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31-01-2010
Mots clés
Alimentation
France
Enquête

La truffe noire

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La truffe noire
 
Un arbre, un chien ou un cochon et hop, le tubercule périgourdin est déniché. Cette tradition ancestrale a tout de la pratique durable. Mais c’est sans compter les changements climatiques et le trouble jeu de sa cousine chinoise.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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« Regardez, Maya a marqué avec sa patte. Il y a quelque chose ici. » Guy Besse écarte la mousse. Bingo ! Juste en dessous, apparaît une petite masse sombre : la fameuse truffe noire du Périgord, ou tuber melanosporum pour les blouses blanches. Le trufficulteur glisse un morceau de biscuit à sa chienne. La prise est bonne, environ 30 grammes, pas trop abîmée par les liodes, ces petits scarabées rouges qui dînent de truffes. Et surtout, « elle sent bon. C’est signe de maturité », constate, satisfait, Jean-Marie Duprat, le président de l’Ecomusée de la truffe de Sorges. Dès le lendemain, sur le marché contrôlé de cette petite ville de Dordogne, le diamant noir s’échangera entre 700 et 800 euros le kilo. A Noël, le produit a même flirté avec les 1 000 euros. Et si la truffe du Périgord est aussi onéreuse, c’est parce qu’elle est exceptionnelle.

En route vers le Nord

L’an passé, la production française dépassait à peine les 50 tonnes. Pourtant, ce mets n’a pas toujours été aussi rare. Au début du XXe siècle, il s’en récoltait 1 000 tonnes par an. Pourquoi cette chute ? « Cela s’explique principalement par l’exode rural, indique Gérard Chevalier, qui étudie la truffe à l’Inra (Institut national de la recherche agronomique) de Clermont-Ferrand depuis plus de quarante ans. Les zones semi-ouvertes qui lui sont favorables ont été abandonnées. Le pasteuralisme a diminué. Et sans l’élagage qu’effectuaient naturellement les animaux d’élevage ou manuellement les hommes, ces zones se sont boisées. » Or, la truffe a besoin de lumière. Mais des campagnes qui se vident, cela n’explique pas 100 % du recul de la truffe. Dans le Sud-Est, première région productrice de l’Hexagone, les sécheresses estivales successives ont mis à mal les truffières. Depuis quelques années, les impacts du réchauffement climatique sont déjà ressentis par les trufficulteurs, en particulier au sud de la ligne Montauban-Valence. Laquelle « pourrait monter selon les changements du climat », a averti Laurent Ginola, de la station trufficole de Cahors, lors d’un colloque scientifique tenu à Ménerbes, en janvier 2008. Mouchoirs au Sud, champagne au Nord. Car « l’aire du chêne vert va remonter, ajoute Gérard Chevalier, et la truffe va le suivre, puisqu’il s’agit de son hôte privilégié » (lire aussi page 30). Pour s’adapter, le monde trufficole réfléchit d’ores et déjà à de nouvelles techniques culturales. Après tout, c’est déjà par l’innovation que la truffe française a été sauvée de l’extinction. En 1972, l’Inra a en effet mis au point une technique qui a révolutionné la trufficulture : le plant mycorhizé.

De la nourriture pour cochons

Aujourd’hui, il subsiste à peine 10 % de truffières naturelles en France. Dans l’espoir de relancer la production, on plante massivement : « Jusqu’à 1 000 hectares par an, pour un total de 20 000 hectares en France, dont la moitié sont très récents », indique Jean-Charles Savignac, le président de la Fédération française des trufficulteurs (FFT). Avec les pépinières Robin, basées dans les Hautes-Alpes, Agritruffe fait partie des plus gros producteurs de plants truffiers : 120 000 plants commercialisés par an et certifiés par l’Inra. Une vingtaine d’autres pépiniéristes, plus modestes, sont certifiés par le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes. Et puis, il y a les autres, artisanaux, qui ne sont pas contrôlés. Ce qui ne va pas sans risque. « S’ils venaient à introduire la truffe de Chine dans les sols français, cela pourrait être catastrophique. Elle pourrait les contaminer », s’alarme Gérard Chevalier. Car depuis quinze ans, la truffe chinoise s’exporte en Europe. Et depuis lors, les trufficulteurs français tremblent. « On en a déjà trouvé dans les sols italiens, explique le spécialiste de l’Inra. En laboratoire, elle se révèle très conquérante, on ne sait pas en conditions réelles. Et il n’est pas question de jouer les apprentis sorciers. » Risque d’invasion biologique des sols oblige. Le problème ? La truffe de Chine ou tuber indicum est un imposteur : même forme et même couleur que la « melano », mais un goût insipide. Les Chinois, eux, ne s’y trompent pas : « Nous, on ne mange pas de cette truffe, c’est de la nourriture pour les cochons. Mais on s’est rendu compte que les étrangers aimaient ça. Alors, on s’est dit : c’est qu’ils mangent comme des cochons », s’esclaffe un marchand de Kunming dans le documentaire Il faut sauver le diamant noir, réalisé par Laetitia Ohnona et diffusé sur France 5 en décembre 2009.

Gare à la fraude

La truffe de Chine est vingt fois moins chère que son inabordable cousine française. Et dans les provinces du Yunnan et du Sichuan, elle se récolte comme des pommes de terre. Gare à la fraude. « Auparavant, l’astuce consistait à glisser quelques tuber melanosporum dans un sac de truffes chinoises afin qu’elles s’imprègnent de leur parfum, et de vendre le tout comme de la truffe du Périgord. Aujourd’hui, il y a aussi des fraudes sur les produits transformés, surtout les brisures », explique Laetitia Ohnona. Importée légalement en Europe, la truffe de Chine est estampillée tuber indicum. Encore faut-il savoir lire les étiquettes. Dans le cas contraire, c’est vous la truffe de l’histoire. Pour éviter ce genre de déconvenues, la FFT milite pour que les produits concernés portent la dénomination « truffe de Chine ». En vain pour le moment. Dans les truffières de l’Ecomusée de Sorges, Maya, elle, ne s’y trompe pas. C’est bien de la « melano » sous sa truffe. D’ailleurs, elle vient d’en schtroumpfer une à son maître. Lui, pas chien, s’amuse : « Eh, elle l’a bouffée celle-là ! » —

BIO OU PAS BIO ?

« J’ai vu de la truffe étiquetée bio, s’étonne Jean-Marie Duprat, président de l’Ecomusée de la truffe de Sorges. Mais la truffe est bio par essence ! » Un sol calcaire et alcalin, des arbres hôtes et une truffière entretenue, voici tout ce dont aurait besoin la truffe. Pourtant, Hervé Loubet, propriétaire de bois dénonce : « Certains trufficulteurs mettent de l’engrais, désherbent et clôturent leurs parcelles. » Des pratiques marginales, selon le président de la Fédération française des trufficulteurs, Jean-Charles Savignac. Qui préfère souligner que la trufficulture « permet le maintien du paysage et de la biodiversité. Et crée de l’activité dans les zones rurales via les marchés et fêtes de la truffe ». Alors, à quoi bon ces clôtures ? Elles ne sont là que pour repousser les sangliers et les voleurs, répond-il.

Illustration : Simon Astié

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