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31-01-2010
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Politique
ONG
Energies
Etats-Unis
Portrait

Il rêve de laisser son empreinte

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Il rêve de laisser son empreinte
 
L’homme qui a fait comprendre aux Occidentaux qu’ils « consommaient » plusieurs planètes, c’est lui. Rencontre avec Mathis Wackernagel, l’inventeur de l’« empreinte écologique ».
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Une gare parisienne en 2004. Thanh Nghiem, consultante pour le WWF, vient chercher un homme qu’elle considère comme une sommité. Il débarque de Suisse, dont il est originaire, même s’il a quitté le pays d’Heidi, la gentille orpheline, pour celui du plus féroce Oncle Sam. Elle imagine « un vieux bonhomme à la barbe grisonnante ». Mathis Wackernagel, l’homme en question, est un chercheur respecté. Au début des années 1990, il a co-inventé l’« empreinte écologique », un indicateur de croissance qui calcule la surface de terre et d’eau nécessaires à une population pour produire les ressources qu’elle consomme et dégrader les déchets qu’elle engendre. Une sorte de relevé bancaire qui indique si nous vivons dans la limite de notre budget écologique ou pas. Le Global Footprint Network, club de réflexion qu’il a fondé en 2003, milite pour que cet indicateur chasse de son piédestal le Produit intérieur brut (PIB), auquel il reproche d’ignorer l’impact de l’activité humaine sur l’environnement. Or, si tout le monde consommait à la manière des Américains, 5 planètes supplémentaires – 3 pour les Français – seraient indispensables.

Le train se vide. Nulle sommité à l’horizon. Reste un homme, plutôt jeune, qui arpente le quai de la gare avec, pour tout bagage, un sac plastique, deux bouteilles d’eau et un sandwich. « C’est quand même pas lui ! », se dit Thanh Nghiem. Il s’agit pourtant de l’homme qui a propulsé l’empreinte écologique, son sujet de thèse de doctorat de planification urbaine (1), sur le devant de la scène. « Mathis était un jeune homme brillant, avec un don pour les chiffres (il est ingénieur de formation, ndlr), mais animé d’une passion pour l’écologie », raconte William Rees, son directeur de thèse, cocréateur de l’empreinte écologique. « Il possède à la fois la simplicité des grands hommes et cette capacité à faire passer des messages d’une manière très ludique », assure Thanh Nghiem, qui voue à Mathis Wackernagel, depuis cette rencontre, une amitié sans faille.

Le déclic du rapport du Club de Rome

Janvier 2010. Mathis Wackernagel déambule dans ses bureaux d’Oakland, ville au taux de chômage élevé située à l’Est de San Francisco. Un univers à mille lieues de Bâle la bourgeoise, où il est né en 1962. « Quand Mathis m’a annoncé sa décision de s’installer en Californie (après un passage au Mexique, ndlr), j’ai trouvé contradictoire qu’il élise le royaume de la surconsommation pour y faire de l’écologie », avoue Marie-Christine, sa mère. « Mais la Californie est aussi le berceau de l’innovation et des gens riches. Il est donc beaucoup plus facile d’y lever des fonds », se défend l’intéressé. Bourreau de travail, il affiche le teint hâlé des gens qui rentrent de congés et admet qu’il vient tout juste de passer quinze jours à Hawaii, ses premières vacances en famille depuis la naissance de son fils, il y a huit ans. L’empreinte écolo est d’ailleurs une affaire de famille. Susan Burns, sa femme, rencontrée en 1999 au hasard d’une conférence, est pédégé du Global Footprint Network. Cette union est idéale selon la mère de Mathis. « Susan est une femme d’affaires, alors que Mathis se soucie davantage de diffuser ses idées plutôt que de gagner de l’argent. »

Quand on lui demande d’où lui vient sa conscience verte, il cite la ferme de son grand-père où, petit, il trayait les vaches. Et surtout la publication en 1972 du rapport sur les limites de la croissance que lui met entre les mains son ingénieur de père. Rédigé par des chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) pour le Club de Rome, ce document annonce un prochain épuisement des ressources naturelles. Le jeune Mathis prend alors conscience qu’il vit dans un monde en danger. Adolescent, il refuse obstinément de porter de nouveaux vêtements. « Au point de se rendre au lycée à vélo affublé d’un vieux pantalon de son père », se souvient sa mère. Aujourd’hui, l’homme a troqué ses fripes contre des costumes dans lesquels il passe de longues journées à tenter de convaincre les dirigeants du monde entier d’adopter l’empreinte écologique comme outil d’aide à la décision stratégique et politique.

Vélo et Prius d’occasion

Mais Wackernagel a aussi des détracteurs. « Dire qu’un pays qui possède plus de capacité biologique qu’il n’en consomme possède davantage de chances qu’un débiteur écologique est beaucoup trop réducteur. Cela ne prend pas en compte des facteurs tels que les méthodes d’agriculture et le progrès technologique, affirme ainsi Nathan Fiala, consultant pour la Banque mondiale. Aux Etats-Unis, si la consommation de céréales a explosé au cours des dernières années, la quantité de terres utilisées pour la production de blé a diminué de manière significative. Ce fait est occulté dans la méthode de calcul de l’empreinte écologique. » Mathis Wackernagel n’est pourtant pas un personnage controversé. Ni végétarien, ni vraiment de gauche ou de droite. Il roule à vélo et en véhicule hybride, une Prius d’occasion. Pas pour se donner bonne conscience, mais par simple pragmatisme. Il abhorre la notion d’impératif moral, même s’il jure qu’il est nécessaire de créer un futur où l’on pourrait vivre avec notre seule planète et dénonce « la stupidité » des politiques et des économistes qui se cachent derrière leur petit doigt. Son message pour les leaders du monde post-Copenhague ? « Dans votre intérêt, lance-t-il à leur intention, il est temps d’accepter ce que les experts ont conclu sans jamais oser l’avouer : seul un sevrage du pétrole permettra de réaliser les objectifs de réduction énoncés dans la capitale danoise. » Il continue à prêcher la bonne parole en s’attaquant à une nouvelle cible : les étudiants des lycées internationaux dans le monde entier. Le Global Footprint Network compte les recruter en 2010 au titre de messagers. —

(1) Obtenu au Canada à l’université de British Columbia à Vancouver.


MATHIS WACKERNAGEL EN DATES ET EN GESTES

1962 Naissance à Bâle (Suisse)

1994 Thèse de doctorat sur l’empreinte écologique

2000 Premier rapport « Planète vivante » avec le WWF qui se base sur l’empreinte écologique

2001 Naissance de son fils André

2009 L’Equateur se fixe comme objectif d’annuler son déficit écologique d’ici à 2013

Son geste vert Adolescent, il a fourni à son lycée sa première poubelle de recyclage.

Photo : Gilles Mingasson pour «  Terra eco  »

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Correspondante de « Terra eco » en Californie, Anne Sengès est l’auteur de « Eco-Tech : moteurs de la croissance verte en Californie et en France », paru en novembre 2009 aux éditions Autrement.

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