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19-01-2006
Mots clés
Environnement
France

Muriel, Daniel, Alain : agriculteurs et fiers de l’être

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Leur histoire est très différente, mais leur état d'esprit est le même. Détermination, esprit d'entreprise, et passion. Portraits.
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MURIEL : "CESSONS DE CULPABILISER"

Plutôt que se morfondre, Muriel a décidé de se lancer comme une grande.

"Je veux faire jardinière", confiait déjà à sa mère Muriel Sicard, alors qu’elle n’était encore qu’une enfant. A 30 ans, la jolie jeune femme rousse réalise enfin son rêve. Cette fille de viticulteurs de l’Hérault est sur le point de s’installer sur une exploitation maraîchère de 2 hectares située à Congerville-Thionville, dans le sud de l’Essonne beauceronne. "Je loue la terre au père de mon ami, qui est lui-même céréalier. Sans cette opportunité, vu le prix du foncier, ce n’était même pas la peine." Son but : faire du maraîchage diversifié et commercialiser aux comités d’entreprise des paniers de légumes de saisons et de variétés anciennes aux saveurs oubliées, comme les topinambours ou les pâtissons.

Avant de se lancer dans l’aventure, Muriel Sicard a suivi des études d’ingénieur agronome à Clermont-Ferrand. A la sortie de l’école, elle effectue un stage en station de recherche en Suisse, dans un organisme du type de l’Institut de recherche agronomique (Inra). "Mais je voulais être plus proche du terrain."

Topinambours et pâtissons

Elle part donc travailler pendant deux ans au groupement d’agriculture biologique (GAB) du Limousin, puis comme conseillère en maraîchage à la chambre d’agriculture de Perpignan. L’idée de s’installer a déjà fait son chemin. Son père est plus réticent. "Sa génération est complexée par ce métier d’agriculteur, et aux yeux de mon père, mon objectif n’était pas assez bien."

En novembre 2004, Muriel Sicard rejoint la région parisienne, où elle est animatrice pendant un an aux Jeunes agriculteurs, à Versailles. L’été dernier, elle se décide enfin. Pour financer le tracteur, les serres, l’irrigation, la chambre froide, le véhicule utilitaire, elle fait appel à des aides nationales et compte obtenir par le Crédit agricole un prêt à taux réduit (2,5 %) de 60 000 euros sur sept ans. "C’est pas énorme, mais pour moi, c’est une somme astronomique !" L’agriculture, Muriel y croit encore, contrairement à son père et à d’autres de sa génération, qui pensent que "le métier est mort". "Nous devons mieux communiquer pour mieux passer auprès des consommateurs, mais aussi pour retrouver la fierté de notre métier, martèle-t-elle. Arrêter de culpabiliser, d’avoir honte de faire de la quantité par exemple."


DANIEL : "LE BON PRODUIT AU BON MOMENT"

Cet agriculteur de l’Indre milite pour une agriculture précise, appliquée, presque chirurgicale.

Département de l’Indre, à proximité de Châteauroux. Un tracteur flanqué d’une antenne GPS sillonne les sols. A son bord, Daniel Carlier. A plus de cinquante ans, cet agriculteur a davantage le regard pointé sur les étoiles que le nez dans le gazon. "Pour s’en sortir, le paysan d’aujourd’hui doit être performant, connaisseur en agronomie et très au point sur les nouvelles technologies." C’est son cas. Grâce à l’Omnistar, un produit d’origine américaine qu’il paye 900 dollars par an, il enregistre au mètre carré près, les détails de son travail au quotidien : l’humidité du grain, sa quantité en surface. Une fois les données collectées, il peut adapter les prochaines semences, les quantités d’engrais, etc.

Daniel a vu une terre d’élevage "où ne poussaient que des ronces" se convertir en l’une des rares plaines céréalières du sud de la Loire. Avec sa femme Bernadette, il a opté pour une agriculture "raisonnée", appelée à devenir le nouveau standard de l’agriculture française. "Apporter le bon produit, au bon moment, à la bonne dose, et mieux encore, au bon endroit", grâce à l’agriculture de précision, assistée par ordinateur et par satellite. "Paradoxalement, grâce à ces techniques pointues, on retrouve les réflexes de nos aïeuls, qui devaient observer la nature pour leur métier, s’enthousiasme Daniel Carlier. Avec le productivisme, nous les avions perdus."

Agriculture assistée par satellite

Face à la concurrence mondiale, le céréalier est persuadé qu’il faut voir encore plus grand : "Avec dix collègues, nous nous sommes regroupés pour faire des économies d’échelle et réduire nos coûts de production." Peut-être, aussi, pour éviter l’intégration, qui concentre déjà, en Russie, en Argentine, ou en Chine, l’outil de production agricole dans des structures plus solides financièrement, comme les banques et les entreprises d’agro-fourniture : "Il n’y a qu’à regarder autour de nous. Il y avait trois coopératives dans l’Indre, il n’en reste plus qu’une pour trois départements !" Pour survivre, il ne voit qu’une seule équation valable. "L’exploitant doit être à la fois chimiste, biologiste, technicien et chef d’entreprise"

ALAIN : "ME BATTRE SUR LE TERRAIN DU DROIT"

Un producteur céréalier est parti en guerre contre le Crédit agricole, supposé défendre les paysans. Grosse colère.

"Ils n’attendent qu’une chose, c’est que je prenne les fourches, s’exclame Alain Baranger, agriculteur près de Gien, dans le Loiret. Même si parfois c’est tentant, je préfère me battre sur le terrain du droit." Rien ne prédestinait ce céréalier à prendre la tête d’une "jacquerie" . Pourtant, depuis quinze ans, il est parti en guerre contre le Crédit agricole, l’une des grosses institutions du monde paysan. Tout commence en 1988 quand il reprend une ferme de 220 hectares en location à Pierrefitte-ès-Bois, exploitée par un Gaec (Groupement agricole d’exploitation en commun). Au terme d’un imbroglio judiciaire, il se retrouve condamné à verser 528 000 francs au Crédit agricole du Loiret, le "montant de la dette du précédent occupant."

Du tracteur au tribunal

Epuisé par une bataille sans fin devant les tribunaux, la moutarde lui monte au nez. Il apprend par cœur le Code rural et se plonge dans l’histoire du Crédit agricole. En automne 2000, il crée le syndicat Verte France, "syndicat national de l’agriculture et de la ruralité", qui fédère environ 80 paysans issus de toutes les régions françaises, de fortunes diverses, ayant un seul point en commun : tous sont endettés jusqu’au cou ou en litige avec la banque verte.

Ensemble, ils reprochent au Crédit agricole sa promptitude à les poursuivre et à saisir leurs biens quand ils se retrouvent en situation financière délicate. Une attitude, selon eux, bien éloignée de l’objet qui prévalait à la création de la banque en 1894 : le mutualisme au service du mieux-être des paysans. "Malgré la privatisation en 1988, la banque continue d’exiger que les emprunteurs prennent des parts sociales, s’indigne Alain Baranger. Autant d’argent que la banque fait travailler à son profit et ne rendra que plusieurs années plus tard aux prix de souscription."

Débiteurs insolents

En 2002, Verte France renvoie le Crédit agricole devant le tribunal de grande instance de Paris. Le but : prouver que le statut coopératif de la banque est incompatible avec son développement financier. Juridiquement, les caisses locales du Crédit agricole se déclarent en effet comme "société civile à capital variable". A ce titre, elles sont exemptes des formalités d’inscription au registre du commerce des sociétés (RCS), au motif que le Crédit agricole est à but non lucratif et exclusivement consacré à l’agriculture. "Or aujourd’hui, ce n’est évidemment plus du tout le cas", martèle Alain Baranger.

Selon lui, l’introduction en Bourse n’a rien arrangé  : "5,5 millions de sociétaires ont été dépouillés par cette opération." Verte France a donc demandé au tribunal de constater la nullité des caisses locales et régionales de la banque. Si les juges ont donné raison sur le plan historique aux "débiteurs insolents", selon les mots de la partie adverse, ils n’en ont pas tiré de conclusion juridique. "Je ne lâcherai rien, je tiendrai jusqu’au bout", promet l’agriculteur qui poursuit son combat devant les tribunaux.

Les articles de notre dossier :

KO agricole

Le micmac de la PAC


ALLER PLUS LOIN

Internet

- Le ministère de l’Agriculture et de la Pêche

- Direction générale de l’Agriculture de la Commission européenne

- Le monde rural vu par l’Insee

- L’ONG Oxfam international

Ouvrages

La Politique agricole commune expliquée, Communautés européennes, EUR-OP, 2004, 32 pages. Brochure disponible sur le site :

Archipel paysan, la fin de la République agricole, Jean Viard, Bernard Hervieu, Ed. L’Aube, 2004, 128 pages.

Agriculture et monde agricole, Pierre Daucé, La documentation française, 2003, 160 pages.

La forteresse agricole, Gilles Luneau, Ed. Fayard, 2004, 806 pages.

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