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Notre marée noire quotidienne

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Notre marée noire quotidienne
(Crédit photo : Alfredo Caliz - Panos - Réa)
 
« Terra eco » vous propose de suivre à la goutte l’omniprésence du pétrole dans nos vies. Et comment il va dévorer notre porte-monnaie.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Cela faisait quelques semaines qu’il tournait autour du pot. Cette fois, c’est fait : le baril de Brent de la mer du Nord a franchi, le 31 janvier dernier, le seuil des 100 dollars (73 euros). La première fois, c’était en 2008. Cette année-là, il avait même atteint les 138 dollars (101 euros) avant de dégringoler, crise oblige. L’an dernier, la demande de brut est repartie à la hausse. Ajoutez l’impression que le pic pétrolier est derrière nous et la révolution en Egypte, où transitent 2 millions de barils par jour sur le canal de Suez : tout est prêt pour une nouvelle envolée des cours.

Le pétrole est une source d’énergie fantastique. Grâce à lui, on a pu nourrir une population mondiale qui a quadruplé au siècle dernier. Nos sociétés riches lui doivent aussi l’allongement de l’espérance de vie, la multiplication des loisirs. Il a même sauvé les baleines de l’extinction, en renvoyant leur huile au rang de souvenir ! L’or noir se cache partout. Dans les voitures et les chaudières, bien évidemment. Mais il n’y a pas une once de notre vie quotidienne qui ne contienne d’hydrocarbures, sous forme de pétrole ou de gaz. Alors, si on vous propose de vous désintoxiquer en un claquement de doigt, passez votre route, c’est une arnaque. Le chemin vers une société sans pétrole et décarbonée n’est pas impossible mais il sera long ! —

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Cela en surprendra sans doute plus d’un. Mais le litre de carburant coûte aujourd’hui moins cher – en proportion – au smicard français qu’il y a vingt-cinq ans. En trois minutes à la pompe, on déverse dans le réservoir de sa voiture autant d’énergie que des centaines de paires de bras pourront fournir en une journée épuisante. Pour la planète entière, multipliez par 800 millions de voitures, ajoutez-y les camions, les avions et les navires, n’oubliez pas les péniches, et vous aurez un aperçu de ce que serait notre monde si le pétrole devait s’arrêter brutalement de couler. La moitié de l’or noir produit est aujourd’hui utilisé dans les transports. Le pétrole et ses dérivés (le GPL – pour gaz de pétrole liquéfié – par exemple) alimentent 96 % des moyens de transport. Sans compter l’énergie nécessaire à la fabrication de toutes ces formidables machines : entre une et deux tonnes de pétrole pour une voiture, qu’on immatricule à raison de 1 000 par jour pour la seule ville de Pékin !

Avant que l’ensemble des engins motorisés se soient convertis à l’électricité, il faudra plusieurs décennies. Dans quinze ans, l’essentiel des voitures continuera de rouler au pétrole, mais à quel prix ? Les agrocarburants n’ont pas encore fait la preuve de leur innocuité écologique et n’offrent pas assez de potentiel aujourd’hui, sauf à provoquer une crise alimentaire. Et en dépit de quelques expériences, les carburants verts ne sont pas près de concentrer assez d’énergie pour faire voler des avions. D’ailleurs, depuis quelques semaines, le prix des billets est reparti à la hausse : Air France-KLM a réintroduit une taxe kérosène sur les courts-courriers, soit 4 euros pour un aller-retour. Côté longs-courriers, la facture grimpe à 212 euros sur l’aller-retour de plus de 14 heures !

La pompe française s’en sort bien

En France, l’automobiliste a de la chance, car le système de taxation de l’essence fait la part belle à la Tipp (Taxe intérieure sur les produits pétroliers) qui est un prélèvement forfaitaire (environ 43 centimes par litre) et non un pourcentage. Ce système amortit, à la hausse comme à la baisse, les variations de prix. En 2010, selon le gouvernement, le super 98 a grimpé en moyenne de 9 % TTC à la pompe, quand son prix hors taxes s’envolait, lui, de 16 % (1). Le coût du transport maritime devrait lui aussi grimper en flèche. Car outre les cours du brut, les normes votées à l’Organisation maritime internationale vont obliger les armateurs à utiliser d’ici à 2015 des fiouls moins soufrés dans certaines régions du monde (mer Baltique, Manche, mer du Nord et bientôt le long des côtes américaines). De quoi multiplier le prix du litre par deux. —

(1) Le prix du gazole a grimpé aussi vite que celui du pétrole mais en grande partie à cause de l’écart entre l’offre et la demande. En France, on importe 33 % du gazole consommé et on exporte 64 % du super produit !

ALIMENTATION

Dis-moi ce que tu manges, et je te dirai combien tu as bu… de pétrole. Attention, indigestion garantie : un Américain consomme environ une tonne de nourriture chaque année. Des aliments qui « contiennent » 2 000 litres de pétrole (1). Inutile de se réfugier derrière notre mode de vie européen : à chaque kilo englouti, nous ingurgitons nous aussi pas loin de 2 litres d’or noir.

Pourquoi notre alimentation est-elle à ce point dépendante ? Parce que si l’agriculture moderne a fait des merveilles en termes de rendements depuis la Seconde Guerre mondiale, c’est grâce à l’usage massif du pétrole et de ses cousins. Tracteurs et engins de récolte, engrais, pesticides, irrigation, chaque étape du miracle agricole se paie par une consommation d’hydrocarbures, pétrole ou gaz. Ainsi, aux Etats-Unis, entre 1950 et 1980, on a déversé dans les champs 20 à 50 fois plus de produits, selon les cultures. Et ce alors que les rendements ont été, au mieux, quadruplés (2) ! Une tonne de pesticides, c’est l’équivalent de 2,4 tonnes de pétrole. Chaque tonne d’engrais, c’est à peu près autant d’hydrocarbures.

Une fois produits, nos aliments sont transportés, parfois sur de grandes distances. Ainsi, si une belle salade ne nous fournira que 110 calories (kcal), il en aura parfois fallu sept fois plus pour la faire pousser. Transportez-là en avion sur 1 000 km et vous aurez ajouté plus de 2 000 kcal à la facture (200 g de pétrole). Bref, avec un prix du pétrole qui fonce dans la stratosphère, la laitue voyageuse deviendra rapidement un produit de luxe. De nombreux aliments sont aussi transformés, puis empaquetés, suremballés, et si nécessaire stockés au frais. Au bout du compte, on réchauffe ou on cuit. Et hop, encore du pétrole ou du gaz. Au final, le pétrole « déversé » dans les champs ne représenterait que le tiers de l’énergie qu’on a dépensé pour remplir nos assiettes.

Emeutes de la faim

Cette dépendance au pétrole fait valser les étiquettes : le cours des produits alimentaires atteint des sommets depuis quelques mois. L’indice concocté par la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) dépasse aujourd’hui le niveau record de 2008, quand des émeutes de la faim avaient éclaté dans plusieurs pays émergents. En un an, il a grimpé de 26 % tandis que le cours du blé a doublé en Europe. Le pétrole n’est pas le seul responsable : il y a bien sûr la spéculation, l’impact de la sécheresse en Russie et la crainte de mauvaises récoltes en Argentine. Mais le baril de brut a grimpé de 15 % l’an dernier, et aucun expert ne parierait sur une stabilisation des cours. Et plus il a fallu dépenser d’énergie pour produire un aliment, plus son prix va s’envoler. Un peu pour les céréales et l’huile, un peu plus pour le lait et les œufs. Beaucoup pour la viande. Remplacer la bidoche par du poisson ? Un chercheur agité du bocal a bien tenté de dresser des poissons à revenir au port quand on les siffle, mais ça n’a pas marché.

Il faut donc aller les chercher, toujours plus loin, toujours plus profond, et le carburant représente la moitié des coûts de cette activité. En dépit de moyens toujours plus sophistiqués, plus on pêche, moins on pêche. Des chercheurs britanniques l’ont démontré en 2010 : à effort égal, on attrape aujourd’hui 17 fois moins de poissons qu’en 1889 ! Tout ça pour un aliment qui contient 12 fois moins d’énergie que celle utilisée pour le pêcher. Quant à l’aquaculture, c’est encore pire : pour 1 000 calories dépensées à élever un saumon, on n’en avalera que 20. Une efficacité digne de l’élevage bovin (3).

Manger local et de saison

Face à ce dilemme, il existe une réponse simple et toute faite : manger local. Sauf que le haricot vert kenyan pèse nettement moins d’énergie (et de pétrole) que celui qui a poussé sous serre chauffée en Europe, comme l’a montré un formidable ouvrage du Britannique Fred Pearce (4). Bref, il faut manger local, mais surtout de saison. Au final, c’est peut-être l’eau minérale qui contient le moins de pétrole : un à trois verres d’or noir par litre, suivant la distance parcourue (compter 1 000 fois moins pour l’eau du robinet). Mais même fraîche et accompagnée d’un bon bol d’amour, l’eau ne nourrit pas son homme. —

(1) David Pimentel, « Human Ecology », août 2008.

(2) David Pimentel, « Energies », mars 2009.

(3) Daniel Pauly, « Ambio », décembre 2005.

(4) « Les tribulations d’un consommateur ordinaire qui se prenait pour un écolo exemplaire » (La Martinière, 2010).

VIE QUOTIDIENNE

Echapper au pétrole dans votre vie quotidienne ? Vous n’y pensez pas. Sans ce liquide, pas de brosse à dents, ni de dentifrice. Pas de jouets en plastique. Pas d’hôpitaux, d’imagerie médicale, de médicaments et de soins. Pas de tissus modernes, ni de coton qu’il faut transporter sur des milliers de kilomètres. Il ne vous reste que la laine et les peaux de bête, si tant est qu’il reste des animaux à fourrure… Dans une paire de jeans, star mondiale du vêtement, il y a pas moins de 25 litres d’or noir, selon les calculs de l’agence française Bio Intelligence Services. Et il faudra en moyenne dépenser 37 litres supplémentaires pour le laver au cours de son existence.

Un grand cru dans une brique ?

Ne vous cassez pas la tête, aucun objet n’échappe à la règle. Début février, le fabricant d’électroménager Electrolux a annoncé des hausses de prix allant jusqu’à 10 %. Motif : le prix des matières premières s’envole (d’autant plus qu’elles sont transportées avec du pétrole) et le coût de l’énergie aussi. Pour fabriquer un lave-vaisselle, comptez environ 86 kg de pétrole, contre 120 kg pour un gros frigo. Un kilo de plastique ou de caoutchouc, c’est autant de pétrole. Chaussures, lessive, rouge à lèvres, papier… A chaque objet sa facture pétrolière. Sans oublier les emballages et les contenants : il faut quatre fois plus d’énergie pour produire une bouteille en verre qu’un récipient en carton de même contenance. Etes-vous prêts à déguster un grand cru sorti d’une brique alimentaire ?

Hollywood autant que l’hôtellerie Sans pétrole, la vie serait bien triste. Pas de raquettes de tennis, ni de ballons de football, ni de bateaux ou de cannes à pêche. Un livre, un documentaire à la télévision, une ballade sur Internet, une soirée au cinéma… Sans hydrocarbures, on oublie. Un ordinateur de bureau contient au moins 10 fois son poids en pétrole, soit 300 kg. Sans compter qu’il voyage bien souvent en avion, parce que le consommateur n’attend pas. Autrement dit, le boom des appareils nomades serait une bonne chose, puisqu’ils sont plus petits et plus légers. Le hic, c’est que l’un remplace rarement l’autre. Ces objets se complètent et la facture s’alourdit. En 2006, une étude de l’université de Californie à Los Angeles a montré que la production cinématographique d’Hollywood avalait 120 tonnes-équivalent pétrole par million de dollars de chiffre d’affaires, soit à peu près autant que des secteurs comme l’aéronautique ou l’hôtellerie (1). Il ne nous reste plus que les soirées au coin du feu. —

LOGEMENT

L’omniprésence du pétrole, on la retrouve dans les bâtiments, même s’il est quasiment impossible d’en connaître la teneur exacte. Car d’un matériau à l’autre, d’une usine à l’autre, la source d’énergie diffère : l’aluminium se fabrique avec de l’électricité (et donc peu de pétrole) mais ensuite, on le transporte. Les tuiles de nos toits sont, elles, cuites dans des fours à gaz, et transportées avec du pétrole. Le ciment est, le plus souvent, produit avec du coke de pétrole, un résidu de raffinage, mais les industriels utilisent aussi toutes sortes de combustibles (vieux pneus broyés, farines animales, boues d’épuration, etc.) suivant les ressources disponibles près de leurs usines. Il n’y a finalement que le PVC des fenêtres et les isolants synthétiques dont on connaît « l’énergie grise », puisque, comme la plupart des plastiques, on les fabrique à partir du pétrole.

Energie positive à l’horizon 2020

Selon les données du ministère de l’Ecologie, le secteur de la construction absorberait chaque année entre 700 000 et 1 million de tonnes de pétrole, soit moins de 1 % de l’or noir consommé en France. Est-ce peu ou déjà trop ? Peu importe : il est difficile de faire sans. D’une manière générale, les matériaux naturels (bois, isolants naturels, etc.) contiennent beaucoup moins d’énergie grise. Raison pour laquelle ils connaissent un net regain d’intérêt en France, où le béton et la brique ont toujours dominé dans le bâtiment.

En principe, les normes de construction devraient imposer en France la règle de l’énergie « positive » à partir de 2020 : les logements devront alors produire plus d’énergie qu’ils n’en consommeront. Mais attention à l’énergie dépensée dans la phase de construction ! A condition d’y mettre le prix, on connaît malgré tout la recette. En 2009, l’université allemande de Darmstadt a ainsi remporté la compétition du Solar Decathlon en proposant une maison produisant, sous la pluie, plus d’énergie qu’elle n’en consommait. Cet exploit lui permet – en théorie au moins – de « rendre » au bout de onze ans l’énergie nécessaire à sa construction. Mais on ne s’enflamme pas, ce n’est pas demain la veille que ces constructions seront la règle : la maison couronnée a coûté près de 700 000 euros… pour une surface habitable de 120 mètres carrés seulement. —

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  • C’est terrifiant.
    Combien de temps reste-t-il avant des guerres de l’énergie si nous ne faisons rien ? Et si nous faisons quelque chose, quoi (qui soit réaliste, acceptable par l’immense majorité) ? La consommation mondiale est le produit de la consommation individuelle par le nombre de consommateurs. L’arithmétique voudrait que la solution combine diminution de l’une et de l’autre. Jusqu’où le volontariat est-il possible dans ces deux domaines ? (pour le second, le seul volontariat envisageable est la diminution de la population mondiale en faisant moins d’enfants).
    Jipé

    28.02 à 09h30 - Répondre - Alerter
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