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2-12-2015
Mots clés
Energies
Climat
Inde
Eclairage

L’Inde, vilain petit canard des négociations climat ?

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L'Inde, vilain petit canard des négociations climat ?
(Crédit photo : COP PARIS - Flickr)
 
Pour certains, c'est le pays qui refuse de laisser le charbon dans son sol, de réviser ses ambitions tant que l'argent ne sera pas sur la table… L'Inde est devenue, comme la Chine à Copenhague, le bouc émissaire. Est-ce justifié ?
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Sa position est ferme. Pas question pour le moment de fixer un objectif de réduction d’émissions de gaz à effet de serre en termes absolus. Elle préfère promettre de réduire l’intensité carbone de son PIB de 35% d’ici à 2030 par rapport à 2005 (voir sa contribution nationale en PDF). Pas question non plus de signer les yeux fermés en faveur du « mécanisme de l’ambition » qui prévoit une révision des objectifs tous les cinq ans ou d’accepter bras ouverts la vérification de ses efforts. L’Inde n’est – en ces premiers jours de négociations parisiennes – pas le pays qui pousse vers un accord des plus ambitieux. Aussi s’attire-t-elle largement les critiques de ses pairs et, parfois, des médias.

D’autant qu’elle compte un autre point noir à son bilan : le charbon. Si le pays dispose aujourd’hui d’une capacité installée de 205 gigawatts (GW) (60% de sa capacité électrique) (1), il compte bien engouffrer plus avant ses deniers vers l’or gris et augmenter sa capacité de 170 à 200 GW d’ici à 2022. « L’engagement persistant de l’Inde à vouloir développer sa production d’électricité par le charbon est déroutante. Le développement des centrales au charbon va freiner les perspectives de développement de l’Inde », estimait un communiqué de Greenpeace publié au début du mois d’octobre. Une voie qui pourrait aggraver le bilan du pays : l’Inde est aujourd’hui le troisième pays le plus émetteur dans le monde (2,4 milliards de tonnes de CO2 émises en 2013 mais seulement 1,7 tonne de CO2 par habitant contre 17 pour les Etats Unis et 5,2 pour la France). « Le discours tenu par le gouvernement indien est assez dur. Ils disent : “On ne touchera pas à notre charbon, c’est notre droit, notre budget carbone”, souligne Célia Gautier, du Réseau Action Climat. Et ce, même s’ils ont fait quelques pas en direction de l’élimination progressive des subventions aux énergies fossiles et d’une taxe carbone. Mais celle-ci est encore trop insuffisante pour décourager la construction de centrales. »

De l’électricité pour tous les Indiens

Mais si l’Inde est si intransigeante c’est qu’elle a, en ligne de mire, une priorité : donner accès à une électricité sûre et constante à ses habitants et, du même coup, assurer son développement. « 300 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité, a précisé Krishnaswamy Srinivas, président de la fondation indienne Vasudha, lors d’une conférence de presse tenue dans l’enceinte du Bourget. L’Inde envisage toutes les options pour sécuriser son futur énergétique et s’assurer que tous ses citoyens aient accès à de l’électricité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 » « Nous espérons que le gouvernement Modi se détache des énergies fossiles plus vite, a bien précisé Sanjay Vashist, directeur de Climate Action Network Asie du Sud au sortir de la même conférence. Mais demander ça maintenant, nous ne pouvons pas. On ne peut pas réclamer des choses irréalisables. Nous accueillons en revanche l’annonce des 175 gigawatts. » 175 gigawatts ? C’est l’objectif que l’Inde a mis sur la table en matière de développement d’énergies renouvelables. Et ce n’est pas rien : avec ce chiffre, elle propose tout bonnement de multiplier par cinq sa capacité installée (35 GW aujourd’hui) en 2022. Elle promet aussi de produire 40% de son électricité à partir de sources non fossiles à l’horizon 2030.

Mais pour aller plus loin, il faudra que le monde développé fasse sa part : en matière de financement ou de transfert de technologies pour l’accompagner au fil de sa transition énergétique. Or, « si vous regardez les progrès des négociations, il y a très peu d’argent sur la table… ou de coopération technologique », a souligné Sanjay Vashist devant des journalistes réunis dans un couloir. « Alors demander à l’Inde de fixer une date où ses émissions atteindront un pic (comme l’a fait la Chine, ndlr) ou de sortir une échéance pour la réduction du charbon ne serait pas justifié. » « C’est un dilemme, concède Sanjay Vashist. L’Inde doit réussir à suivre un chemin différent de celui qu’ont très confortablement emprunté les pays développés. Et en plus elle doit protéger ses habitants. Et pour résoudre ce dilemme, l’Inde doit tisser un partenariat avec les pays développés. »

Ni les Etats-Unis, ni le Burkina Faso

Car l’Inde n’est pas un pays développé. Aussi son traitement doit-il être différent. C’est le principe maintes fois rebattu de la « responsabilité commune mais différenciée » qui fait peser sur les épaules des pays riches le poids des émissions déjà émises. « Les Etats-Unis voudraient s’en débarrasser pour que le groupe des pays qui s’engagent à réduire leurs émissions grossisse », souligne Célia Gautier. Pas question pour le Premier ministre indien, Narendra Modi, de faire ainsi table rase du passé. « Pour l’Inde, le budget carbone qui reste doit être réservé aux pays en développement », précise Célia Gautier. Tant qu’il n’y a pas le contexte nécessaire – financement vers le Sud, différenciation, moyens explicités pour arriver aux objectifs, répartition du budget carbone –, l’Inde n’est pas prête à prendre de nouveaux engagements. Leur inquiétude, c’est de mettre le doigt dans un engrenage d’un accord durable et ambitieux sans que les riches ne fassent leur part du boulot. »

Le souci, c’est que l’Inde n’est pas non plus le Bangladesh ou le Burkina Faso « Elle ne peut pas exiger les mêmes montants en terme de financement public pour sa transition énergétique », poursuit la spécialiste du RAC. Le Premier ministre l’a bien compris, qui tente d’attirer aussi les financements privés. C’était tout l’objectif de l’Alliance solaire internationale lancée en grande pompe ce lundi, en parallèle des négociations du Bourget, à l’initiative de l’Inde. Une alliance qui se veut une plateforme de coopération entre des pays développés disposant de technologies dans le solaire et des pays riches en énergie solaire mais manquant de fonds pour investir dans cette énergie. 120 pays – dont de nombreux pays africains et latino-américains – forment cette alliance soutenue, très opportunément, par la France. « Ce serait une façon de répondre à leurs attentes. Mais est-ce que ça suffira ? Probablement pas. Modi est venu, il faut qu’il rentre la tête haute. Il faut qu’il vende à son pays ce qu’il a obtenu à Paris », selon Célia Gautier.

Une chose est sûre pour l’experte : « Il ne faut pas faire de l’Inde le bouc émissaire. Ça pénalisera tout le monde. Notamment les pays les plus vulnérables, dont l’Inde porte aussi les revendications. » « L’histoire d’équité n’est pas seulement valable pour l’Inde, abonde Pierre Cannet du WWF. Il ne s’agit pas d’adopter la stratégie du laisser faire mais de reconnaître le chemin qui a été fait par chacun et ce qu’il reste à faire. Se braquer ainsi sur l’Inde, c’est éviter de répondre à d’autres questions. Car l’Inde remet au centre des choses fondamentales, comme l’équité. » Et de poursuivre : « La Chine avait subi un bashing important à Copenhague. En 2013-2014, elle se retrouve championne des renouvelables. Le vilain petit canard est devenu un champion. L’Inde a la possibilité de prendre la même voie, mais avant elle veut que les autres pays s’engagent. »

(1) Source : ministère australien de l’Industrie

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  • Article intéressant en effet... Mais attention à ne pas faire l’amalgame entre les vraies technologies et celles qui ne sont que des mythes... Il faudrait pour cela prendre ce qu’on lit avec des pincettes... Ce qui est sûr et certain, c’est que si une technologie pareille sera autorisée et verra le jour, elle viendra de l’Asie ! L’Europe est dans un bourbier énergétique qui va encore durer longtemps.

    9.01 à 11h33 - Répondre - Alerter
  • Merci Darna pour le lien vers cet article sur ce generateur d’energie indien dont je n’ai jamais entendu parler. S’il marche si bien, pourquoi ne fait-il pas la une des medias du monde entier ? pourquoi n’est-il pas au centre de la COP21 sachant que sortir de la dependance totale au petrole pourrait regler tant de problemes ? Questions naives bien sur mais ne meritent-elles pas d’etre posees ?
    Un autre point de vue sur le lancement de l’alliance solaire dans The Guardian (en anglais) :
    http://www.theguardian.com/environm...

    3.12 à 14h17 - Répondre - Alerter
  • L’Inde a raison.
    On sait parfaitement faire des centrales à charbon qui éliminent totalement les fumées qui posent tant de problèmes.
    Reste le CO2, or son implication dans le réchauffement n’est en rien prouvée, bien au contraire. Donc la motivation écologique n’est pas là.
    Donc les pays dans cette situation ont deux discours : soit ils demandent de l’argent (beaucoup) pour développer le solaire et l’éolien, cher et limité, soit ils construisent des centrales au charbon ou nucléaire.

    3.12 à 10h01 - Répondre - Alerter
  • l’Inde autorise la technologie de l’énergie libre malgré la menace du Royaume Uni, des états unis et de l’Arabie Saoudite.
    En anglais seulement : http://beforeitsnews.com/eu/2015/09...

    Affaire déjà étouffée pour ne pas déranger la farce COP21 ?

    3.12 à 09h36 - Répondre - Alerter
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