Le havre de Hanovre

“On vient du monde entier pour voir Kronsberg. Je me souviens d’un grand professeur australien qui s’est mis à crier ’Oh my God ! Ce n’est pas un rêve !’” Angelika Schichtel, de l’Agence pour la protection climatique de la région de Hanovre, joue les guides pour les experts du monde entier venus visiter le quartier de Kronsberg. Soixante-dix hectares, plantés en périphérie de la ville de Hanovre, conçus selon les normes du développement durable, définies en 1992 à Rio, lors de la conférence mondiale sur l’environnement. Au total, le projet a coûté 500 millions d’euros.

La Solar City. Sur le toit des immeubles, 1350m² de panneaux dans lesquels l’eau circule pour être réchauffée par le soleil.

“Chaque bâtiment est un exploit environnemental”, s’enthousiasme-t-elle. Chacun devait être conçu de manière à ce que les besoins énergétiques annuels n’excèdent pas 55 kilowatts-heure par m². À titre de comparaison, la consommation d’un immeuble moderne avoisine 100 kWh/m². Elle peut atteindre 270 kWh/m² pour les bâtiments anciens sans isolation. Kronsberg dispose même d’un lotissement baptisé “Solar City”, dont 50% de l’approvisionnement énergétique provient d’installations solaires. Bilan : 45 à 50% de réduction des émissions de dioxyde de carbone. Les besoins électriques sont entièrement couverts par deux éoliennes. Pour encourager la population à prendre de bonnes habitudes, la ville a offert cinq ampoules à basse tension par appartement. Résultat, Kronsberg génère plus d’électricité qu’il n’en consomme.

Que d’eau, que d’eau !

À la demande de la ville, la quarantaine d’architectes qui a travaillé sur le quartier a également dû se tenir à un deuxième impératif écologique : la préservation des réserves d’eau du sous-sol, qui alimentent Hanovre. “Les dalles des trottoirs ne sont jamais jointes entre elles, ce qui permet l’infiltration des eaux de pluie”, explique Angelika Schichtel. Les chaussées sont bordées de rigoles, laissant s’écouler l’eau jusque dans le sous-sol. Schéma à l’appui, notre guide détaille l’installation. “Sous ces rigoles se succèdent différentes couches de matériaux qui filtrent la pluie de manière naturelle.” En fait, l’eau est au cœur de la vie du quartier. Pour un peu, chaque parcelle d’habitation disposerait de sa pièce d’eau. Un petit étang, une cascade miniature, un bassin à poissons, etc.

Le plus jeune quartier de Hanovre

Le terrain sur lequel a poussé Kronsberg a été attribué aux constructeurs par parcelles. L’idée était de garantir une diversité architecturale, en évitant le piège de la monotonie des villes nouvelles. Ce quadrillage un peu strict a effectivement accouché d’une certaine variété : immeubles en bois, maisonnettes multicolores, serres et jardinets. Le succès apparaît incontestable. Certes, une seule des deux tranches prévues à Kronsberg a été réalisée, mais tous les appartements sont occupés. 6 600 personnes y vivent.

Les maisons colorées du "groupe Agenda 21". Une quarantaine d’architectes ont travaillé à Kronsberg.

A l’origine, Kronsberg hébergea le personnel international travaillant à l’Exposition universelle de l’an 2000. Son école primaire, ses trois crèches et sa ligne de tramway, reliant le centre-ville en vingt minutes, ont ensuite attiré de jeunes couples. Aujourd’hui, 51% de sa population est âgée de moins de 30 ans. “Nous avons aussi beaucoup de familles immigrées d’Europe de l’Est”, observe Angelika Schichtel, qui confie redouter une forme de ghettoïsation. Ces familles se regroupent souvent par origine sur les mêmes parcelles. C’est l’un des points noirs de Kronsberg. “Nous devons également résoudre le problème du prix du chauffage, bien trop élevé, et qui augmente considérablement le coût de l’habitat”, soulève Angelika Schichtel. Le prix du mètre carré évolue actuellement entre 5,50 et 8 euros, à la location. Enfin et surtout, Kronsberg doit surtout vieillir, se construire une histoire, pour dissiper une atmosphère encore très impersonnelle.