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30-11-2011
Mots clés
Agriculture
Asie Et Océanie

La Nouvelle-Zélande fait son beurre avec le lait

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La Nouvelle-Zélande fait son beurre avec le lait
(Crédit photo : The New York Times - réa)
 
Avec ses 10 000 fermiers, la coopérative Fonterra fixe le cours de l’or blanc dans le monde. Et ses producteurs actionnaires applaudissent. Mais son modèle de développement fait bouillir ses opposants.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Depuis la fin de l’année dernière, les pâturages de Nouvelle-Zélande manquent cruellement d’eau et le cheptel qui s’y nourrit produit moins de lait. Or, le pays fournit les deux tiers de la poudre de lait échangée sur la planète. Pis, les Chinois qui craignent les contrefaçons chez eux s’arrachent cette poudre blanche et les prix aux enchères de Fonterra - qui dicte le prix de référence mondial - flambent. La tonne de poudre de lait entier dépasse aujourd’hui les 5 000 dollars (3 900 euros) la tonne soit 60% de plus qu’au début de l’année, selon RFI.

« It starts here » : tout commence ici. Impossible de manquer ces pancartes qui fleurissent sur le bord des routes de la province de Waikato, le cœur agricole de la Nouvelle-Zélande. Ce slogan, c’est celui de Fonterra. Et ici, Fonterra est partout. Cette coopérative laitière née il y a dix ans est devenue un des acteurs clés du marché international. Sa force, selon son ancien pédégé Andrew Ferrier, ce sont ses « 10 000 fermiers actionnaires ».

Dans l’imagerie populaire, la Nouvelle- Zélande est le pays des moutons. On en compte encore 35 millions – pour 4,4 millions d’habitants –, mais l’industrie ovine est décroissante. Désormais, le business le plus juteux, c’est le lait. Les quelque 5 millions de vaches ont fait du « pays du long nuage blanc » l’un des leaders du secteur au niveau international. La Nouvelle-Zélande s’appuie sur un modèle très particulier : 90 % de la production nationale est réalisée par Fonterra. Grâce à la petite taille du marché intérieur, la coopérative est en mesure d’exporter la quasi-totalité de son lait (95 %), alors que les autres pays producteurs l’écoulent sur leurs propres territoires. Résultat, Fonterra pèse aujourd’hui 40% du commerce international de produits laitiers et dérivés et part à la conquête de la planète entière.

En Asie par exemple, le groupe – de plus en plus présent – orchestre des campagnes de pub avec la chanteuse indonésienne Anggun ou la star du film Tigre et Dragon, Michelle Yeoh. Tous les fermiers néo-zélandais actionnaires ont un numéro d’exploitation Fonterra, affiché devant leur propriété. La journée, le ballet des camions- citernes de l’entreprise ne cesse quasiment jamais. Ils sillonnent le pays, des vastes plaines du Canterbury, sur l’île du Sud, aux collines volcaniques et verdoyantes des environs de Hamilton, sur l’île du Nord, s’arrêtant chez chaque exploitant pour y remplir leurs cuves. Direction ensuite les usines de trans- formation high-tech disséminées dans tout le pays. Le lait y est très majoritairement transformé en poudre, avant d’inonder les marchés asiatique, moyen-oriental, ou nord-américain.

Un climat parfait

James Houghton, 43 ans, est un des producteurs de la coopérative. Le numéro 74 717. Il a acheté sa propriété au cœur du Waikato il y a quatre ans, après avoir obtenu un prêt de 4 millions de dollars néo-zélandais (2,3 millions d’euros). Aujourd’hui, son troupeau compte 500 vaches – la moyenne est de 360. Debout à 4 h 45 tous les matins pour la traite, il ne se plaint pas. La météo locale lui facilite grandement le boulot. « Il n’y a pas de grands froids ici donc pas besoin de construire d’abris. Mon cheptel est dehors toute l’année. » De quoi faire de belles économies.

Au pays des kiwis, le climat est parfait pour l’élevage : humide mais doux, alternant pluie et soleil. Résultat, l’herbe pousse à foison, ce qui limite le recours aux engrais et aux compléments alimentaires. Les rendements néo-zélandais sont inférieurs à ceux d’Europe : 3,5 millions de vaches françaises produisent 22,8 millions de tonnes de lait par an ; 4,4 millions de vaches néo-zélandaises génèrent 16,5 millions de tonnes d’or blanc). Mais les coûts de production sont bien plus bas. De plus, les éleveurs sont encouragés à se conduire comme des chefs d’entreprise, en surveillant les cours du lait et en acquérant les dernières technologies. Ici, point d’argent public.

Les agriculteurs, qui avaient manifesté massivement contre la fin des subventions en 1985, ont revu leur jugement. Ils considèrent désormais les Européens et les Américains comme des concurrents et des assistés. A 20 000 km de là, en France, la vache kiwi fait peur. « Une variation de la production en Nouvelle-Zélande a des conséquences directes sur les prix du lait », rappelait en 2010 le ministre de l’Agriculture Bruno Le Maire. Ainsi, en 2007, année de sécheresse aux antipodes, la production s’effondre de 10 % et les cours mondiaux s’envolent. L’année suivante, elle reprend de plus belle, ce qui provoque une brusque chute des prix. Quelques mois plus tard, les producteurs français sont dans la rue. Leurs concurrents néo-zélandais, ultra-compétitifs, bénéficient d’un prix de revient imbattable. En moyenne, ils facturent le litre de lait deux fois moins cher que leurs homologues français.

Un modèle aux effets pervers

« La Nouvelle-Zélande est le seul pays au monde où les fermiers sont payés de manière juste », juge James Ritchie, secrétaire national du syndicat néo- zélandais des travailleurs du secteur laitier. Au point de susciter quelques jalousies... « Les gens nous voient comme des millionnaires », commente James Houghton. Le producteur laitier ne nie pas disposer de revenus confortables, mais pointe l’importance des investissements qu’il a dû consentir. D’abord, l’achat des parts sociales de Fonterra pour devenir membre de la coopérative. « J’ai dû engager 700 000 dollars néo-zélandais (395 000 euros, ndlr)  », détaille-t-il.

Ces parts dépendent des volumes de lait livrés à la maison mère. Reste ensuite à acquérir le terrain. En Nouvelle-Zélande, le prix du foncier a explosé. De plus en plus, les jeunes agriculteurs sont obligés de s’associer pour devenir propriétaires. Leur plus- value, ils la réaliseront sur la revente de leur exploitation... si la bulle n’explose pas d’ici là. Car le modèle n’est pas parfait. Il a même ses effets pervers.

Selon Simon Boxer, de Greenpeace Nouvelle- Zélande, « les fermiers sont extrêmement endettés ». Pour tenir son objectif d’une croissance de la production laitière de 3 % par an, Fonterra pousse la logique à son maximum. Les dégâts sur l’environnement s’aggravent (lire encadré). Mais à plus long terme, c’est l’avantage comparatif de la Nouvelle- Zélande qui est menacé, d’après Simon Boxer : « Cette stratégie fonctionne, à condition que les concurrents ne fassent pas la même chose. L’Amérique du Sud est une grande menace car les producteurs ont des exigences sociales et environnementales moins élevées. » Le responsable de Greenpeace pointe du doigt le plan de développement de l’entreprise. « Fonterra est devenu un conglomérat multinational. L’entreprise a une stratégie business qui ressemble à celle de Nestlé. Elle se focalise moins sur les produits finis – beurre, fromages – que sur la poudre de lait, aliment sur lequel il y a beaucoup moins de barrières douanières. Résultat, puisqu’on met tout notre lait sur le marché des matières premières, il n’y a plus de valeur ajoutée. »

Pas d’entrée en bourse

Mais le fonctionnement de Fonterra satisfait encore largement ses fermiers-actionnaires. « On a accepté de croître moins vite. En contrepartie, on veut garder le contrôle à 100 % », confie James Houghton. Comme les autres producteurs, il s’oppose systématiquement aux projets de la direction d’entrer en bourse pour lever massivement des capitaux. « On a vu comment certaines coopératives au Royaume-Uni ou en Irlande ont été privées de tout pouvoir de décision. »

Mais les consommateurs néo-zélandais, eux, commencent à croire qu’on les prend pour des vaches à lait. Dans leur viseur, le prix de l’or blanc dans les supermarchés, qu’ils jugent exorbitant. Une critique reprise par les rares concurrents de Fonterra, qui dénoncent sa situation quasi monopolistique et ses relations incestueuses auprès des autorités. Quand on pèse 10 % du produit intérieur brut du pays et 25 % des exportations, on jouit en retour d’un pouvoir d’influence non négligeable sur les décideurs... Entre devenir une ferme géante et conserver son image de paradis vert pour touristes, la Nouvelle-Zélande devra bientôt choisir.


Fonterra pas tout blanc avec la planète

La puissance de Fonterra ne fait pas que des heureux. Les associations environnementales dénoncent l’impact de l’activité laitière en Nouvelle-Zélande. La coopérative est le premier émetteur de CO2 du pays, et incite ses fermiers-actionnaires à recourir à des méthodes de plus en plus intensives, notamment par l’importation de compléments alimentaires pour augmenter les rendements.

Les exploitants sont encouragés à solliciter davantage leurs terres, comme l’explique Simon Boxer, de Greenpeace : « Il y a vingt ans, c’était deux animaux par hectare. La moyenne est de trois aujourd’hui, et certaines des nouvelles fermes vont de quatre à cinq. Le sol seul ne peut nourrir autant d’animaux. Il faut des suppléments alimentaires, des fertilisants... L’utilisation de l’huile de palme vient de là : ça permet de produire plus et d’étendre les saisons. »

L’élevage est aussi encouragé dans des régions jusque-là jugées peu propices. Fonterra est partie prenante du consortium Pastoral Genomics, qui investit dans des recherches sur de l’herbe génétiquement modifiée. L’objectif : apporter plus de protéines et mieux résister à d’éventuelles sécheresses. Autre critique, celle d’une perte d’éthique liée à la tentative de conquête de marchés dans les pays en développement. Fonterra achète des terres en Chine pour les convertir à moindre frais à l’exploitation laitière. Et produire au plus près du marché.


Fonterra en chiffres

Chiffre d’affaires annuel : 9 milliards d’euros

Producteurs actionnaires : 10420

Nombre d’employés : 16400

Parts de marché sur le secteur du lait en poudre : 40%

Burgers et sandwichs fourrés avec du fromage Fonterra : 700 millions par an

Montant total des exportations de lait néo-zélandais : 5,5 milliards d’euros en 2006 dont 290 millions d’euros vers l’Union européenne

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François Mazet est un journaliste de 27 ans. Il travaille pour RFI. Sylvain Mouillard a 25 ans, il est passé par Libération.fr. Membres fondateurs du magazine du Grand Paris Megalopolis, ils sont partis en Nouvelle-Zélande à l’occasion de la Coupe du monde de rugby. Durant cette période, ils ont notamment collaboré avec RFI, RMC, Libération et Slate.fr.

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