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Ils ont rêvé d’un autre monde (et ils l’ont fait)

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Sur les cinq continents, des dizaines de femmes et d'hommes mettent leur esprit d'initiative, leur talent et leur travail au service d'un autre monde. On les appelle les "entrepreneurs sociaux". Pour démarrer l'année en beauté, Terra Economica dresse le portrait étonnant et enthousiasmant de celles et ceux qui changent le monde.
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Takao Furuno change le monde. Avec des canards. Cet agriculteur japonais a su passer à l’agriculture biologique et gagner de l’argent grâce à une idée toute simple. Il a installé les palmipèdes dans ses rizières. Les bêtes, en mangeant les insectes et les mauvaises herbes, remplacent les pesticides. Et leurs déjections fournissent un engrais naturel. Résultat : au Laos, au Cambodge, les fermiers ayant adopté cette méthode combinée ont doublé leurs revenus et amélioré la productivité de leurs rizières de 30 %.

Des emplois par milliers

Takao Furuno est un entrepreneur social. Ni un surhomme, ni un milliardaire. Sur la planète, ils sont des milliers comme lui, à tenter de rendre le monde meilleur par de bonnes idées et de la volonté. Il fait partie des rencontres coups de cœur faites par Mathieu Le Roux et Sylvain Darnil lors de leur tour du monde des entrepreneurs sociaux. Un projet né au Brésil de la rencontre de deux étudiants, qui rêvaient de s’octroyer une année de liberté pour sillonner la planète.

"A travers ce voyage, nous voulions rencontrer des gens actifs, qui composent avec le système tout en essayant de l’améliorer", raconte Mathieu Le Roux. Ainsi a émergé l’idée de l’ouvrage Tour du monde en 80 hommes. La fabuleuse aventure de deux individus qui, au départ, ne connaissaient rien de l’entrepreneuriat social. Ce terme "d’entrepreneur social" a été popularisé dans les années 1980 par des individus comme Bill Drayton, fondateur de l’association Ashoka (lire encadré). Leur nombre, leur poids sont complexes à déterminer. Selon une conférence organisée par l’OCDE et l’Agence de valorisation des initiatives socio-économiques (Avise), les entrepreneurs sociaux emploieraient par exemple plus de 270 000 personnes en Espagne, 250 000 en Italie, et 475 000 en Grande-Bretagne. Toujours selon l’Avise, on trouve en France dans le seul champ de l’insertion, "5 000 entrepreneurs sociaux, qui emploient 70 000 salariés".

David Bornstein, auteur de Comment changer le monde ? note pour sa part "l’essor d’organisations citoyennes à travers le monde : plus d’un million en Inde, 12 000 en Slovaquie, 400 000 au Brésil. Aux Etats-Unis, il souligne que le nombre d’organisations enregistrées auprès des services fiscaux a crû de 60 % entre 1989 et 1998 pour atteindre le total de 734 000." Si le concept d’entrepreneur social est assez récent, sa philosophie est vieille comme le monde, estime David Bornstein. "Saint-François d’Assise (...) pourrait ainsi prétendre à ce titre dans la mesure où il a créé de nombreuses organisations qui ont favorisé des changements structurels dans son domaine. Ce qui a changé, c’est qu’aujourd’hui l’entrepreneuriat social devient une activité professionnelle à part entière et un objet d’étude reconnu".

Super-héros ? Non, super-humain

Pas besoin d’être un saint, un super-héros ou un génie pour décrocher ses galons d’entrepreneur social. En revanche, il faut une bonne idée. Comme celle développée par Karl Stützle. Cet Allemand, à la tête d’une activité en difficultés financières, qui commercialisait des solvants chimiques chlorés destinés à nettoyer des pièces métalliques, a décidé de bouleverser son approche commerciale. "Au lieu de vendre ces produits polluants qui terminaient dans la nature, il les loue", raconte Mathieu Le Roux. Double réussite : financière et écologique. Récupérés par l’entreprise après leur utilisation par ses clients, les produits sont recyclés à 92 % : chaque molécule est réutilisée plus d’une centaine de fois.

La pollution a diminué d’autant et l’activité a été sauvée. Les entrepreneurs sociaux, doivent démontrer qu’une entreprise n’est pas forcément tournée vers le profit mais peut poursuivre un objectif social, écologique ou solidaire. Selon la fondation Schwab, ceux-ci "identifient et appliquent des solutions pragmatiques à des problèmes sociaux en associant innovation, gestion des ressources et sens pratique". Mieux, ces innovateurs sont tous "désireux de partager largement leur innovation dans le but de la dupliquer à large échelle". L’un d’entre eux est aujourd’hui mondialement reconnu. Prix Nobel de la paix en 2006, Muhammad Yunus est fondateur et dirigeant de la Grameen Bank. Son initiative de microcrédit a su grandir, essaimer et est aujourd’hui économiquement viable tout en aidant les plus pauvres. Une idée simple mais géniale. L’image d’Epinal du baba cool idéaliste qui veut changer le monde sans trop savoir comment, a bien jauni.

Les pieds sur terre

Les débats sur la nature exacte de l’entrepreneur social agitent les spécialistes. Pourtant, la plupart d’entre eux sont d’accord sur un point. Pas question d’opposer "le grand méchant homme d’affaires" à l’entrepreneur social idéaliste et charitable. Tous deux partagent beaucoup de points communs. Ils incarnent des promoteurs d’idées, en quête de création d’un modèle d’organisation viable. Seule la finalité de leur activité diffère. Mais ils utilisent les mêmes outils de management et de gestion. Preuve symbolique s’il en est : la fondation Schwab, qui apporte chaque année à une vingtaine d’entrepreneurs sociaux une large reconnaissance, organise un sommet annuel des entrepreneurs sociaux à Genève lors du Sommet de Davos. Pour Mathieu Le Roux, "l’entrepreneuriat social est la jonction de deux univers que l’on croyait distincts : le business et le caritatif". Une alchimie souvent complexe.

Selon Hugues Sibille, adjoint au président du Crédit Coopératif, les entrepreneurs sociaux combinent dans leur activité trois éléments : "un modèle économique viable - qui ne dépend pas majoritairement des subventions publiques -, un objet d’utilité sociale ou d’intérêt collectif et une gouvernance d’entreprise plutôt démocratique ou participative. Et tous les jours, ils se battent pour gérer les tensions entre ces trois composantes."

"Passer à l’action"

En fait, ils constituent de "véritables entrepreneurs", qui ne vont pas contre l’économie de marché mais en utilisent au contraire les outils pour pallier ses dysfonctionnements. Des personnes qui ont les pieds bien sur terre. Pour Ashoka France, hors de question, d’ailleurs, d’aider financièrement de doux rêveurs débarquant avec une vague idée en bandoulière. Illustration avec l’un des lauréats de la "cuvée" 2006, Abdellah Aboulharjan, fondateur de l’association Jeunes Entrepreneurs de France (JEF). "En 2000, j’ai créé ma société de commerce électronique, Medinashop, pour laquelle j’ai été primé Talents des Cités en 2002 par le ministre de la Ville, raconte le porteur de projet. Il m’est apparu évident que je n’étais pas le seul à être attiré par la création d’entreprise, et surtout pas le seul à vouloir que les choses changent dans les quartiers." Il crée alors, avec son ami Aziz Senni, l’association JEF, qui propose aux jeunes désireux de créer leur propre entreprise un accompagnement, notamment par des entrepreneurs de moins de 35 ans, issus des mêmes quartiers.

L’Etat aux abonnés absents

Sélectionné cette année par Ashoka, Abdellah Aboulharjan va bénéficier pendant trois ans de l’aide financière et des conseils de l’association pour développer son idée sur tout le territoire et pour la pérenniser financièrement. Comme beaucoup d’autres entrepreneurs sociaux, il a obtenu les financements de départ auprès de fonds publics. Sur ce point, plusieurs visions s’opposent. Ashoka est, par exemple, défavorable à l’intervention de l’Etat. Au contraire, selon Hugue Sibille : "dans l’Hexagone, alors que les régions et départements commencent à se pencher sur les entreprises solidaires, la volonté politique de considérer ce secteur en pleine croissance pour ce qu’il est aujourd’hui et peut apporter demain aux enjeux de nos sociétés, reste insuffisante. Parlera-t-on d’économie sociale lors du débat public présidentiel ?", s’interroge l’adjoint au président du Crédit coopératif. C’est une des nombreuses raisons pour lesquelles, avec le collectif France Active, il a lancé le Manifeste de l’économie solidaire, avec dix propositions s’adressant à toute la société, des entrepreneurs aux citoyens (salariés, notamment) en passant par tous les échelons des pouvoirs publics et politiques.

Bien dans leurs baskets

L’intérêt grandissant des universités et des grandes écoles constitue lui aussi la démonstration que l’entrepreneur social s’ancre solidement dans le paysage économique. L’Essec a par exemple créé en 2003 la chaire Entrepreneuriat social, au sein de laquelle une vingtaine d’étudiants sont accueillis chaque année. HEC a suivi la tendance et lancé en septembre dernier une majeure baptisée "management alternatif". Il s’agit d’une spécialisation de fin d’études destinée "à des étudiants souhaitant contribuer au renouvellement des pratiques managériales, en favorisant une plus grande prise en compte des aspects sociaux, éthiques et environnementaux." Eve Chiapello, co-responsable de cette majeure, explique que celle-ci est née d’un double constat. D’abord du fait qu’une partie des étudiants d’HEC sont "en désaccord avec les principes dominants du milieu des affaires".

Et puis de la conviction que "le management a toujours été une interaction entre des mouvements réformateurs et les pratiques communément acceptées". Le but ? Former "des réformateurs bien dans leurs baskets", sachant concilier le label HEC sans passer pour de doux rêveurs altermondialistes. Des jeunes qui, une fois sur le marché du travail, sauront "inventer des entreprises rentables mais aussi responsables". Pour Eve Chiapello, c’est une évidence : "les enjeux de responsabilité sociétale et de développement durable sont destinés à être incorporés largement dans les entreprises". L’entrepreneuriat social est peut-être celui de demain. Celui d’un monde où de plus en plus de salariés ou de cadres sont en "quête de sens", écrit Bill Drayton. Un monde où, comme le conclut Mathieu Le Roux, "une entreprise est un outil et pas une fin. Un outil qui peut changer le monde."

(Dossier réalisé en partenariat avec Ashoka)


ALLER PLUS LOIN

Internet

Le dossier Terra Economica sur les entrepreneurs sociaux et l’économie sociale et solidaire.

Un média qui couvre l’actualité des entrepreneurs sociaux

L’entrepreneuriat social n’est pas réservé aux autres. La bonne adresse pour se lancer

Le site de l’agence de valorisation des initiatives socioéconomiques

Le magazine qui publie chaque année la liste des 50 entrepreneurs responsables du moment.

Le site d’Ashoka

Le site de la Grameen Bank

Ouvrages

80 hommes pour changer le monde, Sylvain Darnil, Mathieu Le Roux, Ed. JC Lattès, 18 euros.

Comment changer le monde, David Bornstein, Ed. La Découverte, 22 euros.


LIRE AUSSI :

- Quinze têtes pensantes du progrès humain

- Ashoka : 1800 entrepreneurs labellisés

- Changer le monde

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