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11-08-2010
Mots clés
Finance
Biodiversité
Monde

Regards croisés sur la fiscalité environnementale : doit-elle être élevée ? (2/3)

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Regards croisés sur la fiscalité environnementale : doit-elle être élevée ? (2/3)
(Illustration : Wozniak)
 
Fin mai, « Terra eco » publiait un entretien avec l'économiste Jacques Weber sur la biodiversité. Il a suscité de nombreuses réactions dont celle de Rodrigue Coutouly, passionné par la fiscalité de l'environnement. Les deux hommes ont échangé. Voici le résultat.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Pour être efficace, une taxation écologique doit-elle être significative et donc élevée ?

Rodrigue Coutouly : L’instauration d’une taxe « significative » a des effets pervers démotivants. Elle entraîne des résistances importantes dans l’opinion publique et auprès des entreprises, quoi qu’en dise Jacques Weber, car on craint la perte de « compétitivité » et le jugement d’un électorat qui refuserait l’impôt par principe. Il faut, au contraire, instaurer des contributions très petites, minces, symboliques. Mais à la condition de respecter deux principes clés des contributions incitatives : leur augmentation est prévue, planifiée, connue à l’avance. Cette prévision, déjà imaginée par les promoteurs de la taxe carbone, permet aux acteurs économiques et aux consommateurs, d’anticiper sur leurs achats. Les recettes des contributions incitatives servent intégralement à investir dans l’économie verte, dans le secteur où elles ont été prélevées.

Jacques Weber : « Penser que pour être efficace une taxation écologique doit être significative et donc élevée » serait aussi une « croyance ». Le penser à régulation globale inchangée, oui. En confondant état de départ et état d’arrivée, oui. Mais en posant la question : « Existe-t-il une configuration de l’économie dans laquelle la richesse puisse se créer sur la maintenance ou l’amélioration des écosystèmes », la réponse est : « J’en fais l’hypothèse », celle que je propose, avec d’autres à travers le monde. Que la transition d’un état à un autre doive se faire de façon très progressive, bien sûr. Cela étant, la taxe carbone en Suède est aujourd’hui à 109 euros, sans que les Suédois la rejettent. Mais en 1988, une loi suédoise a précisé que pour qu’une taxe écologique soit discutable au Parlement, la preuve devra être donnée qu’une ou plusieurs taxes d’un rapport au moins équivalent à celui attendu avec la nouvelle taxe auront été abolies. Dès lors, il était clair pour les Suédois qu’il s’agissait bien de taxes substitutives et incitatives. Enfin, peut-être du point de vue logique, le plus important. Dans mon esprit, il s’agit de raisonner à coûts de production inchangé. Il ne s’agit pas, par la fiscalité, d’alourdir les coûts mais de les redistribuer autrement. La compétitivité, dans son ensemble, ne devant pas s’en trouver affectée.

Rodrigue Coutouly : Je ne parlerai pas, ici, de l’idée de taxes substitutives que je trouve discutable et que j’aborderai dans le troisième échange. Nous sommes d’accord, comme la majorité des chercheurs et intervenants réfléchissant à cette question : la fiscalité environnementale doit s’installer progressivement pour permettre aux acteurs (entreprises et consommateurs) de s’y adapter et d’anticiper. Le débat porte sur la forme de la courbe de progression de cette fiscalité. Les promoteurs de la défunte contribution climat ont défendu l’idée qu’elle devait être significative d’emblée et progresser ensuite. On a vu ce qu’elle est devenue : elle a significativement disparu !

Je préfère, pour ma part, une courbe qui part pratiquement du point 0 sur l’axe des ordonnées mais dont le plan de progression soit immédiatement lisible et connu. L’avantage est de faciliter son acceptabilité par l’opinion. Même si on peut se douter que cela ne suffira pas. On compare souvent notre regrettée contribution climat avec la taxe carbone suédoise. Cela me semble en grande partie un raisonnement anachronique, car cette taxe a été mise en place il y a deux décennies dans un pays où la conscience environnementale a une autre dimension.

« Il ne s’agit pas, par la fiscalité, d’alourdir les coûts mais de les redistribuer autrement. La compétitivité, dans son ensemble, ne devant pas s’en trouver affectée. » Je reprend vos termes car le choix d’une stratégie fiscale efficiente dépend en grande partie de sa capacité à modifier les comportements et les modalités d’organisation de nos sociétés. Or cela serait une erreur de croire qu’une « bonne » fiscalité suffirait à changer nos sociétés. On le sait, la green economy suppose des investissements énormes. Cela n’est pas un hasard si les Chinois progressent très rapidement dans ce domaine : ils réinvestissement une bonne partie de leurs liquidités dans ce secteur.

C’est pourquoi je défend l’idée que la fiscalité verte ne doit avoir qu’un objectif : permettre d’investir dans ce secteur. A quoi bon, en effet, taxer l’essence du travailleur pendulaire périurbain s’il ne dispose pas de modes de déplacement alternatifs ? Or les temps ne sont guère propices aux investissements publics dans les transports collectifs. Une fiscalité coercitive aurait dans ce cas des effets désastreux sans rien changer aux comportements des différents acteurs sociaux.

On pourrait procéder au même raisonnement dans d’autres secteurs : le logement est un autre bon exemple. Les modifications réglementaires engendrées par le Grenelle n’ont d’effets significatifs que sur les logements neufs. Dans l’ancien, le crédit d’impôt ayant des limites, on se retrouve bien en peine de définir une politique fiscale efficace, si elle ne se révèle pas incitative.

Or il n’y a qu’un seul moyen pour qu’elle le soit : que le produit des taxes environnementales prélevé sur le logement soit utilisé pour investir dans l’isolation et le chauffage de l’habitat existant. Ainsi conçu, la fiscalité verte est un outil de transfert de richesse entre l’ancienne économie carbonée et la nouvelle économie décarbonée. Le seul moyen de permettre l’émergence de cette dernière dans nos sociétés occidentales désargentées.


Lire la suite des échanges entre Jacques Weber et Rodrigue Coutouly :
- Fiscalité environnementale : doit-elle être mondiale ?
- Fiscalité environnementale : doit-elle remplacer les taxer sur le travail ?


Jacques WEBER est chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Il est aussi membre du comité de veille écologique de la Fondation Nicolas Hulot et vice-président de l’association « Les petits débrouillards ». Présent au comité scientifique de Natures Sciences Sociétés, de l’International Journal of Sustainable Development, du Journal of Sustainable Agriculture et de Population and Environment.

Rodrigue COUTOULY est agrégé d’histoire-géographie, principal de collège, formateur d’enseignants et de personnels d’encadrement depuis de nombreuses années. Il s’intéresse depuis longtemps aux problèmes environnementaux. En effet, il a d’abord été technicien-forestier, dans le privé puis à l’Office national des forêts, avant de reprendre des études de géographie et d’urbanisme. Il s’est longtemps intéressé aux problèmes de désertification au Sahel, région du monde où il a travaillé. Il est l’auteur de deux blogs :
- Fiscalité environnementale
- Innovation politique écologie

Sources de cet article

- (Re)lire l’entretien de Jacques Weber sur Terra eco : Jacques Weber : « Il faut taxer toutes les consommations de nature »

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Principal de collège, agrégé d’histoire-géographie, j’ai été, dans une autre vie, technicien forestier à l’Office national des forêts et j’ai travaillé en Afrique sahélienne.

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