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24-02-2005
Mots clés
Environnement
Asie Et Océanie

Le paysan nippon fait de la résistance

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Le métier d'agriculteur se perd au pays des rizières. Sauf, peut-être, celui de paysan bio, soutenue par des mères de famille, consommatrices averties. Un commerce équitable, version nippone.
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Chaque semaine, un panier de légumes tout frais récoltés. Des légumes bio, mais aussi du riz et des fruits, livrés par les fermiers à 840 familles des environs de Tokyo. Ils viennent de Miyoshi, un village situé à une centaine de kilomètres de la capitale. Les agriculteurs se relaient pour assurer la livraison. Les consommateurs, pour la recevoir. Le réseau est rodé, depuis trente ans que le groupe de Miyoshi pratique l’agriculture biologique. Ce partenariat appelé “teikei”, a inspiré en France les AMAP (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), système d’économie solidaire qui pousse depuis 2000. Des consommateurs achètent à l’avance la récolte d’un agriculteur. Assuré d’écouler sa production, celui-ci s’engage à cultiver en respectant l’environnement.

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Rizière cherche cultivateur. La moitié des agriculteurs japonais ont plus de 65 ans. Et la plupart ne trouvent pas de successeur. Photo : Charlotte Penchenier.

Le consommateur-assureur

L’idée est donc née au Japon au début des années 70. A cette époque, l’industrialisation commence à faire des dégâts. Pollution de l’eau et de la terre, scandales alimentaires... Une “affaire” de poudre de lait pour bébés contaminée sert de déclencheur. Des centaines de mères de famille se regroupent pour acheter du lait frais directement auprès de producteurs. Après le lait, puis les légumes, Hiroko débarque avec vingt-cinq autres mères dans le village de Miyoshi en octobre 1973 et propose un partenariat aux fermiers locaux. Six mois plus tard, l’affaire est lancée.

Les producteurs fixent le prix, les consommateurs se répartissent la récolte et assument, solidaires, les risques de toute production : typhon, hiver rude ou maladie dévastatrice. Les règles sont strictes : ni engrais chimique, ni additif, ni antibiotique. Une aventure risquée pour les agriculteurs : le climat très humide du Japon ne favorise pas l’agriculture biologique. Conséquence, le taux de produits chimiques y est l’un des plus élevés au monde.

Mais pour les 18 fermiers de Miyoshi (29 aujourd’hui) qui se sont lancés dans ce "teikei", le risque est calculé. "On ne vivait pas bien de l’agriculture. J’avais 38 ans et pas d’avenir en restant paysan. Le teikei m’a permis de gagner suffisamment ma vie", explique Hiroyuki Wada. Avec 1,2 hectare chacun, sur un terrain montagneux, ces fermiers ressemblent à la plupart de leurs congénères. A l’exception des grandes plaines d’Hokkaido, au nord de l’Archipel, des millions de micro-exploitations (60 % de rizières) parsèment le paysage. Malgré des subventions abondantes, difficile de vivre d’un minuscule lopin. Les fermiers cumulent donc les activités et se font employer dans de petites industries locales. Aujourd’hui, les trois quarts des revenus des foyers ruraux proviennent de salaires. Mais la crise de ces dernières années et les faillites de nombreuses PME rurales menacent par ricochet ces petites exploitations.

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Les jeunes japonais accros à la supérette

La moitié des agriculteurs nippons ont aujourd’hui plus de 65 ans et pour la plupart, pas de successeur. Pour sauver les rizières, plusieurs gouvernements ont tenté de favoriser la concentration des terres et l’agriculture mécanisée. Mais rien n’y fait. Les Japonais des champs répugnent à se séparer de leurs bouts de terre, même quand ils ne les cultivent plus. Parmi les autres voies à explorer, les “teikei”, à leur petite échelle, ont permis à des agriculteurs de ne pas changer de métier, tout en préservant la nature et leur santé. Ils seraient environ un millier selon l’Association japonaise pour l’agriculture organique et peuvent réunir de 10 à 5 000 familles-membres.

Mais aujourd’hui, ces groupements informels ont du mal à se renouveler. Malgré des revenus mieux assurés que dans l’agriculture conventionnelle, les enfants de fermiers bio ne sont pas forcément tentés par l’aventure. Côté consommateurs, la moyenne d’âge augmente aussi - 50 ans dans le groupe de Miyoshi - au grand regret d’Hiroko : "Les jeunes ont grandi avec les “convenient stores” (supérettes ouvertes 24h/24, ndlr). Ils veulent pouvoir choisir les produits."

La préférence nationale... alimentaire

L’originalité des ”teikei” fait pourtant des émules. Des coopératives de consommateurs copient la formule et se mettent au bio, poussées par leurs membres - des femmes, toujours. Alpha Coop, à Osaka, propose depuis peu des paniers de légumes biologiques à ses 7 000 membres. Contre une sorte d’abonnement, ils reçoivent chaque semaine un panier surprise. "Sur le marché, on trouve des légumes à toute saison, mais hors de prix. Avec ce système, on a des légumes de saison pas trop chers et sans produits chimiques", explique Yoshikazu Ikuta, directeur de la coopérative.

La famille Motizuki fournit en légumes Alpha Coop. Coincés entre de grands immeubles, à deux pas d’une route très fréquentée, ils font figure de résistants sur leur terrain d’un demi-hectare. Le fils confirme : "Quand j’étais petit, il y avait plein d’autres fermes tout autour. Puis la ville s’est étendue, ils ont tous vendu leurs terres..." A la demande de la coopérative, il y a quinze ans, il a progressivement éliminé tout produit chimique. Grâce aux prix stables de la coopérative, grâce à des commandes régulières également, Yuuiti Motizuki, sa femme et ses parents vivent toujours de la terre, sans autre source de revenus. “Aidés” par la “préférence nationale” des Japonais - méfiants envers les produits importés - ces formules alternatives pourraient bien faire tache d’huile dans le paysage agricole nippon. En attendant, le taux d’autosuffisance alimentaire du pays décroît régulièrement. En 1998, l’agriculture ne satisfaisait plus que 40 % des besoins alimentaires du Japon. Contre 79 % vingt ans plus tôt.

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