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Fistera, Galice, une année de Prestige

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Le naufrage du pétrolier Prestige, un traumatisme pour le village de Fistera. Accablé par le brut, le village a retrouvé son oxygène grâce aux milliers de volontaires. Un an après, à l'heure des comptes, deux camps se marquent. Ceux qui ont nettoyé, et ceux qui ont été achetés par les primes du Gouvernement.
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Plage du nord, petit matin de novembre 2003, décor de carte postale. Les vagues s’écrasent sur les côtes à pic de la Costa da Morte et lèchent la longue plage de sable fin. D’abord gris, le ciel tourne au vert-bleu puis au bleu. Depuis le haut de la falaise, depuis la petite route sinueuse glissant entre maigres villages et séchoirs à légumes, le temps ne s’écoule plus sur ce petit coin de Galice. A mille lieues de Madrid, Bruxelles ou Londres.

Sur la pente fracassée par les pelleteuses, les milliers d’allers et retours d’engins de travaux public ont buriné un chemin inexistant au début novembre 2002. Avant que le Prestige, sa simple coque, ses 26 ans, son pavillon de complaisance et son armateur de bande dessinées, ne s’abîme au large de Muxia, Fistera et leurs frères de la côte, ces villages de pêcheurs accrochés à la lande et aux rocs. 77000 tonnes de brut plus tard, en bas du chemin, la plage est à nouveau noircie par les arrivées de boulettes. Les quantités n’ont plus rien à voir, avec celles de novembre 2002 mais, un an après, le pétrole arrive encore. Selon diverses estimations, entre 10000 et 15000 tonnes de brut seraient encore au fond des cales, 10000 à 13000 navigueraient au hasard des courants entre deux eaux et 50000 auraient déjà été récupérées sur les plages.

Silence sanctuarisé

Si ces chiffres connus, lus et relus, ont marqué les esprits, d’autres conséquences apparaissent moins quantifiables. A Fistera, moins de 5000 habitants à la pointe du cap éponyme, 80 % de l’économie du village repose sur l’économie de la mer. 100 % des âmes sont sorties changées de cette drôle d’expérience. Un an après, il règne une drôle d’atmosphère entre le petit port, les visages décrépis et abîmés des façades, les petites rues pavées et l’église perchée sur les hauteurs, sur la route du phare. Une langueur molle de dimanche pluvieux et poisseux. La perception impalpable d’un rythme biaisé anime le badaud. Une ambiance lourde de fin de réunion de famille où les secrets ont repris pour vingt ans de réclusion.

Polichinelle pourtant n’est pas plus fort en Galice qu’ailleurs. Des langues ne demandent qu’à se délier. Oui, "les pêcheurs ont été achetés par le Gouvernement. Les primes versées, supérieures au niveau de vie habituel, ont sanctuarisé le silence" Roberto, pêcheur et responsable de l’accueil des bénévoles, Begogna, employée par la municipalité et coordinatrice auprès des bénévoles ou Cassandre, photographe et traductrice sont unanimes. Ils l’ont vu et vécu de cette manière. Sur le front du Prestige dès le départ, ils ont travaillé quand d’autres sont restés à terre. Pour eux, le gouvernement a acheté le silence des gens, tout simplement. Pour le maire, rien de cela n’est vrai. Il souligne, même, combien les pêcheurs et tous les administrés ont mis la main dans les masses gluantes souillant le littoral. Les pêcheurs ? Ils confirment qu’ils ont aidé oui, bien entendu, mais, c’est vrai, la vie est dure ici. Et c’est vrai qu’ils disent vrai. Les zones de pêches s’amenuisent, il faut aller plus loin, dépenser plus, accroître la taille des bateaux, travailler été comme hiver. Alors cinq à sept mois de "vacances" au frais du contribuable incitent naturellement à attendre sagement que la réouverture de la pêche.

Prime compensatoire

Qui croire ? Personne n’a quantifié les horaires des uns et des autres pendant la ruée (qui avait le temps ou aurait eu l’envie). Seule certitude, sur le long terme, tout le monde est perdant : les fonds sont détruits et, les poissons se nourrissant au fond, leur nombre va se réduire. Donc il faudra aller plus loin, travailler plus, été comme hiver. Un an après, le Parti populaire d’Aznar, pourtant taxé de légèreté dans sa gestion de la crise, a gagné les régionales. La pêche a repris, alors qu’aucun biologiste ne se risque à se prononcer autrement qu’au conditionnel. Les dégâts sont estimés à plus de 8 milliards d’euros selon l’organisation écolo WWF.

Certes, des gens ont profité de cette crise : les pêcheurs ont vécu de leurs 1200 euros mensuels de prime compensatoire, des gens travaillent encore actuellement au nettoyage des plages, repoussant ainsi boulettes et chômage. A milles lieues d’ici, le Fipol, le fond d’indemnisation, a daigné accroître son plafond de recouvrement au milliard d’euros et l’Europe a interdit les simples coques dans ses ports.

A Fistera, dans la rue, en terrasse ou face à la grève les gens ne veulent plus parler de cela, de tout cela. Ils voudraient vivre seulement à peu près normalement. Deux blessures ne se refermeront pas pourtant : celle de l’âme devant ces paysages désolés et celle du cœur devant ces bras et ces bouches restés silencieux.

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