Nos parlementaires sont-ils un peu mous du bulbe en matière de développement durable ? Le Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po) a réalisé une enquête auprès de 130 députés et 70 sénateurs qui le laisse penser. Cette étude, dirigée par Daniel Boy (voir l’interview ci-dessous) pour le compte de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), révèle que l’enjeu environnemental fait bien partie des préoccupations des politiques. Mais aussi que les différences de perception sur la question restent énormes entre opinion publique et élus.
Quelques écarts spectaculaires pour l’illustrer :
Foi dans le progrès technique : 30% des parlementaires (contre 10% seulement des Français) pensent que c’est d’abord le progrès technique qui permettra de trouver des solutions pour empêcher la progression de l’effet de serre.
Relance économique : 59% des parlementaires (contre 80% des Français) estiment que la priorité du gouvernement devrait être de réorienter l’économie vers des activités qui préservent l’environnement. 35% des parlementaires (contre 18% des Français) considèrent quant à eux que le gouvernement devrait plutôt favoriser la croissance industrielle.
Choix du nucléaire : 31% des parlementaires (contre 11% des Français) considèrent que c’est une énergie d’avenir, 72% (contre 33% des Français) que c’est une énergie performante et 35% (contre seulement 3% des Français) que c’est la meilleure énergie pour lutter contre l’effet de serre. En 2010, les parlementaires n’étaient que 22% à préférer l’abandon progressif du nucléaire à son développement, contre 49% des Français (sondage 2007).
Autoroutes : pour lutter contre l’effet de serre, 36% des parlementaires (contre 67% des Français) estiment que stopper la construction des toutes nouvelles autoroutes (en affectant l’argent au transport par le rail) serait une bonne mesure. La baisse de la vitesse limite à 110 km/h est, elle, jugée positivement par 33% des parlementaires (contre 55% des Français).
Terra eco : Ce qui frappe le plus à la lecture de votre étude, c’est l’écart entre les parlementaires et le grand public, beaucoup plus enclin à reconnaître l’urgence environnementale. Comment l’expliquer ? Parce que les politiques ne sont pas à l’image des Français ?
Daniel Boy : « Concrètement, l’âge moyen des parlementaires – qui appartiennent souvent à la catégorie 50 ans et plus – est plus élevé que la moyenne des Français. Leur niveau social aussi. Il y a bien sûr un lien avec l’âge : plus on est jeune, plus on est porté vers le développement durable. Mais en même temps, plus on a fait d’études et plus on est issu d’un milieu cultivé – ce qui est clairement le cas des politiques – plus on est supposé être attentif aux questions environnementales. Donc l’écart constaté entre les uns et les autres n’est pas si évident à décrypter. En revanche, le fait que les parlementaires soient très majoritairement des hommes joue, les femmes étant sensiblement plus plus portées sur l’environnement. C’était très net dans notre première étude de 2003, où par exemple 18% des hommes seulement (contre 38% des femmes) attribuaient le désordre climatique à l’effet de serre. Si ces écarts se sont depuis resserrés, cette différence homme/femme demeure. »
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