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26-02-2015
Mots clés
Agriculture
Afrique

Les nouveaux résilients (1/7) : le gardien des sols

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Les nouveaux résilients (1/7) : le gardien des sols
(Crédit photo : Amélie Mougey)
 
Comment cultiver sur des terres que le changement climatique rend de plus en plus arides ? Au Togo, Bakary Samake tente de lutter contre ce fléau en brisant l'addiction aux engrais.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Ici, le changement climatique n’est encore qu’une épée de Damoclès. Là-bas, il sévit déjà. Sécheresse, dégradation des sols, insécurité alimentaire… du Togo au Congo, en passant par les Philippines et la Papouasie-Nouvelle Guinée, des populations sont, dans leur quotidien, aux prises avec les conséquences du dérèglement. Pour s’en prémunir ou s’y adapter, des porteurs de projets rivalisent d’inventivité. Ils imaginent de nouvelles sources d’énergie, redécouvrent des plantes, réapprennent à cultiver en milieu aride. Le Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et l’Agence française du développement (AFD) a lancé le concours Challenge Climat pour récompenser ces initiatives. Terra eco est allé à la rencontre de ces nouveaux résilients.

Bakary Samake est malien. Il y a un peu plus d’un an, ce docteur en phytopathologie et protection des cultures a rejoint le nord du Togo où il tente de rendre à la région des savanes sa fertilité, avec Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF).

Terra eco : Pourquoi les familles togolaises ne peuvent-elles pas continuer à cultiver comme elles l’ont fait jusqu’à présent ?

Dans le nord du Togo, la densité de population est forte. Les villages sont très proches les uns des autres et on compte près de 200 habitants par kilomètre carré (contre 117 en moyenne pour la France, ndlr). Comme ces familles ne disposent que de très petites surfaces dédiées à l’agriculture vivrière – 0,5 hectare en moyenne, jamais plus de 2 hectares –, elles cultivent toujours les mêmes sols et utilisent beaucoup de produits – pesticides ou engrais – en faisant elles-mêmes leurs dosages, sans tenir compte de l’environnement. Fatalement, au fil du temps, les sols se dégradent. Comme ceux-ci sont carencés en matières organiques et en phosphore, les paysans ont beau augmenter les doses de produits, les rendements baissent. Le dérèglement climatique accentue ces difficultés. Traditionnellement, les pluies commencent début juin. Mais l’an passé, le nord du Togo a seulement connu un petit épisode pluvieux le 6 juillet, puis, plus rien jusqu’au 15 août. Ces périodes de sécheresse donnent de mauvaises récoltes. A l’inverse, lorsqu’il pleut enfin, les averses sont violentes, elles provoquent des érosions qui peuvent encore entraîner la perte d’une partie de la production. Au final, la terre ne suffit plus à nourrir les familles. Beaucoup vont alors travailler dans les pays voisins, au Burkina Faso ou au Bénin pour gagner un maigre complément de revenu. Là-bas, ils sont saisonniers, vivent de petits commerces ou deviennent chauffeurs routiers, ils perdent leur autonomie.

Comment enrayer cette baisse des rendements ?

De plusieurs manières. D’abord, on travaille à la diffusion des pratiques agroécologiques, on prône le retour à certaines techniques traditionnelles, faciles et peu coûteuses, qui permettent de réhabiliter les terrains dégradés. Je pense, par exemple, à l’utilisation du fumier comme engrais, ou à l’usage de l’ail et du piment pour se débarrasser des ravageurs. De la même manière, on va lutter contre l’érosion des sols : on enherbe des cultures en pente, on construit des cordons pierreux… Pour faire face à la sécheresse, on réapprend la technique du zaï, qui consiste à creuser des trous en demi-lunes pour concentrer les eaux de ruissellement. Enfin, on replante des arbres. Ceux-ci favorisent l’infiltration des eaux de pluie et, en plus, ils fournissent du bois pour la cuisine. Sans eux, les femmes brûlent les tiges des récoltes qui seraient plus utiles si elles revenaient dans le compost.

Quelle est votre stratégie pour convaincre les habitants d’adopter ces pratiques ?

Le simple fait de dire que les produits chimiques sont mauvais et qu’il existe des alternatives viables ne suffit pas. Il faut le démontrer. C’est pourquoi nous avons créé des « champs école ». D’octobre à mars, les paysans togolais viennent, par groupes de trente, tester de nouvelles pratiques. Ce sont eux qui choisissent ce qu’ils veulent expérimenter. Nous les orientons vers l’agroécologie, mais s’ils veulent tester beaucoup de produits chimiques, on ne les en empêche pas. Seulement, dans ce cas, on met également en place une technique comparative où l’engrais est remplacé par le fumier. A la fin, les participants feront eux-mêmes le bilan et se rendront compte que notre méthode coûte moins cher avec, sur le long terme, une meilleure efficacité. Ces stages sont accompagnés par des enseignements théoriques. On y enseigne, par exemple, les techniques de reproduction des semences pour que les paysans ne soient pas obligés d’en racheter chaque année.

Mais notre démarche ne peut pas s’arrêter là. Si les agriculteurs rentrent chez eux et qu’il n’ont pas d’outils pour mettre en application les techniques qu’ils ont apprises, nos efforts sont vain. Les participants repartent donc avec des kits de maraîchage, de pépiniériste ou d’aménagement hydroagricole. A l’intérieur, ils ont des pelles, des brouettes, des arrosoirs, des sécateurs. On met aussi à disposition 163 charrettes à âne que se partagent plusieurs familles : ça paraît basique, mais c’est indispensable pour transporter le fumier.

Quelle est l’ampleur du projet ?

Aujourd’hui, le projet touche 1 500 familles, soit 9 000 personnes. Mais nous voulons faire des émules. Dans un premier temps, nous essayons, sur une zone géographique limitée, de coordonner les différents projets. Pour y parvenir, on utilise la cartographie participative. Avec l’aide des habitants, nous répertorions des savoirs techniques et économiques en matière d’agroécologie ou d’agroforesterie. A partir de là, dans les six cantons togolais concernés, nous mettons en place une méthode de diffusion des bonnes pratiques. Une fois que celle-ci sera au point, nous rédigerons une fiche technique que nous aimerions traduire en plusieurs langues locales. Cette feuille de route permettrait d’abord d’étendre l’opération à l’ensemble des 23 cantons du Togo, puis aux pays voisins qui rencontrent les mêmes problématiques, ou les rencontreront demain.

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