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24-11-2010
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Environnement
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La franc-tireuse de la planète

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La franc-tireuse de la planète
(Crédit photo : Gilles Rolle - Rea)
 
Présidente du Fonds pour l’environnement mondial, la Française Monique Barbut n’a pas la langue dans sa poche. Elle croit plus aux microcrédits qu’aux projets pharaoniques de la Banque mondiale.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Aujourd’hui, dans les pays en développement, 60 % à 80 % de la nourriture est fournie par les femmes. Le chiffre est détonnant. Dévoilé par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), à l’occasion de la conférence des Nations unies sur la biodiversité de Nagoya au Japon, fin octobre, il démontre à quel point les femmes constituent l’une des clés de la préservation de la planète. Revers de la médaille, elles paient aussi le plus lourd tribut lorsque le climat ou les écosystèmes partent en vrille. « Parce qu’elles dépendent de la biodiversité pour leur survie, les femmes des pays en développement seront frappées de plein fouet. Depuis la nuit des temps, les femmes sont aux avant-postes pour gérer les terres au sein de leurs communautés. Elles cultivent ces terres et ont besoin des plantes non seulement pour nourrir mais aussi pour soigner. La santé et le bien-être de leurs familles en dépendent », souligne le Fonds pour l’environnement mondial.

Faux airs d’Edith Piaf

Si cette organisation insiste aujourd’hui sur la place et le rôle des femmes dans les questions environnementales, c’est peut-être parce qu’elle est dirigée par une femme. Avec sa gouaille de titi parisien et ses faux airs d’Edith Piaf, la Française Monique Barbut tranche dans les hautes sphères de la diplomatie. Directrice générale et présidente du FEM, elle dispose d’une cagnotte de plus de 3,5 milliards d’euros pour mener des programmes environnementaux. C’est sous sa direction que l’institution a créé de petites subventions (« Small grants programme »), des mini-aides de 10 000 dollars (7 250 euros) qui bénéficient souvent à des communautés de femmes, « et qui s’avèrent plus utiles aux populations locales que les projets pharaoniques de la Banque mondiale », affirme-t-elle. Au Pérou, ces subventions permettent aux femmes de gérer, suivre et évaluer leurs terres, de prendre part aux décisions. Au Mali, des ateliers sur les énergies renouvelables enseignent aux femmes les inconvénients environnementaux et sanitaires du bois comme unique source d’énergie, etc.

Anti-novlangue

Monique Barbut n’est pas une technocrate au sens traditionnel du terme. Elle abhorre la novlangue des Nations unies : « “ Capacity building ”, “ country mainstreaming ”… J’exige de mes collaborateurs qu’ils me remettent des papiers que leurs mères seraient capables de comprendre ! » Son DEA de sciences économiques en poche, elle ne fait pas partie du sérail de l’ENA. En France, personne ne la connaît alors qu’elle est l’une des personnalités féminines les plus éminentes au sein de la communauté internationale de préservation de l’environnement, et l’une des femmes les plus haut placées au sein de la Banque mondiale. Il faut dire que le style de cette forte en gueule qui fume comme un pompier ne passe pas dans tous les raouts diplomatiques. « Si quelque chose est complètement débile, je ne vais pas dire que c’est bien. Je ne crois pas aux discours lénifiants comme ceux que l’on nous a servis à Copenhague. Je crois aux convictions et aux actes. »

Sur le sommet sur le climat justement, Monique Barbut a beaucoup à redire. « Disposer de 15 ou 1 000 milliards, ce n’était pas l’enjeu. Il fallait plutôt déterminer les engagements de chacun pour limiter les émissions. Cette priorité a été balayée par une joute où chaque pays s’envoyait des milliards à travers la figure. Cela n’a pas aidé à créer un climat de confiance : les pays en développement ne croient pas une minute que les pays développés vont sortir leurs chéquiers. » En matière environnementale, la spécialiste des financements internationaux est convaincue que l’argent ne peut pas tout. Issue d’un milieu modeste, elle prétend savoir ce que vaut un dollar et ce que représentent 300 000 dollars pour une communauté, sans qu’il soit nécessaire de débloquer des millions. « Si demain, vous me donnez 5 milliards de dollars pour aider les îles Tonga, je ne sais pas faire », dit-elle.

« Elle mouille la chemise »

Née à Safi au Maroc, Monique Barbut a grandi avec sa sœur et son frère à El Jadida, une ville côtière à 100 km au sud de Casablanca. Juifs séfarades, fonctionnaires, ses parents décident de s’installer à Paris, en 1968. L’après-guerre des Six Jours rend le climat marocain peu supportable pour la famille. « En primaire, une fille de ma classe m’a traitée de sale juive, je lui ai collé deux baffes. En rentrant, je raconte cela, toute fière, à ma mère qui se met à me sermonner : “ Tu n’aurais pas dû, on peut aller en prison pour ça… ” Cette anecdote m’en a appris beaucoup sur le sens de la justice. » Bien que douloureux, le déracinement permet au père de créer une entreprise d’électroménager et aux trois enfants de se lancer dans des études supérieures.

Au début des années 1980, la jeune diplômée cherche un stage dans une banque. « Je voulais absolument partir à l’étranger, j’avais soif d’expérience, mais en 1981, les banques n’envoyaient pas de femmes à l’étranger. Je suis entrée par hasard à l’AFD, l’Agence française de développement. » Arrivée le 1er mai 1981, elle décolle le 15 juin pour l’île de La Réunion. « J’étais la deuxième femme que l’AFD envoyait à l’étranger ! » Là-bas, elle rencontre son mari avec lequel elle aura trois enfants. La techno du financement du développement durable reste à l’Agence jusqu’en 2003 et participe activement à la diplomatie environnementale. Membre de la délégation française au Sommet de Rio, en 1992, elle a joué un rôle clé dans la négociation des aspects financiers et a participé à la création du Fonds pour l’environnement mondial.

Aux Etats-Unis, les délégués l’adorent : « Elle a un style très direct, très clair », confie l’un des représentants américains du FEM, tandis que dans les pays du Sud, on respecte ses engagements. « Elle mouille vraiment la chemise », apprécie un délégué africain. Depuis son arrivée à l’institution, les montants des aides accordées au petites îles et aux pays les moins avancés sont passés de 11 % à 19 % du budget global. —


Monique Barbut en dates

1956 Naissance à Safi (Maroc)

1980 DEA de sciences économiques, option finances internationales à Paris I

1981 Rejoint l’Agence française de développement (AFD)

1992 Membre de la délégation française au Sommet de Rio

2003 Directrice exécutive de l’AFD pour les Caraïbes, le Pacifique et l’océan Indien

2006 Directrice générale et présidente du Fonds pour l’environnement mondial

2008 Réélue pour un mandat de trois ans

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Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet.

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