucléaire.

James Lovelock est un écologiste tout ce qu’il y a de respectable. Membre de la prestigieuse académie scientifique Royal Society, il promène son sourire et son style so british sur les plateaux de télévision et dans les conférences internationales. Sans relâche, il y exhorte la société civile mondiale à prendre conscience du risque que le changement climatique fait courir à l’humanité. James Lovelock écrit aussi des livres.

Le dernier, publié en février, sonne comme une noire prophétie : La revanche de Gaia [1]. Dans cet ouvrage, James Lovelock a couché quelques phrases, de celles qu’il martèle dans ses conférences et qui font de lui un écologiste pas comme les autres : "La civilisation est en danger imminent et doit utiliser maintenant le nucléaire - la seule source d’énergie sûre et disponible - ou endurer les souffrances qui nous seront bientôt infligées par notre planète outragée". Etonnant : l’industrie nucléaire compte avec James Lovelock l’un de ses plus fervents partisans.

L’écologiste et la calculette

En fait, l’écolo de la Royal Society a pris sa calculette : les scientifiques s’accordent à dire que, pour éviter la catastrophe due au changement climatique, la planète doit diviser ses émissions de gaz à effet de serre par 2 d’ici à 2050. Comme il faut laisser aux pays du Sud une marge de développement, les pays riches doivent réduire leurs émissions par 4 (c’est le "facteur 4"). La conversion de James Lovelock à la "religion" nucléaire se veut une réponse à ce défi. Cette énergie ne dégage presque pas de CO2, le principal gaz à effet de serre. Pour atteindre le facteur 4, il faut donc d’urgence un plan nucléaire mondial. Elémentaire.

Si les propos de Lovelock suscitent la raillerie et l’ire des écologistes de tous les continents, l’homme n’est pas isolé. Le blason des partisans de l’atome, terni par l’accident de Tchernobyl, retrouve ces derniers temps un certain éclat : après des années de sommeil, plusieurs pays avancent l’idée d’une reprise de leurs programmes. En France, l’entreprise Areva, qui conçoit et commercialise des réacteurs, relance opportunément une campagne de publicité ludique vantant une énergie "sans CO2". Ajoutez-y l’indépendance énergétique vis-à-vis du pétrole du Moyen-Orient et du gaz de la Russie... Voilà pour les nouveaux atours de l’atome. Mais au-delà de ces apparences, la réalité est plus nuancée.

Sunset et Sunburn

Premier point : la part du nucléaire dans la production d’énergie mondiale n’évoluera pas avant 2020, voire 2030. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), 2500 térawattheures d’électricité sont aujourd’hui produits grâce à l’atome dans le monde. Selon elle, ce chiffre devrait grimper à 3000 TWh en 2010 et rester à ce niveau jusqu’en 2030. Une autre agence, celle de l’énergie atomique (AIEA), dont l’une des missions est de promouvoir l’atome, table sur 3400 TWh en 2020 ; et sur 3400 à 4700 TWh en 2030.

Encore ce chiffre prend-il en compte toutes les constructions de centrales annoncées, qu’elles soient réalistes ou non. En clair : dans leurs hypothèses les plus hautes, les partisans du nucléaire comptent à peine sur un doublement de la production d’ici à 2030. Or, dans le même temps, l’Agence internationale de l’énergie prévoit qu’au rythme actuel, la consommation d’énergie - qui s’appuie largement sur le charbon et le pétrole - aura augmenté de 50 % à cette date. Conclusion : l’atome compterait au plus pour 20 % de l’électricité produite dans le monde en 2030. Et au pire pour 9 %, contre 15 % aujourd’hui.

A l’instar de James Lovelock, deux spécialistes, Benjamin Dessus, réputé « nucléosceptique » et Philippe Girard, un ancien du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) plutôt "nucléophile", ont pris leur calculette et imaginé deux scénarios. Le premier est baptisé Sunburn : l’atome est la solution universelle et devient une priorité internationale. On tapisse la planète de centrales.

Vingt-neuf nouveaux pays accèdent au nucléaire civil, la plupart aux alentours de 2020. Résultat : la production d’électricité nucléaire est multipliée par 3 en 2030. Dans le second scénario, Sunset, c’est le déclin : la production chute de moitié d’ici à 2030. Peu de pays accèdent au nucléaire civil et la vie des réacteurs existants est prolongée jusqu’au dernier souffle dans les pays équipés, comme la France et les Etats-Unis. Bilan : "S’il était intégralement appliqué, [le scénario Sunburn] permettrait d’éviter, en 2030, 9 % de l’ensemble des émissions de CO2 par rapport au scénario prévisionnel de l’AIE, mais seulement 2,9 % des émissions cumulées de 2006 à 2030 de ce même scénario", concluent les deux spécialistes.

La meilleure énergie : celle que nous ne dépensons pas

Or l’enjeu est là : pour éviter d’accélérer le changement climatique - qui est déjà en marche - les scientifiques soulignent qu’il faut réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre. Mais surtout qu’il faut le faire dès aujourd’hui. "Dans ces conditions, le nucléaire, qui répond aux seuls besoins en électricité, et non à l’ensemble des besoins en énergie, n’est pas LA solution. C’en est une pour produire de l’électricité dans certains pays riches. Mais la solution énergétique consiste à réduire la consommation", confie une ingénieure spécialiste du nucléaire. "Pour atteindre le “facteur 4”, il faut commencer par jouer sur la demande et promouvoir les économies d’énergie de façon beaucoup plus vigoureuse. C’est la seule solution à court terme, reconnaît Bertrand Barré, conseiller scientifique d’Areva. Dans un deuxième temps, au niveau de l’offre, il faut augmenter la part des énergies qui émettent peu ou pas de CO2. Enfin, il faut compléter par des systèmes de capture et de stockage du CO2, installés dans les centrales à gaz et à charbon, les aciéries, les cimenteries. Dans ce deuxième temps, l’atome est une partie de la solution."

Voilà pourquoi la filière nucléaire, Areva en tête, affûte ses arguments dès aujourd’hui. On l’a vu, la faiblesse de ses émissions de CO2 joue en sa faveur mais ne suffira pas. Et plusieurs interrogations subsistent : l’épineuse - et polémique - question des déchets ; la formation des équipes ; le risque de prolifération.

Enfin, la question du coût : "une centrale nucléaire, c’est un investissement sur quinze ans, explique Dominique Finon, directeur de recherche au CNRS. Pour se lancer, les banquiers veulent des garanties sur les prix. Or depuis la libéralisation des marchés occidentaux, l’évolution des prix de l’électricité est devenue incertaine. Dans ces conditions, les investisseurs préfèreront se tourner vers les centrales à gaz, moins coûteuses et plus faciles à rentabiliser." Le temps de répondre à ces questions, l’avenir du nucléaire ne se jouera vraisemblablement pas avant 2010-2020. Pendant ce temps, le changement climatique gagne du terrain.

[1] La version française est annoncée pour l’été 2006.

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