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4-04-2007
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Internet libère la musique

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Autoriser les internautes à copier librement la musique ? Après des années de résistance, l'industrie musicale semble y songer sérieusement. Mais est-ce réaliste ? Terra Economica répond aux questions-clés du débat.
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Contre le piratage, l’industrie musicale a choisi une arme anti-diffusion massive. Un système de cryptage qui empêche l’acheteur d’écouter ses chansons partout où il le souhaite et de les distribuer gratuitement à n’importe qui. Cette arme, ce sont les DRM. En lisant ces trois lettres vite et mal, on pourrait entendre « Dream ». Cela ressemble effectivement à un rêve de producteur : vendre de la musique et contrôler l’usage qui en est fait. Les mélomanes et autres clients de l’industrie du disque seraient, eux, plutôt tentés de lire les trois lettres dans l’autre sens. Mettre en colère ses consommateurs n’étant pas vraiment bon pour les affaires, les DRM vont-ils sauter ?

Question 1/ Les DRM servent-ils seulement à brider l’écoute de morceaux achetés ?

Pas uniquement. DRM est l’abréviation de « Digital Rights Management », c’est-à-dire la gestion numérique des droits. La forme la plus connue est en effet la « mesure technique de protection » qui empêche, par exemple, d’écouter une chanson achetée sur le magasin en ligne d’Apple (iTunes Store) ailleurs que sur le logiciel iTunes ou le baladeur iPod du même Apple. Mais le DRM a un rôle plus large : il sert à gérer l’usage qui sera fait de la chanson. L’éditeur n’a qu’à le définir au départ. Il peut choisir de ne permettre qu’un nombre limité de transferts d’un lecteur (ordinateur, baladeur ou encore autoradio) à un autre ou bien d’autoriser la lecture pendant un laps de temps déterminé, façon échantillon. Les DRM sont aussi à la base de nouvelles façons d’écouter de la musique : avoir accès à un nombre illimité de fichiers en échange d’un abonnement, les fichiers n’étant plus accessibles si l’abonnement n’est pas renouvelé. Ou encore : pouvoir télécharger de la musique gratuitement à condition de subir une publicité au préalable. Dans ce dernier cas, c’est ce qui pourrait s’appeler « payer de sa personne »...

Question 2 / Les DRM visent-ils les pirates ?

Oui, mais ils ne touchent pas qu’eux, contrairement à ce qu’affirmait l’une des vidéos (1) diffusées sur le site du ministère de la culture au moment des débats sur la loi Dadvsi (Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information), l’année dernière : « Cette mesure vise les pirates organisés et non pas les consommateurs de bonne foi qui pourront copier de façon raisonnable. » Comment définir ce qui est raisonnable ? Certaines plate-formes de téléchargement payant de musique n’autorisent que cinq transferts vers un lecteur portable. Il est peut-être bon de rappeler que les baladeurs les moins chers du marché n’ont encore la capacité de contenir que l’équivalent de trois ou quatre CD. Leurs utilisateurs ne cessent d’y copier et d’y effacer régulièrement les mêmes chansons. Dans ce cas, les DRM ont pour effet de réduire considérablement la durée de vie de morceaux pourtant légalement acquis. Mieux, parfois, grâce à la magie de l’informatique, ils conduisent à une disparition complète de la discothèque. C’est la mésaventure qui est notamment arrivée, indépendamment, à deux journalistes spécialisés : Philippe Astor et Jérôme Colombain.

Question 3 / Les DRM sont-ils vraiment efficaces ?

Techniquement, c’est discutable. Les protections mises en place par Apple, Microsoft ou encore Sony sont des défis lancés aux hackers (pirates informatiques), qui prennent un malin plaisir à trouver les failles du système et obligent les fabricants à innover sans cesse. Certains DRM peuvent même céder à monsieur Tout-le-monde, au prix d’une manipulation qui détériore un peu la qualité du son et fait encourir des poursuites judiciaires. Mais c’est sur le plan économique que les DRM sont un naufrage. Ils n’empêchent pas le P2P - l’échange de fichiers entre particuliers - de prospérer. En 2005, quelque 20 milliards de chansons auraient été téléchargées « illégalement », selon l’IFPI, le représentant international de l’industrie musicale. La musique a la cote car, toujours selon l’IFPI, les ventes mondiales de titres musicaux en ligne ont doublé en 2006, rapportant 2 milliards de dollars. Malgré les DRM. Pourtant, sans ces protections, c’est encore mieux. Le dangereux révolutionnaire qui l’affirme se nomme Denis Olivennes, patron de la Fnac. Dans un entretien publié par le quotidien Libération pour la dernière Saint-Valentin, il déclarait : « Si vous prenez nos premiers titres vendus au format MP3, le groupe Aaron en novembre, nous avons multiplié par deux leurs ventes dans la première semaine de commercialisation par rapport à la précédente où ils étaient uniquement disponibles sous le format WMA, le DRM de Microsoft. » Et de conclure : « Globalement, les gens achètent deux fois plus de musique en ligne si elle est sans DRM ! » Depuis le début de l’année, les sites Internet de la Fnac et de Virgin vendent ainsi sans DRM environ 200 000 titres issus de catalogues indépendants. Pas forcément par amour de la liberté du consommateur, mais aussi pour les beaux yeux des possesseurs d’iPod, le très populaire baladeur d’Apple, qui, en dehors des chansons venant de chez Apple, ne peuvent lire que des MP3.

Question 4 / Apple veut-il abandonner les DRM ?

On peut en douter. C’est néanmoins la grande affaire du moment. Dans une lettre ouverte publiée le 6 février sur le site d’Apple, Steve Jobs, le pédégé de la firme à la pomme, qui croque environ 70 % du marché mondial de la musique numérique payante, annonce son rêve d’un monde sans DRM. Le dire c’est bien, mais le faire ce serait mieux. Jobs plaide non coupable : les DRM, c’est la faute aux majors (le gang des quatre : Universal, Warner, EMI et Sony-BMG), qui n’acceptent de le laisser vendre la musique qu’elles produisent qu’en échange d’une protection contre le piratage. Apple, premier fournisseur mondial de DRM, chercherait-il à redorer son blason après sa condamnation, fin janvier, en Norvège où sa licence a été qualifiée de « technologie de verrouillage illégale dont le but principal est d’enfermer le consommateur dans l’offre intégrée » du géant du multimédia ? Fort possible. Selon Laurent Michaud, chargé des loisirs numériques à l’Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe (Idate), « en aucune façon, Apple n’a intérêt à abandonner les DRM. Aujourd’hui, les ventes d’iPod sont dopées par la compatibilité avec iTunes. Sans cela, le magasin en ligne et le baladeur d’Apple auraient tous les deux à faire face à une plus grande concurrence. »

Question 5 / Les maisons de disques sont-elles en passe de laisser tomber les DRM ?

Elles y réfléchissent. En effet, une étude publiée début février par Jupiter Research annonce que 62 % des acteurs de l’industrie européenne du disque pensent que les systèmes de DRM freinent l’essor de la musique numérique. Tout tourneboulés, les producteurs ne savent plus sur quel pied danser. Sony, avec Jessica Simpson, et EMI, avec Norah Jones, se sont essayés récemment à la vente de singles sans DRM. Universal vient, lui, de franchir le Rubicon avec un album entier sans DRM, celui de la Française Emilie Simon, celle qui avait fait danser les manchots du film La Marche de l’Empereur. Les chansons sont également disponibles avec DRM - avis aux amateurs - avec une qualité peut-être légèrement supérieure, mais pour le même prix. En revanche, la grande rumeur du moment, le possible abandon de toute protection par EMI, a fait « pschitt ». En échange de cette prise de risque, le britannique demandait à ses revendeurs des prix apparemment trop élevés. Les DRM ne se laissent pas si facilement faire la peau, ils s’accrochent.

Question 6 / Les DRM sont-ils complétement dépassés ?

Pas forcément. En France, ils ont un défenseur acharné : le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep). Celui-ci aimerait tellement convaincre que les DRM sont doux et bons pour tout le monde. Sur son site, il a donc mis en place un argumentaire intitulé « Pourquoi les DRM ne sont pas le diable ». Le chemin est tout tracé : le Snep répond à quinze questions fréquentes posées par un gentil Candide imaginaire. A la fin, celui-ci n’a plus de questions mais une remarque : « Au bout du compte, j’ai l’impression qu’on a vraiment diabolisé les DRM comme on a pu diaboliser certaines inventions au Moyen-âge. » Satisfait de s’être convaincu lui-même avec tant de brio, le Snep répond, dans un périlleux dédoublement de personnalité : « C’est vous qui le dites ! » Mais dans un débat où il est courant de traiter l’adversaire de « ringard » ou de « dinosaure », il n’est pas forcément facile de prédire si les DRM auront bientôt leur place au musée à côté du gramophone ou s’ils pourront jouer un rôle à jouer dans le futur de la musique numérique.

Pour Hervé Le Crosnier, maître de conférences en informatique à l’université de Caen, « les DRM sont en contradiction avec l’existence même des documents numériques, dont le coût de reproduction tend vers zéro et qui favorisent la large diffusion de la connaissance et de la culture. Ils empêchent de trouver un nouveau modèle économique pour l’industrie musicale ». Hervé Le Crosnier penche pour l’instauration d’une licence globale (lire Terra Economica ). Paradoxalement, comme le rappelle Steve Jobs dans sa lettre ouverte, l’un des principaux ennemis des DRM, ce sont les CD vendus par les mêmes maisons de disques... sans protection. Ces dernières étant fréquemment incompatibles avec les ordinateurs ou les autoradios, elles ont quasiment disparu. Il est ainsi facile d’extraire les chansons des CD pour en faire des MP3 diffusables sur les réseaux de pair-à-pair. Mais « la musique se dématérialise de plus en plus, note Anne-Gaëlle Geffroy, chercheuse au Cerna, le Centre d’économie industrielle de l’école des Mines de Paris. Lorsque la part des CD dans la musique sera devenue minoritaire, la question des DRM redeviendra cruciale. » A défaut de licence globale, l’avenir pourrait être au paiement de droits « variables selon les usages (le temps de conservation, par exemple) », avance Laurent Michaud, de l’Idate. Pour ne plus payer les tubes jetables des clones de Lorie au même prix qu’un Pink Floyd, qu’un Serge Gainsbourg ou qu’un Rolling Stones.

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