L’éco-conception au berceau

Au départ, il y a un constat. Jeune maman, Florence Hallouin entasse, horrifiée, des quantités de couches dans ses poubelles. En France, ce sont 4 milliards de couches jetables qui génèrent environ 600 000 tonnes de déchets chaque année, 3 % des ordures ménagères. « C’est consumer de la matière première non renouvelable », s’insurge celle qui a créé la start-up Génération Plume.

Cette entrepreneuse de 37 ans a lancé sa marque, Hamac, en 2009 et fabrique des couches-culottes mi-lavables mi-jetables. Rien à voir avec les langes dont nos grands-mères emmaillotaient leurs enfants. Il s’agit d’une petite culotte nouvelle génération en microfibre dans laquelle s’insère un matelas lavable ou jetable en coton biologique.

Insensé du point de vue financier ?

Diplômée de l’ENSCI, l’Ecole nationale supérieure de création industrielle, Florence Hallouin est designer industriel. En poste dans un grand groupe international, elle se décide à créer un nouveau projet pour lequel elle aurait « envie de se lever le matin. » « Les couches lavables existaient déjà depuis longtemps, mais elles étaient inadaptées ou elles fuyaient, se rappelle-t-elle. J’ai décidé d’en faire un produit très pratique et durable. »

Cette volonté d’œuvrer en faveur de l’environnement, elle la partage avec son mari, ingénieur, qui installe des parcs éoliens. Un engagement militant ? « Non, du bon sens pour l’environnement de nos enfants, réplique d’une voix douce la jeune femme. Beaucoup de gens ne franchissent pas le cap car c’est un choix insensé d’un point de vue financier, analyse-t-elle. Pendant deux ans, je ne me suis pas payée. »

Pas moins de 80 prototypes

Florence Hallouin tire de son expérience une parfaite connaissance des matériaux et des matières. « Je ne suis pas allée chercher du tissu au hasard au marché Saint-Pierre pour concevoir un produit éco-innovant, sourit-elle. Je connaissais bien mes fournisseurs. » 80 prototypes, fidèles aux principes de l’éco-conception et appliqués au cycle de vie complet du produit, sont testés sur ses deux enfants, Lucien et Charlie. La culotte en microfibre respirante à séchage rapide évite ainsi l’utilisation du sèche-linge. Les matelas lavables en chanvre sont sans absorbants chimiques, tout comme les matelas jetables en coton biologique qui ne contiennent ni élastique ni scratch, ni plastique imperméable polluants.

Les matières premières proviennent d’Europe mais la fabrication est locale, ce qui permet de limiter les émissions de gaz à effet de serre. L’objectif écologique atteint, elle dépose un brevet début 2009 pour le système anti-fuite et respirant de sa couche Hamac. Parallèlement, Florence Hallouin suit une formation pour les start-up innovantes à HEC et monte une équipe. Sa boîte est hébergée par l’incubateur Agoranov, à deux pas de la Bastille à Paris, qui accompagne des projets de création d’entreprises innovantes, pour la plupart liés au monde de la recherche et de la technologie.

Un business plan béton

Deux fois lauréate, en 2009 et 2010, du Concours national d’aide à la création d’entreprise de technologies innovantes, financé par le ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur et par Oséo, Florence Hallouin perçoit au total 190 000 euros directement affectés au financement de la recherche et du développement. « Ce projet était intéressant, porté par une mère de famille qui a eu le courage d’aller jusqu’au bout », précise-t-on à la direction d’Oséo. La première levée de fonds s’est élevée à 250 000 euros, un bon départ car « il est difficile de convaincre les investisseurs quand le produit n’est pas encore commercialisé, prévient Florence Hallouin. Seul compte un business plan béton ! » Les actionnaires de Génération Plume sont, pour la plupart, membres de la DDIDF, un réseau de “business angels” (1) dédié au développement durable en Ile-de-France.

Depuis juin 2010, les couches-culottes Hamac multicolores sont disponibles sur quelques sites Internet de vente pour bébé et dans plusieurs magasins en France et en Belgique. « Notre lancement se passe bien, se réjouit Florence Hallouin. Mais ma vraie satisfaction, c’est de contribuer à limiter l’impact environnemental global. »

(1) Un “business angel” est une personne physique qui investit une part de son patrimoine dans une entreprise innovante à potentiel et qui, en plus de son argent, met gratuitement à disposition de l’entrepreneur, ses compétences, son expérience, ses réseaux relationnels et une partie de son temps.

Fiche métier

L’éco-designer, appelé aussi éco-concepteur, cherche à minimiser l’impact sur l’environnement de la fabrication et de l’usage des produits qu’il crée. Il réfléchit au cycle de vie du produit, ses possibilités de recyclage et de revalorisation.

 Formations

Mastères spécialisés ou de recherche accessibles après un bac +4 ou +5 : Ensam de Paris et Chambéry (Savoie), université de technologie de Troyes (Aube), Ecole de design de Nantes-Atlantique (Loire-Atlantique), INPG Grenoble (Isère), Insa Lyon (Rhône), DESS Déchets solides et éco-conception Université de Cergy-Pontoise. (Val-d’OIse).

 Salaire.

Similaire à celui des ingénieurs, environ entre 2 000 euros et 3 000 euros brut pour un salaire de débutant.

 Employeurs.

Une cinquantaine d’entreprises en France font appel à des éco-designers, parmi lesquelles Renault, Lafuma, Philips ou Legrand, pour les plus en pointe, ainsi que des bureaux d’étude spécialisés et des centres de recherche industrielle.