Du hameau de Brangoulo, il ne reste qu’une dizaine de bâtisses en ruines. La vieille cidrerie, un four à pain émergeant des herbes et des habitations qui perdent un peu plus leur âme à chaque pierre emportée par les pilleurs. « Dans trois ans, ce lieu sera de nouveau vivant. Nous allons entièrement le repenser », entend-on pourtant. Ces mots, c’est la Princesse Constance de Polignac qui vient de les prononcer. Campée fièrement dans ses bottes, le regard bleu et décidé, aucun doute qu’elle y parviendra. Elle n’en est pas à son premier défi sur le Domaine de Kerbastic, à Guidel, près de Lorient (Morbihan). Sa famille, de lignée aristocratique, lui en a donné la présidence il y a quinze ans. « Il a fallu que tous les hommes de la famille meurent pour qu’on me le propose », sourit-elle.
Guérisseuse pygmée
Dans ses souvenirs d’enfance, Kerbastic est le lieu magique où une tante conviait ses amis Cocteau ou Colette. Quand elle retrouve l’endroit à son retour des Etats-Unis, la nouvelle administratrice découvre un site pas vraiment à son goût : le parc est taillé au carré, l’herbe coupée à ras, sans les pâquerettes. Or la Princesse a passé une bonne partie de sa vie dans la nature. Enfant, celle des Etats-Unis ou de Suisse. Adulte, celle de la forêt gabonaise, où pendant sept ans, elle est initiée par une guérisseuse pygmée. « J’ai tout de suite annoncé que le parc allait évoluer. Ça n’est pas bien passé. Je suis une femme et on me rétorquait qu’on avait toujours fait comme ça. » Son rêve ? Planter des cerisiers au milieu des arbres trop alignés, faire pousser des carottes et des pommes de terre bio pour alimenter le domaine. En clair : lui redonner vie.Dans les bras de Pierre Rabhi
Premier acte : elle ouvre le parc au public et organise un fest-noz, la fête traditionnelle bretonne, et le Festival musical de Polignac. Deuxième acte : la rencontre avec Pierre Rabhi (voir photo), héraut de l’agroécologie, lors d’un dîner à Paris. « Nous sommes tombés dans les bras l’un de l’autre », se souvient-elle. « Je suis un peu devenu son garant pour entamer la conversion du domaine », répond le penseur d’origine algérienne. Et la « princesse bobo-écolo » d’être prise un peu plus au sérieux.Un agriculteur bio s’installe. Les céréales et les légumes sont rejoints par le chanvre. L’idée ? « L’utiliser pour restaurer de façon écologique Brangoulo », détaille Edouard Bouin, qui conseille la Princesse dans la gestion durable du lieu. « Lorsque des habitants se réinstalleront ici, ce sera pour cultiver du safran, faire du maraîchage, relancer la boulangerie. Nous voulons remettre le hameau au cœur de Guidel. »
Près du château, qui accueille un hôtel de luxe et un restaurant, le maraîchage va bon train. Le lieu doit être autosuffisant et les courgettes et tomates sont désormais servies à table. Plusieurs personnes handicapées qui viennent d’un établissement spécialisé de la région y travaillent. Et côtoient les chefs d’entreprise qui tentent l’expérience « Art, Santé et Nature ». Le programme reste secret mais la Princesse assure « qu’ils arrivent accrochés à leurs portables et qu’ils en repartent joyeux comme des gosses ». Son secret : « C’est en allant au cœur des choses qu’on peut transformer la société, en se transformant avant tout soi-même. Et ce lieu est fait pour ça. » —
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