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27-05-2011
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Finance
Eau
Agriculture
Monde

Faut-il instaurer une bourse de l’eau ?

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Faut-il instaurer une bourse de l'eau ?
(Crédit photo : mirkanos/Flickr)
 
Le PDG du géant de l'agro-alimentaire Nestlé a proposé de mettre en place une place boursière pour mieux gérer les ressources en eau. Une idée qui fait peu d'émules.
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Sécheresse, pollution, surexploitation, augmentation de la population mondiale... Les conditions se précisent pour faire de l’eau un véritable or bleu. « Les ménages, l’industrie et l’agriculture se disputeront de plus en plus les ressources en eau », prédit l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Mardi 10 mai, le président de la multinationale Nestlé, numéro un mondial de l’eau en bouteille (Vittel, Contrex, Valvert, Hépar, Perrier...), a esquissé un plan pour régler ces conflits : instaurer une bourse de l’eau !

Une stratégie à l’image de ce qui se fait sur le marché du pétrole : « Vous voyez ce qui se passe lorsque la demande augmente, a illustré Peter Brabeck. Le marché réagit et les gens commencent à utiliser le pétrole de manière plus efficace. » Pas de raison, selon le PDG de Nestlé, qu’il en soit autrement pour l’eau. Sous l’effet d’un mécanisme boursier, la ressource en eau deviendrait plus onéreuse (car la demande serait plus importante que l’offre) et les consommateurs seraient plus prudents dans leur usage. Et de citer en exemple la province canadienne de l’Alberta, où la concurrence risque d’être particulièrement forte entre les agriculteurs et les compagnies pétrolières, selon Peter Brabeck. Nestlé réfléchit d’ailleurs avec le gouvernement de l’Alberta à l’instauration d’une bourse de l’eau. Le résultat escompté : dissuader cultivateurs et pétroliers de gaspiller l’eau et ce, grâce à un accès plus coûteux.

Boursicoter, une solution pour l’humanité ?

L’idée fait surtout bondir les défenseurs d’un accès à l’eau pour tous. A l’Association pour un contrat mondial de l’eau (ACME), on s’insurge contre cette nouvelle tentative de « marchandisation » qui ne serait qu’une « fuite en avant ». « Il faut d’abord faire des économies dans les usages, martèle le président d’ACME, Jean-Louis Touly. En France, un litre sur quatre disparaît dans une fuite ou une rupture de canalisation. »

La proposition de Nestlé est carrément « débile », s’exclame Jean-Louis Trancart, professeur à l’École nationale des Ponts et Chaussées, qui a fait une grande partie de sa carrière auprès d’entreprises de distribution de l’eau. Imaginer un marché mondial de l’eau n’aurait pas de sens. En effet « l’eau que l’on utilise à la maison, dans l’agriculture ou dans l’industrie, ne se transporte pas comme le gaz ou le pétrole. Ça coûte beaucoup trop cher ». Pour le chercheur, il n’y a pas de « solution globale ». Instaurer une bourse localement dans la province d’Alberta, où la compétition autour de la ressource est forte, pourrait, en revanche, se justifier. Mais, prévient Jean-Louis Trancat, « si vous envoyez un signal prix, ça se fera toujours au détriment de l’agriculture et au profit de l’industrie, car l’agriculture a la plus faible valeur ajoutée au mètre cube d’eau » et donc la plus faible propension à payer plus cher pour acquérir la ressource. « On peut faire des choix politiques et donner un avantage compétitif à l’agriculture », suggère Jean-Louis Trancart. Avant d’attirer l’attention sur un autre problème : « Il faudra aussi envisager de surtaxer les usages selon leur impact sur l’environnement. »

Encourager la spéculation

Créer le Wall Street du litre de plate n’est donc pas une entreprise prioritaire. Elle n’est pas non plus aisée. Pire, elle pourrait s’avérer dangereuse. « Ce serait une catastrophe », prédit Aurélie Trouvé, co-présidente d’Attac France, qui prend comme exemple l’expérience des marchés agricoles. « Les spéculateurs se sont rués sur ces marchés-là dans les années 2000 et ça a donné des prix fictifs, déconnectés de la réalité physique de l’offre et de la demande, pour aboutir à une bulle spéculative, analyse l’économiste et ingénieur agronome. Ça a des conséquences importantes, notamment sur la faim dans le monde. » Il faut « imaginer un partage de l’eau, la sortir de la sphère économique et ne surtout pas lui donner une valeur virtuelle et encourager la spéculation », renchérit Emmanuel Poilane, directeur de la fondation France Libertés. Plutôt que de parier sur une dissuasion par une sanction-prix, il préconise aussi une chasse aux gaspillages, des incitations aux économies. Et pourquoi pas, suggère l’ACME, des tarifs progressifs, notamment dans l’agriculture, qui représente 70% des prélèvements d’eau douce à l’échelle mondiale.

L’OCDE a d’ailleurs observé que « dans les régions où les prix de l’eau pour les agriculteurs ont été relevés, la production agricole n’a pas baissé – l’Australie a réussi à réduire de moitié la consommation d’eau d’irrigation sans perte de production (…) dans certains pays la réduction du soutien à l’agriculture, notamment au titre de l’eau et de l’énergie, contribue à rendre les exploitations moins polluantes et plus performantes ».

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Journaliste indépendante. Collabore à Terra eco depuis novembre 2010.

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  • A l’heure ou certains réclament l’interdiction de la spéculation sur les denrées alimentaires, dont l’effet sur la misère et les famines est une évidence, une telle suggestion devrait paraître incongrue, voire indécente. Mais quand on connait le pedigree de l’auteur, un des personnages les plus influents de la planète, il y a plutôt fort à craindre que le match "éthique contre argent" soit une fois de plus joué d’avance.
    On appellera ça, avec beaucoup d’ironie, "Le cours de l’eau".
    Merci a vous de soulever ce genre de question essentielle.

    1er.06 à 20h27 - Répondre - Alerter
  • C’est une vraie catastrophe de voir des gens comme le pdg de Nestlé croire à ce genre de chose. Quand est ce qu’ils vont tirer les conclusions qui paraissent évidentes de la bêtises et la déshumanisation des spéculations et des marchers boursiers.

    L’eau n’est-elle pas un bien commun ?
    N’est il pas révoltant de voir un groupe comme Nestlé tendre vers un monopole et s’enrichir de cela ?

    Je dis oui à une utilisation censée et partagée de l’eau, oui au développement des alternatives comme les toilettes sèches et la récupération d’eau de pluie, oui à la taxation du gaspillage et surtout non à l’utilisation économique des biens publics.

    30.05 à 08h43 - Répondre - Alerter
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