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26-01-2011
Mots clés
Santé
Consommation
Alimentation
France

L’Hexagone sur la balance

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L'Hexagone sur la balance
(Crédit photo : Patrick Allard / Rea)
 
La France pousse un ouf de soulagement. Selon la dernière étude nationale sur l’obésité, elle ne fait pas exploser les compteurs. Mais le bon élève a de quoi flipper : de génération en génération, on devient obèse de plus en plus jeune. Enquête au milligramme.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Appelons-la Juliette. Disons qu’elle a 28 ans. Elle est infirmière intérimaire et mesure 1,60 m pour 95 kg. Vous croyez tout savoir sur son poids, l’obésité et les obèses ? Les causes, les conséquences et les solutions. Vous vous dites qu’au fond, il suffirait d’un peu de volonté de sa part pour que ses kilos en trop s’envolent. Ou bien que les industriels arrêtent de lui vendre des cochonneries à tous les rayons. Eh bien, vous vous trompez sûrement. Et Juliette, elle, est paumée. Son médecin, d’ailleurs, n’est pas beaucoup plus avancé. En effet, l’obésité n’est pas une maladie comme une autre. Et c’est un domaine où les clichés font des ravages. Voici quelques munitions pour tenter d’en venir à bout.

Est-ce une maladie ?

Depuis que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a lâché le mot « épidémie » en titre d’un rapport sur l’obésité en 1998 (1), plus personne n’en doute : la question est médicale. Le texte détaille toutes les maladies provoquées par l’excès de poids : diabète, pathologies cardiovasculaires, certains cancers (ceux liés à des troubles hormonaux et ceux du côlon), hypertension, apnée du sommeil, infécondité… Mais rappelons que bon nombre de sociétés ont regardé les gros avec d’autres yeux. Au Moyen-Age, par exemple, raconte l’historien Georges Vigarello dans Les Métamorphoses du gras, on aimait les clercs quand ils étaient « gros et gras ». En cette période de famines, l’embonpoint était symbole d’« opulence », de « prestige ». Tout comme elle l’est encore dans les pays en voie de développement. Soit tout le contraire d’une maladie.

Comment est-elle calculée ?

Les lectrices de magazines féminins ont toutes entendu parler de l’Indice de Masse Corporelle (IMC). Pour l’obtenir, il faut diviser son poids (en kg) par sa taille au carré (en m), soit IMC=P/T2. Selon l’OMS, Juliette serait classée en « obésité sévère ». ça y est, vous vous êtes déjà précipité sur votre calculette ou sur Internet où un tas de sites font la division pour vous. Et selon que vous êtes dans l’une ou l’autre colonne, vous en tirez des conclusions plus ou moins alarmantes. Halte-là. Le professeur Arnaud Basdevant, chargé de piloter, depuis le printemps 2010, le plan obésité gouvernemental, relativise. « Cette définition de l’obésité, fondée sur une relation statistique épidémiologique entre IMC et pathologie, a un intérêt majeur en termes de santé publique : définir des populations à risque et situer les enjeux médico-économiques, écrit le chef du service de nutrition à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Mais cet indice connaît des limites, en particulier lorsque l’on cesse de considérer les populations pour s’intéresser à l’individu. » Exemple : un rugbyman et un bodybuilder feront exploser les compteurs, mais ils n’ont pas de problème de poids. Autre exemple : il y a plus de risques médicaux si les capitons s’accumulent dans la partie supérieure du corps. Par ailleurs, chez les enfants, avec leurs jolis bourrelets de bébés qui laissent place à de la maigreur quelques années après, l’indice n’est pas pertinent. Une solution, reprise un peu partout dans le monde depuis 2000, consiste pour les moins de 18 ans à comparer l’IMC d’un individu avec ceux de sa classe d’âge sur une courbe. Suggestion pour les magazines féminins : et si on laissait l’usage de l’IMC aux statisticiens ?

Une exception française ?

Regardons d’abord le verre à moitié plein. La France est loin derrière les pires élèves. Sa tradition culinaire semble l’avoir préservée pour un temps de l’épidémie. En 2009, 14,5 % des Français sont obèses et 31,9 % en surpoids, selon l’enquête Obepi-Roche, menée tous les trois ans depuis 1997. C’est moitié moins qu’aux Etats-Unis, qui comptent plus de 30 % d’obèses, tout comme le Royaume-Uni. Et la lecture des chiffres concernant les enfants rend encore plus optimiste. L’obésité concerne à peine plus de 3,5 % de nos 3-17 ans, selon la dernière étude « nutrition et santé » menée en 2006, quand on en compte le double au Royaume-Uni et plus de 13 % aux Etats-Unis.

Mais on peut aussi regarder le verre à moitié vide. Ce qui inquiète les analystes, c’est moins le curseur actuel que sa courbe. Depuis douze ans, l’obésité augmente de 5,9 % par an en moyenne, ce qui nous ferait atteindre le niveau actuel des Etats-Unis dès… 2020. On constate aussi que « de génération en génération, on devient obèse de plus en plus jeune ». 10 % des quinquagénaires Français sont obèses. Or, ce pourcentage est d’ores et déjà atteint chez les trentenaires.

Une maladie de pauvres ?

Pas seulement, affirment les rédacteurs de l’enquête Obepi : « On note, en 2009, une augmentation de la prévalence de l’obésité dans toutes les catégories socioprofessionnelles, mais à des vitesses inégales. La prévalence de l’obésité reste cependant inversement proportionnelle au niveau d’instruction. » Ces inégalités commencent très tôt puisque, selon une autre étude menée auprès d’enfants de grande section de maternelle (2), « la prévalence du surpoids et de l’obésité est moins élevée chez les enfants dont le père est cadre par rapport aux enfants d’ouvriers, reflétant des différences d’habitudes de vie – alimentation, sédentarité – déjà marquées à cet âge ».

Mais gros = pauvre reste une équation trop simpliste. Selon Jean-Pierre Poulain, trois populations sont essentiellement touchées par l’obésité. Tout d’abord, les personnes, non pas en situation de précarité, mais en voie de précarisation, suite à la perte d’un conjoint, d’un emploi, etc. « Elles auraient alors un comportement archaïque qui consiste à stocker en soi en prévision de temps plus durs », explique le sociologue. Deuxièmement, des personnes en situation de migration qui passent, par exemple, d’une zone rurale dans un pays en développement à une zone urbaine en France. Enfin, des personnes qui se mettent au régime et s’embarquent dans un cycle de yoyo, qu’on retrouve dans toutes les catégories socioprofessionnelles.

Des causes simples à déterminer ?

Juliette mange trop – du gras et du sucre – et elle ne bouge pas assez – elle regarde la télévision et ne se déplace qu’en voiture – : cela paraît évident, non ? Pourtant, même l’OMS prévient : « Contrairement à ce que pensent généralement le grand public et une partie de la communauté médicale et scientifique, il est manifeste que l’obésité n’est pas simplement le résultat d’une gourmandise excessive ou d’une absence d’activité physique. » Bien sûr, le constat de l’inadaptation de notre mode de vie actuel à notre régime alimentaire s’impose. Mais toutes sortes d’autres pistes sont explorées.

La génétique est souvent évoquée. D’abord parce qu’on constate que les enfants obèses ont souvent des parents qui le sont : ce n’est pas une preuve, juste un indice. Ensuite, parce que la copine d’enfance de Juliette, celle avec qui elle partageait les mêmes bonbons à la sortie de l’école, n’a jamais eu un gramme en trop. Dit doctement : « Certaines personnes sont plus prédisposées que d’autres au surpoids et à l’obésité », selon l’OMS. Ce domaine reste encore un champ d’études pour les chercheurs, mais plusieurs variables génétiques peuvent nous rendre inégaux devant l’obésité : le métabolisme énergétique au repos, la proportion de graisse et de muscle, le contrôle de l’appétit…

Un facteur d’ordre social est aussi régulièrement avancé. En cause, les « nouveaux problèmes associés au chômage, à la surpopulation et à l’éclatement de la cellule familiale et communautaire » qui engendrent stress et désordres alimentaires. Accusée également, la production industrielle de l’alimentation qui rend la nourriture disponible abondamment et en permanence. Sur le même pilori, on accroche la prolifération de la restauration rapide, la publicité qui dépense bien plus d’énergie à vendre de la junk food que des salades et des fruits. On souligne aussi l’évolution du rôle des femmes qui ont quitté le foyer pour travailler. Elles ne sont plus là pour mijoter de petits plats, et faute de réelle répartition des tâches, les hommes ne les remplacent pas.

Enfin, il y a le nouvel idéal de minceur qui provoque des troubles de l’alimentation (boulimie, anorexie) et incite à toutes sortes de régimes aboutissant finalement à du surpoids. Quoi d’autres ? L’arrêt du tabac, l’excès d’alcool, la prise de médicaments – et notamment les antidépresseurs, dont la France est championne. Vous en voulez encore ? Les études tombent régulièrement qui mettent en cause tantôt le faible taux d’allaitement, tantôt la pauvreté de notre alimentation en oméga 3, ou encore l’omniprésence de bisphénol A dans les plastiques alimentaires.

Tout cela coûte-t-il cher ?

Des chiffres circulent en boucle sur « le coût de l’obésité ». Et pourtant, les chercheurs se coltinant la question sont rarissimes. Comment obtenir des données ? Quelles maladies sont véritablement liées à l’obésité chez un patient ? Faut-il y inclure l’absentéisme au travail ? Les rapporteurs de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) avancent malgré tout. « Les résultats français laissent à penser que le coût médical de l’obésité représente environ 1 % à 2 % des dépenses de santé. Ils sont néanmoins fragiles et anciens, et se situent en dessous de ceux obtenus pour d’autres pays : 2 % à 2,5 % en Australie, au Canada et en Nouvelle-Zélande ; 3,5 % pour le Portugal ; 5 % à 7 % pour les Etats-Unis. »

Réenchanter l’alimentation ?

Beaucoup d’obèses ne savent plus écouter leur corps ni reconnaître le sentiment de satiété. Aussi dans de plus en plus de consultations, on leur propose des ateliers du goût, où l’on réapprend à respecter les besoins de son organisme. A redécouvrir le plaisir de manger.

Et cette question n’est pas que l’affaire des obèses. « Rarement une maladie aura imposé à ce point de s’interroger sur nos modes de vie. Nos modes de consommation et plus généralement sur l’ensemble de nos valeurs. Dans ce contexte, il n’est pas inutile de rappeler combien la dimension sociale, les valeurs de partage et de “ réenchantement ” de notre alimentation semblent peut-être se présenter comme les meilleurs facteurs actuels de protection contre l’obésité », écrivent les docteurs Gerard Apfeldorfer et Jean-Philippe Zermati, dans Traiter l’obésité et le surpoids. Nettement plus réjouissant qu’un régime ! —

(1) « Obésité : prévention et prise en charge de l’épidémie mondiale »

(2) Publiée en septembre 2010 par la DREES, direction du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé.

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RÉPONSES DE LA RÉDACTION
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  • Bonjour,

    Ce document m’intéresse beaucoup, je veux en apprendre beaucoup sur l’obésité,qui touche pratiquement tous les pays.
    Mais dans ce document, il y’a trop d’informations que j’arrive pas à bien comprendre,
    pourriez vous m’expliquer en quelques phrases ce qui est essentiel et pertinent dans ce document ?

    Merci.

    3.12 à 22h55 - Répondre - Alerter
  • Romain : Régimes

    Bonjour,

    Vous terminez l’article en parlant des docteurs Gérard Apfeldorfer et Jean-Philippe Zermati et de régime. Vous auriez pu parler du GROS http://www.gros.org/accueil/index.php (Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids) qui "propose un panorama critique des méthodes favorisant la minceur, qu’il s’agisse de régimes, de coupe-faims, de gastroplastie" et également du rapport de l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire) de novembre 2010 intitulé "Évaluation des risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement" http://www.anses.fr/PNB801.htm

    Car il ne va pas sans dire que si l’obésité et le surpoids présentent des risques pour la santé, les pratiques d’amaigrissement sont également à risque.

    Romain

    24.02 à 11h10 - Répondre - Alerter
  • Anonyme : Maladie ?

    En effet, l’obésité n’est pas une maladie comme une autre.

    L’obésité est un état, pas une maladie.

    Sa cause peut parfois être d’ordre pathologique (mais pas souvent). Et ses conséquences sont effectivement souvent des maladies. Ce qui explique que c’est un sujet dont doivent s’emparer les autorités médicales.

    Mais l’obésité n’est pas une maladie. Ce n’est qu’une description physique, qui peut être un symptôme.

    5.02 à 14h17 - Répondre - Alerter
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