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7-02-2014
Mots clés
Santé
France
Interview

« L’environnement nous fait vivre plus longtemps… mais finit par nous tuer ! »

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« L'environnement nous fait vivre plus longtemps… mais finit par nous tuer ! »
(Aérophile SA - Wikimedia)
 
Quel est le lien entre cancers et qualité de l'eau ou de l'air ? Réponses de Thierry Philip, cancérologue, après le lancement par le président François Hollande du 3e plan consacré à la maladie.
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Thierry Philip est professeur de cancérologie. Il dirige le département Cancer et environnement / Economie de la santé du centre Léon-Bérard, à Lyon. Il est également élu PS Rhône-Alpes.

Terra eco : Le terme « environnement » n’a été prononcé qu’une seule fois par le président François Hollande à l’occasion de son discours de présentation du troisième plan cancer (2014-2019), ce mardi. Les associations environnementales sont déçues. Et vous ?

Thierry Philip : Plutôt qu’aux paroles, je m’intéresse aux écrits. Et je constate que la recommandation 12 du 3e plan cancer (voir page 97, ndlr) est de prévenir les cancers liés au travail ou à l’environnement. Elle aborde plutôt bien le sujet dans sa globalité. Mais maintenant, il faut qu’une partie du budget du plan, doté de 1,5 milliard d’euros sur cinq ans, soit fléché vers cet objectif. A mon sens, les associations devraient surtout faire campagne pour s’assurer que ce sera bien le cas.

Vous estimez que la relation entre cancer et environnement nous expose à un paradoxe. Lequel ?

Depuis le début du XXe siècle, l’environnement – que j’entends comme l’eau qu’on boit, l’air qu’on respire, la nourriture qu’on avale, le sol sur lequel on marche, etc. –, y compris l’environnement au travail, nous fait gagner cinq ans d’espérance de vie tous les 20 ans. L’environnement nous est donc, globalement, favorable. Mais on constate par ailleurs l’augmentation du nombre de cancers, à tel point que certains ont évoqué une « épidémie de cancers ». De plus, si l’espérance de vie continue à augmenter, l’espérance de vie en bonne santé stagne, et l’on sait que la courbe va finir par décliner.

Y a-t-il vraiment une épidémie ?

La moitié de la hausse du nombre des cancers s’explique par la démographie croissante et par le vieillissement de la population. Sur les 50% restants, le cancer qui augmente le plus chez les hommes est essentiellement celui de la prostate. Chez les femmes, c’est le cancer du sein. Ces hausses s’expliquent à la fois par le dépistage organisé, mais aussi par l’exposition aux perturbateurs endocriniens, car ces deux cancers sont hormono-sensibles. Et le problème des hormones, c’est que cela nous oblige à repenser la dose.

C’est-à-dire ?

Classiquement, on réfléchit en forte dose ponctuelle au-delà de laquelle on voit apparaître des cas de cancer. Comme lors d’accidents nucléaires ou sur des sites classés Seveso. Mais, si l’on prend en compte l’environnement ambiant dans la survenue des cancers se pose la question de la petite dose, celle que l’on reçoit de manière continue pendant toute la vie. Or, les scientifiques ont formulé l’hypothèse que ces petites doses issues de nombreux facteurs de notre environnement finissent à la longue par altérer un gène, le P53, qui pousse normalement les cellules malades au suicide. Résultat : ces cellules malades vivent et se développent. En somme, si notre environnement nous est favorable, s’il nous fait vivre de plus en plus longtemps, il finit par nous tuer !

Combien de cancers sont imputables à l’environnement ?

Si on ôte ce qui relève du comportement individuel, comme la consommation de tabac, d’alcool ou l’exposition au soleil, et qu’on ne garde que l’eau, l’air, la nourriture ou le travail, on estime que l’environnement est responsable de 5% à 20% des cas de cancer. Je pense que 10% est le pourcentage le plus probable. 10%, c’est autant que le nombre de cancers héréditaires, c’est très important.

Un fumeur peut s’arrêter de fumer. Mais comment se prémunir contre ces mini-doses de particules fines dans l’air, de pesticides dans les aliments, de perturbateurs endocriniens dans les crèmes ?

C’est horriblement compliqué, car rien n’est monofactoriel. Et il est vrai que, bien plus que l’eau du robinet que nous consommons, l’air que nous respirons pose problème. Cela dit, les plus fortes pollutions de l’air ne viennent pas toujours d’où l’on croit. A Lyon, par exemple, le problème n’est pas tant le diesel – aujourd’hui quasi rien ne sort des filtres à particules – ou les incinérateurs que les feux de cheminée des maisons individuelles qui dégagent des dioxines. Vient ensuite la circulation des camions et les usines. Mais on ne va pas arrêter l’économie française pour mieux respirer.

Comment la société accepte-t-elle ces risques ?

Tout dépend de la perception individuelle qu’en a chacun. Un exemple qui m’a toujours frappé : José Bové arrachant des OGM une pipe à la bouche. Un milliard de personnes vont mourir du tabac dans le monde au XXIe siècle. Combien des OGM ? Aucune idée, mais s’ils étaient aussi dangereux que le tabac, ça se saurait. Cette image de José Bové illustre bien que la perception individuelle du risque. Il sait qu’il en prend un en fumant, mais il prend la liberté de l’accepter. Alors que les OGM sont un risque imposé, et ça lui est insupportable. Si le risque démontré est un risque qui laisse la liberté de le prendre ou pas, alors la société considère que c’est à chacun de prendre ses responsabilités. Avec l’environnement, tout le monde subit.

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