Noces d’argent

Aakash et Christina sont devenus mari et femme au printemps dernier, du côté de Washington. Une belle histoire, un magnifique mariage et une pléthore d’invités. Ce jour-là, Christina, d’origine grecque, a choisi une robe rose bonbon. Aakash, fidèle à ses racines indiennes, a enfilé un costume noir, agrémenté d’une cravate bleu marine. Tous les deux ont choisi le mariage pour célébrer leurs années de vie commune. Rien ne manquait au protocole : costumes, banquet, inévitable liste déposée dans un grand magasin. Mais les deux jeunes tourtereaux ont voulu ajouter une touche personnelle, en signant un accord avec une mystérieuse fondation, répondant au nom de "I Do". En fait, une porte d’entrée vers un monde où le budget des mariages finance les grandes ONG de la planète.

Un petit four dans la tirelire

"C’est une histoire un peu folle", raconte le directeur des programmes d’I Do, Douglas Knight, depuis son bureau à Washington. Tout débute avec la formation d’un trio atypique. Bethany Robertson, la porteuse du projet, Lawrence Miller, l’architecte technique et Peter Murray, le responsable des partenariats, tous associés. Ces trois trentenaires travaillaient dans le monde du développement et se heurtaient, chacun dans leur domaine, à des difficultés pour collecter des financements. "Un jour, nous avons réalisé ce ue représentait le marché du mariage en termes financiers : plus de 125 milliards de dollars par an, rien qu’aux Etats-Unis, explique Bethany Robertson. Nous nous sommes dit qu’il fallait faire en sorte que ces sommes ne s’envolent pas seulement en robes, costumes et petits fours". Et qu’il valait mieux qu’elles prennent le chemin des caisses de grandes ONG.

Match "service à dessert contre école indienne"

Mais comment faire ? "Nous ne faisons pas la quête à la sortie de l’église", prévient Douglas Knight. C’est le couple qui prend la décision de donner. Première possibilité : inscrire dans la liste de mariage, le nom des ONG auxquelles il souhaite faire un don. Autre piste : déposer la liste de mariage dans l’un des magasins partenaires de la fondation. Un pourcentage sur les achats - de l’ordre de 8% - est reversé aux organisations non gouvernementales choisies par les jeunes époux. Aakash et Christina ont, par ce système, recueilli environ 8000 dollars. Cette somme a contribué au financement d’un programme éducatif en Inde. "C’est simple, insiste Aakash, nous n’avions que faire d’une dixième nappe, d’un autre service d’assiettes ou de flûtes à champagne. Ce système est un moyen de redonner du sens à ce que nous faisons, à notre existence".

La Fondation I Do n’est affiliée à aucune chapelle, ni religieuse, ni politique. Elle n’intervient pas non plus dans le choix des institutions destinataires des fonds collectés : I Do propose une liste d’organisations, mais le choix revient aux futurs mariés.

L’idée fondatrice de "I Do" aurait pu paraître saugrenue. Le succès semble pourtant phénoménal : créée à la Saint-Valentin, en 2002, avec quelques bouts de ficelle et deux ou trois intuitions, la fondation a séduit 20000 couples en 2004. Ils seront dix fois plus cette année ! Depuis son lancement, I Do a ainsi collecté plus de 300000 dollars au profit de 300 ONG disséminées aux quatre coins du globe, depuis Médecins sans frontières jusqu’à Human Rights Watch. Avec cinq salariés, I Do semble presque dépassée par l’ampleur de son succès. Les récentes catastrophes naturelles (tsunami en Asie du Sud-Est, inondations en Louisiane) ont donné un élan supplémentaire à l’initiative.