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6-10-2014
Mots clés
Politique
France
Interview

« La transition énergétique coûtera cher, mais elle apportera plus de bien-être »

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« La transition énergétique coûtera cher, mais elle apportera plus de bien-être »
(Crédit photo : Michèle Turbin - flickr)
 
Selon Ségolène Royal, la transition énergétique permettra de réduire nos factures. Pas si sûr pour deux professionnels du secteur, qui estiment que le discours culpabilisant n'est pas le bon.
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Depuis le 1er octobre, l’Assemblée nationale planche sur la transition énergétique. Au menu : la rénovation thermique, « principal chantier de la loi » de l’aveu même de Ségolène Royal. En ligne de mire : un parc immobilier entièrement rénové aux normes « bâtiments basse consommation » en 2050 et ce, grâce à de multiples outils façon carotte (allégement fiscal, éco-prêt à taux zéro accordés sur des travaux, chèque énergie pour les plus modestes…) ou bâton (obligation de réaliser des travaux de rénovation en cas de ravalement, de réparation de toiture, d’aménagement de nouvelles pièces…) La loi sur la transition énergétique « va changer la vie des Français » et constitue « une formidable chance », a affirmé la ministre de l’Ecologie ce mercredi. Le volet sur la rénovation énergétique permettra notamment aux habitants de « diminuer leur facture énergétique, qui pèse lourdement sur leur pouvoir d’achat ». La transition énergétique, a-t-elle résumé : « Ça ne coûte pas, ça rapporte. » Un argumentaire inefficace, voire fallacieux pour Marika Frenette, architecte à la tête de Wigwam, un bureau d’études environnementales nantais et Hervé Graton, ingénieur thermicien et directeur de Kypseli.

Vous n’êtes pas d’accord avec Ségolène Royal ?

Marika Frenette : Elle dit qu’en 2050 il faudra avoir divisé la consommation énergétique par deux. Mais où est le bénéfice pour les gens ? Quand bien même on y arriverait, ça n’amortirait pas les travaux de rénovation. Ce discours relève d’un mirage. Moi, je pense que ce n’est pas pour faire des économies d’énergie mais pour améliorer leur bien-être que les gens vont agir. Ce n’est pas une raison pour les faire culpabiliser pour autant. Entendre parler de gestes éco-responsables, c’est fatigant. C’est une manière de traiter les gens d’irresponsables. Ça ressemble au discours des catholiques d’il y a 50 ans. Non. Le bien-être physique et psychologique est essentiel.

Si la ministre raconte ça, c’est pour montrer qu’elle fait quelque chose. Dans son discours, elle dit aussi que la transition va créer 100 000 emplois dans le bâtiment. Il faut arrêter ! Il y a eu 300 000 emplois perdus dans le secteur. Il ne peut pas y avoir de création d’emplois puisqu’il n’y a pas de boulot. Ceux qui sont un peu dégourdis changent de métier et se tournent vers la rénovation. Mais ça ce ne sont pas des créations d’emplois ce sont des transformations.

On ne fait pas d’économies d’énergies en rénovant son logement ?

Marika Frenette : Si, mais le retour sur investissement n’est pas forcément bon pour autant. Soyons honnête : pour mettre une maison aux normes d’aujourd’hui, ça coûte 20 000, 25 000, 30 000 euros et ça ne s’amortit jamais. Ou alors en trente ans, mais on ne parle plus de retour sur investissement !

Hervé Graton : Faire des travaux de rénovation pour faire des économies d’énergie est un mauvais calcul. Le prix de l’énergie aujourd’hui n’est pas assez élevé. On n’a pas de retour sur investissement avec un changement de fenêtres à 30 000 euros. Ma société a mené une étude sur une centaine de logements dans un immeuble des années 1970/1980. Le bailleur social avait réglé la note pour des travaux d’isolation par l’extérieur très importants. Pour le locataire, ça voulait a priori dire une réduction des charges importantes. Certes, si vous regardez la facture de chauffage d’un T4, elle est passée de 350 à 50 euros. Mais si vous remettez dans le contexte de l’ensemble des charges (consommation d’électricité, de gaz, facture d’eau…) la facture passait de 2200 à 1870 euros. On ne gagnait que 15% au total. Cet écart de 300 euros ne peut absolument pas compenser la facture de 20000 ou 25000 euros de travaux réalisés par le bailleur sur un logement comme celui-là.

Pourquoi faire des travaux alors ?

Marika Frenette : C’est bien ce qu’il faut commencer par se demander. Pourquoi veut-on rénover son logement ? Pour la planète ? La collectivité ? Si on veut sauver la planète, alors c’est en Chine, en Inde, au Brésil qu’il faut que les professionnels aillent s’installer parce que c’est là qu’il faut agir rapidement. Il faut arrêter de se raconter des histoires, les gens regardent d’abord à leur porte : leur confort, leur portefeuille et leur bien-être. Utiliser l’argument que les gens vont gagner 100 euros sur leur facture ce n’est pas bien sexy. Les bénéfices sont ailleurs. Vous savez au Canada, d’où je viens, il fait -40°C l’hiver. Et quand on arrive ici, on est choqué par le fait que la plupart des bâtiments en France sont inconfortables. Les Français sont habitués à l’inconfort, aux parois froides, aux courants d’air, avoir des logements qui sentent mauvais et sont mal ventilés. Une paroi froide c’est désagréable. Vous avez beau avoir une température de 20°C dans une pièce si les murs sont à 13 ou 14°C, vous aurez froid et vous monterez la température ! J’habite dans une maison passive sans courant d’air et à 19°C je suis bien. Au bureau, nous sommes dans un vieux bâtiment et à 19°C j’ai froid ! Dire aux gens qu’il faut vivre à 19°C pour la planète et tant pis pour l’inconfort est contre-productif.

Hervé Graton : On parle de confort mais ces travaux peuvent permettre aussi d’améliorer la pérennité d’un bâtiment. Ils redonnent de la valeur ajoutée à un bien qui sera mieux revalorisé lors de la revente. Ça aussi c’est important et souvent prioritaire sur les économies d’énergie.

Pourquoi la France a une si grande culture de l’inconfort ?

Hervé Graton : Si la France est en retard sur l’isolation, c’est sans doute à cause du lobby industriel. Dans les années 1950, 1960, on avait l’habitude d’isoler par l’intérieur. Et depuis, même si cette époque est passée, certains industriels ne veulent pas lâcher leurs produits : leur laine de verre, de roche, leur placo… Les artisans continuent de vendre de l’isolation par l’intérieur alors que ça crée des ponts thermiques.

Marika Frenette : Ce retard sur l’isolation, c’est vrai de la France mais aussi d’autres pays d’Europe du sud comme l’Espagne ou l’Italie qui partagent un climat peu froid. Vous savez, quand on arrive d’Europe du Nord ou du Canada et qu’on voit des marchés où les commerçants ont les mains rouges, des boutiques ouvertes à tous vents avec des jeunes travailleuses qui ont très froid… C’est inimaginable pour nous de travailler dans ces conditions ! La France a une grande résistance à l’inconfort. On oublie que le confort à la maison, au travail est un droit essentiel. J’ai la chance d’habiter dans une maison passive. Quand les gens viennent chez moi, ils me disent “qu’est-ce qu’on est bien”. Il y a une belle luminosité, je ne dépasse pas les 40% d’humidité, il n’y a pas de courant d’air. Il y a un parquet bien isolé sur lequel on peut marcher pieds nus sans avoir froid en hiver. Les gens sont tellement habitués à leurs appartements mal isolés, humides qu’ils sont surpris. Mais après la journée, rentrer chez soi devrait être un havre, un refuge.

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