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3-07-2008
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Energies
France

L’homme qui a senti le vent tourner

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L'homme qui a senti le vent tourner
 
Il y a vingt-cinq ans, Jean-Michel Germa faisait du porte-à-porte pour convaincre les maires d’installer des éoliennes. Son entreprise, la Compagnie du vent, vient d’être rachetée par Suez. Elle est estimée à 700 millions d’euros.
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Mise à jour du mercredi 15 juin 2011 : Le tribunal de commerce de Montpellier a confirmé le sort de Jean-Michel Germa. Mais l’ex-président de la Compagnie du Vent, un opérateur de parcs éoliens racheté en 2007 par GDF Suez, entend bien faire appel. Terra eco l’avait rencontré en 2008.

Jeune homme, Jean-Michel Germa voulait fabriquer des navires. Il est finalement devenu constructeur d’éoliennes. Et c’est les pieds sur terre que le Montpelliérain de 56 ans a gagné ses galons. Fin 2007, l’énergéticien Suez, mastodonte du CAC 40, est entré à hauteur de 56,8 % dans le capital de sa PME, la Compagnie du vent, qui exploite onze parcs éoliens en France. Lorsqu’à l’automne dernier, son actionnaire principal, le groupe de BTP espagnol Acciona, a annoncé son départ, plus de trente grosses entreprises ont appelé son bureau dans la zone industrielle de l’aéroport de Montpellier. Pas de quoi étonner Jean-Michel Germa : « Le fait que de grands groupes qui sont les acteurs de la politique énergétique mondiale considèrent désormais que l’éolien est bon pour leur business, c’est une consécration absolue de cette énergie. »

Visser les boulons

Dans les années 1980, lorsque ce docteur en physique, spécialisé en mécanique des fluides, s’intéresse au vent, il est seul, mais convaincu. C’est aux Etats-Unis, pour le compte de la Régie électrique des chutes du Niagara, qu’il fait ses premières armes sur l’éolien. Il en reste une étude, dactylographiée à l’ancienne, qui l’a suivi dans tous ses déménagements.

Le pédégé la sort d’un placard de son bureau et la soupèse d’un sourire amusé. « Les Américains n’en ont rien fait. Mais quand je suis revenu, j’en savais plus que tout le monde car il s’agissait d’un parc de 100 mégawatts. Or, à l’époque, personne n’avait travaillé à cette échelle. En France, on parlait alors de 1 mégawatt. »

Dans la France mitterrandienne de la fin des années 1980, on commence à peine à s’intéresser à l’énergie du vent. Jean-Michel Germa part à la pêche aux subventions pour monter la première éolienne française reliée au réseau électrique. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et l’Europe lui en donnent les moyens. Le maire de Port-la-Nouvelle (Aude) lui apporte sa bénédiction. « On a quasiment vissé les boulons nous-mêmes… », se souvient Jean-Michel Germa. EDF avait choisi ce même site moins d’une décennie auparavant pour installer une centrale nucléaire, mais le projet fut rejeté par la population. « Monsieur Germa n’a pas eu beaucoup d’efforts à fournir pour me convaincre, se souvient Louis-Bernard Davidovici, ancien maire aujourd’hui à la retraite. Son projet allait bien au-delà de la simple production d’énergie, c’était symbolique pour une région qui avait refusé le nucléaire ! »

La belle hélice à pales – 200 kilowatts, un rotor de 25 m de diamètre, 40 m de haut – est inaugurée en grande pompe par le ministre de l’Environnement de l’époque, Brice Lalonde. « Je vois encore un ingénieur d’EDF me dire : “ Votre machine ne tiendra pas. Dans quinze jours, on la ramasse par terre ” », mime Jean-Michel Germa. Après dix-sept ans d’activité, la doyenne tourne toujours. L’apprenti entrepreneur aurait pu s’arrêter là. « Mon rêve était atteint. Et à l’époque, je n’imaginais pas du tout ce que l’énergie éolienne allait devenir », aime-t-il à raconter.

En bon capitaine de navire, Jean-Michel Germa détaille les caps qu’il a franchis à la tête de la Compagnie du vent. En 1993, la PME emporte « à la régulière » un appel d’offres international au Maroc face aux gros électriciens du monde entier. Le parc de 50 mégawatts est destiné à produire 2 % de la consommation électrique du pays. « Le jour où nous avons appris la nouvelle, j’ai failli m’évanouir. Nous n’étions que trois dans la boîte et n’avions même pas assez d’argent pour passer les coups de fils internationaux. Il nous fallait trouver 60 millions de dollars en quelques mois pour réaliser le projet. On a risqué la faillite dans cette affaire. » Sept ans sont nécessaires pour mettre en route l’installation qui confère à la Compagnie du vent ses lettres de noblesse. « Ce fut un projet extraordinaire, nous sommes entrés dans la cour des grands. »

Mais c’est surtout dans son Sud qu’il apprend à trouver le vent et les arguments pour bâtir ses éoliennes. Avec en poche, des cartes d’état-major, une boussole et un canevas de relevés, il rencontre les maires, les propriétaires de terrain, les paysans, serre des centaines de mains et trinque autant de fois. « Je crapahutais toute la journée », raconte-t-il avec un brin de nostalgie.

Sous la table transparente de son bureau monochrome, d’élégants mocassins souples en cuir fauve ont remplacé les chaussures de marche. Avec les années et le développement de la Compagnie du vent, Jean-Michel Germa a dû apprendre à frapper plus souvent à la porte des ministères qu’à celles des conseils municipaux et des fermes de l’Aude.

Tracasseries administratives

Mais de ses années de « randonnée professionnelle », le pédégé a rapporté quelques certitudes. Par exemple qu’un immense fossé sépare l’enthousiasme des campagnes du scepticisme des élites, largement influencées, selon lui, par le lobby du nucléaire. « Dans l’Aude, on me disait : “ On n’a que du vent ici, on n’en fait rien. Pourquoi ne venez-vous qu’aujourd’hui ? ” Et je parle de communes de 50 habitants dans lesquelles il ne s’est rien passé d’un point de vue industriel depuis l’exode rural ! », s’enflamme-t-il.

A ses yeux, cet engouement n’aurait d’ailleurs pas varié d’un iota : « La seule différence, c’est que l’éolien est devenu une industrie lourde et que les pionniers comme moi ne vont plus sur le terrain. » Passé des chemins creux aux couloirs des institutions, l’entrepreneur égrène ses doléances, nombreuses : tracasseries administratives, complexification des procédures. « Aujourd’hui, en France, il est plus difficile de construire un parc éolien que de monter n’importe quelle installation polluante », tonne-t-il. Et les propositions du Grenelle de l’environnement menaceraient de dépouiller les élus locaux de leurs compétences en ce domaine pour les transférer à l’Etat. A l’écouter, l’avenir de l’éolien français serait gravement menacé.

« Cette énergie est pourtant inéluctable. » Cette conviction chevillée au corps, la PME a fait des « réserves » pendant trois décennies. Les années maigres ont servi de repérage. « Lorsque nous avions un projet prêt, la réglementation ou le manque de fonds ne nous permettaient pas de le réaliser, explique le pédégé. Mais on a continué d’investir, on a embauché des ingénieurs, acquis des droits fonciers, des droits de raccordements électriques. On a stocké et maintenant, on déstocke ! » Au-delà de la société de 90 salariés, pour 11,3 millions d’euros de chiffre d’affaires, Suez vient de se payer un portefeuille bien garni pour les quinze prochaines années.

L’Europe s’est en effet engagée à ce que les sources d’énergies renouvelables atteignent 20 % de la quantité totale d’énergie consommée dans l’UE d’ici 2020. Calculette en main, Jean-Michel Germa fait les additions. « La France devra installer 25 000 mégawatts d’énergie éolienne, soit 6 réacteurs nucléaires EPR en termes de production d’énergie. La seule capable de répondre à ce défi de manière durable, industrielle et compétitive pour les dix prochaines années, c’est l’éolien. Comment la France pourrait-elle rester à l’écart ? », s’exclame-t-il.

Un rapport encore confidentiel

Dans le coffre-fort de la Compagnie du vent attendent 6 500 mégawatts de projets de parcs, nécessitant 2 milliards d’euros d’investissements. Le pédégé montpelliérain a expliqué à Gérard Mestrallet, patron de Suez, qu’il ne réaliserait probablement qu’un projet sur cinq d’ici à 2015, ce qui représentera 6 % du marché national. A cette date, peu de lieux seront encore aménageables à l’échelle industrielle dans l’Hexagone. « En France, pour ce qui est de l’éolien, la messe est dite : la plupart des sites ont été découverts », reconnaît Jean- Michel Germa. La Compagnie du vent vient de créer une direction dévolue à la prospective internationale. Les futures zones d’exploration ont été listées, en coordination avec Suez, dans un rapport encore confidentiel.

Jean-Michel Germa s’enthousiasme déjà pour d’autres terrains, quasi vierges. « Ce qui s’est passé pour l’éolien se passera dans dix à quinze ans pour le photovoltaïque. Chaque maison est susceptible de devenir un centre de production d’énergie. Ce marché s’annonce très supérieur à celui de l’éolien mondial. » Il compte faire la proposition à son nouveau patron. Pas fou, le pionnier a depuis longtemps déposé la marque la Compagnie du soleil. « On a la stratégie du long terme mais aussi le souci du détail. Car comme vous le savez, le diable se niche dans les détails. »


L’Europe reste pâle

En mars 2007, les dirigeants européens se sont engagés à augmenter la part des énergies renouvelables dans « la consommation d’énergie finale de l’Union européenne, de 8,5 % à 20 % ». D’après l’European Wind Energy Association, l’éolien ne répond encore qu’à 3,7 % des besoins d’électricité de l’UE. Pas assez certes, mais, en moins d’une décennie, l’évolution est spectaculaire. Ce secteur ne représentait que 0,9 % du total en 2000 ! Tous les Etats membres ne partent pas du même niveau.

L’année dernière, c’est l’Espagne qui a donné un coup d’accélérateur en installant 3 522 mégawatts supplémentaires, la plus importante capacité jamais installée en Europe en un an. Désormais, de l’autre côté des Pyrénées, 11 % de l’électricité du pays provient de l’éolien. En France en revanche, l’éolien ne représente que 1,21 % de la consommation électrique. L’Hexagone (2 454 mégawatts installés) arrive loin derrière des pays tels que l’Allemagne ou le Danemark. L’Allemagne dispose de 22 247 mégawatts éoliens assurant 7 % de sa consommation électrique totale. Le Danemark, petit pays, ne dispose que de 3 125 mégawatts, mais produit de cette manière 21,22 % de sa consommation électrique nationale. Même mouvement de l’autre côté de l’Atlantique puisqu’en 2007, le parc d’éoliennes aux Etats-Unis a augmenté de 42 % pour atteindre 16 800 mégawatts, selon l’American Wind Energy Association. Mais l’Oncle Sam part de loin, car l’éolien ne représente aujourd’hui que 1 % de la production énergétique totale du pays.

- Le site de Ewea
- Le site de Awea

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