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21-06-2011
Mots clés
Social
Santé
France

Médecins-labos : un business qui dérange

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Médecins-labos : un business qui dérange
(epsos.de)
 
Aux Etats-Unis, un média web révèle les « petits cadeaux », flots de dollars et conflits d'intérêts qui lient les médecins et l'industrie pharmaceutique. Et en France, est-on irréprochable ?
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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« Dollars for doctors », c’est le nom (qui en dit long) de la base de données élaborée, depuis 2010, par le média d’investigation américain Propublica. En son cœur, des chiffres sur le financement de professionnels de santé par huit des plus gros laboratoires pharmaceutiques américains - soit au total 320 millions de dollars (226 millions d’euros) déclarés en 2009. Mais aussi la possibilité de faire une petite recherche, histoire de savoir si son médecin a été payé par les labos. Et enfin, un tas d’enquêtes.

Parmi celles-ci, on découvre par exemple que près de la moitié des 16 millions de dollars (11 millions d’euros) accumulés en 2009 par la Société du rythme cardiaque (regroupant des médecins spécialisés) a été fournie par l’industrie pharmaceutique. Une industrie qui a également employé 12 de ses 18 dirigeants pour intervenir dans des conférences ou des activités de conseil.

Les labos paient donc les médecins... et alors ? Une relation entre ceux qui fabriquent et ceux qui prescrivent les médicaments semble inévitable, et pas forcément redoutable. Mais d’aucuns supposent que ces liens d’argent risquent d’influencer certains prescripteurs, même si cet effet reste difficile à prouver. Quoique... Dans l’article de Propublica, on lit aussi que pour plus d’un patient sur cinq, la pose d’un défibrillateur cardiaque – qui engage les membres de cette même Société du rythme cardiaque – ne correspond à aucun critère scientifique. Finalement, comme le dit en substance le docteur Gordon Guyatt, expert américain en politique de santé, si les labos n’influençaient pas les docteurs, pourquoi dépenseraient-ils autant dans ces opérations de communication ?

Quid des médecins français ?

Et en France ? Ces pratiques existent-elles aussi ? Depuis 1993, la loi « anti-cadeaux » interdit aux labos d’offrir des « avantages en nature ou espèce » aux toubibs. Pourtant, il est clair que depuis 1993, les esprits n’ont pas cessé de rivaliser d’imagination pour détourner cette ennuyeuse règlementation. Interrogés sous couvert d’anonymat deux médecins racontent les invitations, époux/se compris(e), à des congrès éminemment scientifiques dans des pays au doux climat, où l’intérêt médical laisse place aux découvertes culturelles et culinaires. La direction de la répression des fraudes s’en est même inquiétée.

Et surtout, la loi « anti-cadeaux » n’interdit pas de travailler pour les laboratoires : intervention dans des conférences, recherche, conseil, voire signature d’articles pré-écrits. Selon Philippe Foucras, médecin généraliste et président de la Formindep (Association pour une formation et une information médicales indépendantes), « ce sont surtout les leaders d’opinions, les médecins spécialisés qui ont une capacité d’influence nationale ou internationale, qui intéressent les laboratoires ». Ainsi, Jean-Luc Harousseau, médecin hématologue et membre de l’UMP nommé à la tête de la Haute autorité de santé (HAS) en février, a reçu entre 2008 et 2010 205 842 euros à titre personnel pour des prestations fournies aux labos.

Pour tenter de clarifier – faute de les interdire – ces doubles casquettes, les déclarations d’intérêts sont désormais obligatoires pour les médecins. Toutefois, cette mesure, qui repose sur de bonnes intentions, est parfois négligée. Pour preuve, le Conseil d’Etat a récemment abrogé une recommandation sur le diabète émise par la HAS – puis sur la maladie d’Alzheimer. La cause ? Une partie des experts de cet organisme public avait malencontreusement omis de livrer leurs déclarations publiques d’intérêt. Suite à cette affaire, la HAS a annoncé qu’elle allait réexaminer toutes les recommandations livrées depuis 2005. Des recommandations de bonnes pratiques pourtant cruciales, puisqu’elles sont directement utilisées par les médecins pour guider leurs prescriptions.

Des sources d’information sous influence

Mises à part ces recommandations professionnelles, de quelles sources d’information disposent les médecins pour nous soigner ?

  • D’une part, les études scientifiques. Or selon le président de la Formindep, elles sont « toutes écrites par des personnes en situation de conflit d’intérêts, puisque la recherche médicale est quasi intégralement financée par des fonds privés de l’industrie pharmaceutique. » En novembre 2009, le Conseil stratégique des industries de santé (qui regroupe les entreprises du médicament et les pouvoirs publics) a réaffirmé, à l’Elysée, cette tendance en promettant de doubler, en trois ans, le budget consacré par les firmes pharmaceutiques à la recherche bio-médicale.
  • Les médecins, pour se tenir à la page tout au long de leur carrière, doivent également suivre des formations continues obligatoires. Or selon un rapport de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales), 52 des 138 organismes de formation ont reçu une aide financière de l’industrie pharmaceutique. D’après Claude Leicher, président du syndicat des Médecins généralistes, les laboratoires consacreraient 400 millions d’euros par an à ces formations.
  • Comme évoqué plus haut, les congrès médicaux, financés par les laboratoires pour populariser leurs nouveaux produits, donnent lieu à certaines dérives. Ils seraient toutefois de plus en plus encadrés : « Les médecins payent plus généralement leurs frais », assure Claude Leicher.
  • Enfin, reste la question des visiteurs médicaux – ces commerciaux envoyés par les laboratoires directement dans les cabinets médicaux pour faire la promotion de leurs médicaments. Selon Claude Leicher, il y en a 15 000 actuellement. Ces visites ne sont pas obligatoires - 30 à 40% des médecins les refusent - mais peuvent devenir relativement pressantes : « Si on laisse faire, indique le médecin, c’est au rythme de plusieurs visiteurs chaque jour dans votre cabinet... »

Face à cette situation, des sources d’information plus indépendantes existent : la revue Prescrire (lanceur d’alerte sur le Mediator notamment), la formation professionnelle conventionnelle payée par l’Assurance maladie... Et le syndicat des médecins généralistes propose de remplacer « ces aides financières directes par une sorte d’impôt indifférencié, pour ne pas risquer d’engendrer des pressions sur les médecins ». Car l’objectif n’est pas de bannir toute relation entre labos et docteurs, ni tout soutien financier. « La participation des entreprises à ces efforts financiers se justifie amplement », affirme Claude Leicher. En effet, la France est le premier producteur européen de médocs. Un commerce en pleine santé qui a généré, en 2008, un rondelet chiffre d’affaire de 47 milliards d’euros.

Sur toutes ces questions, le laboratoire pharmaceutique Sanofi-Aventis n’a pas souhaité communiquer dans les délais impartis (4 jours) et avant la remise des rapports des Assises du médicament, lancées pour améliorer, entre autres, la transparence, l’indépendance de l’expertise médicale et la gestion des conflits d’intérêts.

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  • j’ai été chercheur au CNRS et il m’est arrivé avec mon directeur de labo, physicien comme moi, de participer à un congrès médical international qui se tenait à Strasbourg... parmi les 300 participants presque tous médecins, dont la majorité venaient des USA, d’Australie, du Japon et de quelques pays européens, nous étions les deux seuls qui avions payé de nos propres deniers notre inscription au congrès, notre chambre d’hôtel et nos repas. En d’autres termes nous étions les deux seuls à présenter une communication réellement indépendante. Ce n’est pas une pseudo-réglementation française qui va changer ce mode de fonctionnement qui est MONDIAL.

    22.06 à 14h13 - Répondre - Alerter
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