Les premières vraies chaleurs arrivent et les flots de touristes ne vont pas tarder à débouler sur les plages bretonnes. Entre la bronzette et la pêche au bigorneau, la baignade en algues vertes s’impose. Dès la fin du printemps, les ulves inondent les baies de l’Ouest. Un rituel depuis une cinquantaine d’années.
Dans son bilan des connaissances scientifiques sur les causes de prolifération des macroalgues vertes, les ministères de l’Ecologie et de l’Agriculture réaffirment que le phénomène « ne pourra être enrayé sans réduction des apports azotés liés aux activités agricoles » .
Une algue verte nitrophile
On savait déjà que ces végétaux marins, naturellement présents dans l’écosystème côtier, s’échouent sur les plages dès que les températures grimpent. Mais uniquement dans les baies fermées et dans les eaux ensoleillées et peu profondes. Et bien sûr, si le nutriment nécessaire à la plante, l’azote, est présent : l’algue verte est nitrophile.Or, le rapport explique qu’« aucun des facteurs physiques – biologiques et écologiques – n’a connu d’évolution marquée pouvant expliquer de telles proliférations ». Il faut donc regarder du côté des facteurs chimiques. Or, l’azote et le phosphore, introduits par la main de l’homme dans le milieu marin ont - comme par hasard - « augmenté de façon considérable à partir des années 1960 ». En effet, en 1971 par exemple, le taux de nitrates dans les eaux douces allant à la mer s’élevait à 11 mg/l avant de culminer à 38 mg/l en 1981. Or, l’étude observe sur cette période un boom de l’élevage en Bretagne. Elle conclut donc « qu’une réduction des apports d’azote liés aux activités agricoles et d’élevage sera l’objectif le plus adéquat pour parvenir à limiter les proliférations d’ulves. »
En finir avec le déni des expertises scientifiques
Sauf que voilà, le lien entre agriculture intensive et marées vertes n’est pas nouveau. Les auteurs ont voulu « apporter une analyse critique des arguments de la contestation du rôle des nitrates agricoles ». Il rappellent que « la mise en œuvre du Plan d’action gouvernemental algues vertes en Bretagne est perturbée par une campagne de remise en cause des fondements scientifiques. »
Une contestation qui « traduit l’inquiétude de la profession agricole directement mobilisée par les mesures correctrices du plan ». Non pas que les Bretons soient d’irréductibles protestataires, mais presque. En novembre dernier, la Chambre d’agriculture du Finistère avait clairement marqué son refus du Plan gouvernemental, estimant que les objectifs de réduction des flux d’azote « n’intègrent pas l’impératif de maintien de l’activité agricole ». Mais aux yeux des autorités, « il est nécessaire de lancer des études prospectives pour faire évoluer le modèle breton ». Car le ramassage des algues ne suffit pas, il faut couper la source de leur alimentation, l’azote. Et donc réduire l’apport de fertilisants des élevages, notamment porcins et bovins.
Le rapport persiste : cette analyse « confirme le bien-fondé du Plan d’action gouvernemental ». Engagées en 2010, les mesures visent à réduire de 30% au moins les flux de nitrates à l’horizon 2015 dans huit baies prioritaires de Bretagne.
En chiffres
- Jusque dans les années 1970, le taux de nitrates dans les rivières bretonnes était de 15 à 20 mg/litre en moyenne. En 2001, un tiers des rivières bretonnes avaient dépassé le niveau autorisé pour l’eau potable, soit 50 mg/l
- Entre 40 000 et 70 000 m3 d’algues vertes s’échouent chaque année sur le littoral breton, essentiellement des Côtes-d’Armor et du Finistère
- Coût du ramassage : 300 à 500 000 euros par an, pris en charge par les communes et les conseils généraux des Côtes-d’Armor et du Finistère
Sources : Ministère de l’Ecologie
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