« Changer le monde. » L’expression est sur toutes les lèvres après trois années qui ont vu s’enchaîner la crise des subprimes, un choc pétrolier, une crise alimentaire et une récession économique majeure. On ne peut que s’en réjouir, même si un soupçon d’anticipation aurait permis d’arriver à la même prise de conscience sans en passer par un tsunami économique et social. Mais sommes-nous bien tous d’accord sur les raisons et sur les façons de changer le monde ? L’empressement avec lequel la contribution climat-énergie – perfidement rebaptisée « taxe carbone » – a été torpillée en France, en dit long sur le chemin qu’il reste à parcourir. Dans l’Hexagone comme ailleurs, les sempiternels arguments sur la compétitivité l’emportent systématiquement sur la vision à long terme. Pourtant, conjuguer développement durable et prospérité est non seulement faisable, mais aussi très souhaitable.
C’est faisable, comme en atteste le développement récent de nouvelles « filières vertes ». Plusieurs études chiffrent, de façon précise, les centaines de milliers d’emplois verts, durables et non délocalisables, qui sont à portée de main dès maintenant [1]. Alors que le chômage frappe, pourquoi hésitons-nous encore à nous lancer ? La réponse est simple : la société française – et avec elle notre « vieille Europe » – est paralysée par la peur de perdre ce qu’elle a, qui se réduit pourtant comme peau de chagrin. Si vous deviez conseiller vos enfants sur leur avenir, leur suggéreriez-vous de s’orienter vers les métiers des énergies renouvelables et de la chimie verte, ou vers la filière du charbon ?
C’est surtout très souhaitable, car pendant que nous ressassons nos vieilles lunes productivistes héritées d’un monde infini, notre écosystème s’effondre de façon presque invisible. Nous consommons chaque année 125 % à 130 % des ressources renouvelables disponibles sur la planète : nul besoin d’être prix Nobel de mathématiques pour comprendre que « ça ne passera pas » [2]. A l’horizon d’une génération nous manquerons de minerais pour fabriquer les objets qui peuplent notre quotidien, nos baladeurs numériques et nos téléphones portables, peut-être d’eau, certainement d’hydrocarbures [3]. Sans ces derniers, l’agriculture intensive ne survivra pas, nos entreprises non plus… et nos « vieux emplois » encore moins. Alors ne courons pas ce risque. Choisissons plutôt d’inventer une autre forme de prospérité. Dès aujourd’hui. —
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