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28-01-2015
Mots clés
Biodiversité
France
Monde

Mangeurs de hot-dogs, chasseurs de nuisibles, égoutiers : vive les insectes en ville !

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Mangeurs de hot-dogs, chasseurs de nuisibles, égoutiers : vive les insectes en ville !
(Crédit photo : Freepix.eu)
 
Des rues plus propres, des stations d'épuration plus petites, moins de rats… Voilà les prouesses que pourraient accomplir ces bestioles dans nos cités. Chassés par notre amour du béton, ils n'attendent qu'un geste pour revenir.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Petit exercice de mémoire pour citadin : quand, pour la dernière fois, avez-vous croisé une paire d’antennes ? A force d’évoluer sur des sols bitumés, la présence d’insectes sur nos boulevards nous échappe. Imperceptible, cette faune n’en est pas moins utile. Dans les artères les plus fréquentées de Manhattan, à New York, elle se révèle être un commando d’éboueurs hors pair. « Dans les rues entre Broadway et West Street, on a calculé que les arthropodes (groupe d’invertébrés qui comprend les insectes à trois paires de pattes, ndlr) avalent près de 2 100 livres (soit près d’une tonne) de junk food par an », avance Elsa Youngsteadt, chercheuse à l’université de Caroline du Nord dans le quotidien britannique The Daily Mail.

Après avoir mesuré, sur vingt-quatre heures, l’évolution des quantités de chips, de cookies et de hot-dogs gisant sur le pavé puis extrapolé ces résultats sur une année, son équipe estime que les insectes débarrassent les rues les plus fréquentées de Big Apple de quelque 60 000 hot-dogs par an ! L’étude, publiée au début du mois de décembre 2014 dans la revue Global Change Biology, souligne aussi que l’appétit des fourmis « peut priver les rats de nourriture », limitant ainsi leur prolifération. En France, « on vient de lancer des travaux pour évaluer les bénéfices économiques liés à la présence d’insectes en ville, indique Alan Vergnes, post-doctorant en écologie urbaine au Muséum national d’histoire naturelle. Nous n’avons pas encore de données chiffrées, mais le potentiel est énorme. »

« Les insectes peuvent nous protéger des inondations »

Comme à New York, « dans toutes les grandes agglomérations, les insectes rendent des services de nettoyage », confirme Mathieu de Flores, naturaliste et animateur à l’OPIE (Office pour les insectes et leur environnement). « C’est encore plus vrai pour les coprophages – mouches et scarabées – qui débarrassent nos villes des déjections canines. » Une cité grouillante d’insectes pourrait donc faire de belles économies sur ses dépenses de propreté. Mais pas seulement. « Si nos villes accueillaient plus d’invertébrés, on pourrait aussi revoir à la baisse la taille de nos stations d’épuration », assure Alan Vergnes. Par quel miracle ? « Le problème en ville, c’est que les sols sont imperméables : ils sont soit artificialisés, soit tellement tassés que l’eau ne peut plus s’infiltrer », développe l’écologue. Résultat, une bonne partie des eaux de pluie termine dans les égouts, « ce qui donne des volumes importants à traiter », précise-t-il. En aérant les sols des parcs et des plates-bandes, les vers de terre et autres invertébrés facilitent le ruissellement des eaux de pluie. S’ils étaient plus nombreux, les stations de traitement des eaux tourneraient au ralenti. « Les insectes, c’est la force du nombre, commente Alan Vergnes. Par leur action collective, ils sont capables de nous protéger des inondations. »

A ces services d’évacuation s’ajoute une fonction d’autorégulation. « Les plus grands prédateurs d’insectes, ce sont les autres insectes », rappelle Mathieu de Flores. Le souci, c’est que quand la diversité d’espèces s’amenuise, les nocifs prolifèrent. Les insectes généralistes, les moins regardants sur leur environnement, profitent d’une chaîne alimentaire en pointillés. C’est le cas de certaines espèces qu’on estime nuisibles, telles que les blattes ou les moustiques. Pour ces derniers, « un micropoint d’eau, comme un cache-pot ou un pneu, suffit à leur prolifération », souligne Mathieu de Flores. Ils prennent ensuite leur envol l’esprit léger, puisque les libellules, qui en font habituellement leur festin, sont réfractaires à la vie citadine.

Papillons, scarabées, mouches : parias de l’urbanisation

« La ville, c’est beaucoup de béton : un milieu complètement stérile, géré de manière très intensive », déplore le naturaliste. « Sans compter les agressions : la pollution des sols, mais aussi sonore et lumineuse », renchérit Alan Vergnes. Tous deux pointent surtout le morcèlement et la destruction des habitats, qui empêchent le maintien de certaines espèces en ville. Dans le cas du papillon, c’est au moment de la reproduction que le bât blesse. « La chenille a besoin de plantes pour croître, le papillon de fleurs pour butiner. Rare sont les espaces urbains qui correspondent à leurs besoins », explique Mathieu de Flores. Scarabées et mouches figurent aussi sur la liste des parias urbains, si l’on en croit les travaux du Spipoll (Suivi photographique des insectes pollinisateurs ), un programme de recherche participatif porté par le Muséum national d’Histoire naturelle et l’Office pour les insectes et leur environnement. « Par endroits, l’araignée fait son retour sur les toits », note cependant Mathieu de Flores. Mais elle reste trop rare pour jouer son rôle de prédation. « En ville, il n’y a plus d’interaction entre les espèces, on ne peut plus vraiment parler d’écosystème », résume le naturaliste. « Ce n’est pas tant l’abondance d’insectes qui pose problème que le manque de diversité », note Alan Vergnes.

Retour aux herbes folles

Pourtant, même en milieu très urbanisé, leur exode n’est pas une fatalité. Pour favoriser le retour de certaines espèces, plusieurs pistes existent. La première consiste à restaurer la continuité des milieux : « Un jardin isolé n’est pas garant d’une biodiversité, les espèces ne pourront pas se disperser », précise Mathieu de Flores. Les trames vertes et bleues, nées du Grenelle de l’environnement, sont un début de réponse. Au sein de Natureparif, Lucile Dewulf, chargée de mission naturaliste, conseille donc de « végétaliser le bord des routes, des chemins de fer et les toitures » puis de « faire pousser des essences locales plutôt que des plantes exotiques, d’installer des hôtels à insectes, de couvrir nos murs de plantes grimpantes et de réfréner nos envies de désherbage ».

Ce retour aux herbes folles, la ville de Pau (Pyrénées-Atlantiques) l’a engagé en 2008. « On a arrêté l’usage de produits phytosanitaires, on crée des jachères fleuries, on espace les tontes de pelouses », détaille Pascal Boniface, adjoint chargé de l’environnement à la mairie de la ville, consacrée par le comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature capitale de la biodiversité des villes moyennes l’an dernier. « Le plus compliqué, c’est d’expliquer aux gens que des espaces plus naturels ne sont pas synonymes de négligence, souligne l’élu. Il faut apprendre à apprécier que les plantes vivaces prennent la place des géranium bien alignés sur les ronds-points. » Une démarche de retour au naturel que le citadin peut répliquer à son échelle. « Plutôt que de cultiver des plantes exotiques sur son balcon, on peut récupérer un peu de terre sur un terrain vague des environs, la mettre dans une jardinière et laisser les graines déjà présentes s’exprimer », explique Mathieu de Flores, qui voit dans ce geste « un moyen facile de favoriser le retour des insectes ». Tout en soulageant au passage le budget de nos municipalités ? Pour évaluer cet impact, Alan Vergnes demande encore quelques années : « On fait de la “slow science”, l’observation des insectes prend du temps. »

Tandis que l’écologue poursuit son travail de fourmi, à Natureparif, Lucile Dewulf prend de la hauteur. « Je comprends l’intérêt de cette question et, en même temps, je trouve dommage qu’on se la pose, médite la naturaliste. On devrait préserver les insectes ne serait-ce que parce qu’ils existent, qu’ils sont indispensables au fonctionnement d’un tout et qu’ils étaient là avant. »

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