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12-09-2014
Mots clés
Consommation
France
Interview

Et à la fin, dans les rayons, ce sont les femmes qui payent le plus cher

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Et à la fin, dans les rayons, ce sont les femmes qui payent le plus cher
(Crédit photo : http://womantax.tumblr.com)
 
Sur les étals, les produits destinés aux femmes sont très souvent plus onéreux que ceux pour les hommes. Très souvent, sans raison valable. Explications avec une professeure de marketing.
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ÉCOLOGIE SOCIÉTÉ ÉCONOMIE
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Mis à jour le 3 novembre 2014. Le cabinet du ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, s’empare du dossier. A la suite des constatations du collectif féministe Georgette Sand, qui avait dénoncé les « surprix » payés par les femmes, le gouvernement a annoncé avoir lancé lundi une enquête pour faire « une évaluation de relevés de prix » pour certains produits ou services, comme des rasoirs ou le pressing, dont le tarif est inférieur pour les hommes.

A gauche, un déodorant pour femme, rose. A droite, un produit extrêmement similaire mais coloré en bleu. La seule différence ? Le prix. La femme devra dépenser plus pour l’acheter. Et c’est une constante sur les étals, comme le montre l’excellent Tumblr baptisé « Womantax » et lancé il y a quelques jours. Il s’inspire d’études menées aux Etats-Unis montrant que le marketing désavantage beaucoup les femmes. Le magazine Forbes a même calculé en 2012 que le « marketing genré » coûte aux Américaines pas moins de 1 400 dollars (1 100 euros) par an. Y aurait-il une substance magique et onéreuse que l’on ne trouverait que dans les déodorants pour femmes ? Pourquoi raccourcir la veste d’une femme coûte plus cher que raccourcir celle d’un homme ? Pour connaître la part de responsabilité du marketing dans cette discrimination tarifaire, nous avons interrogé Elisabeth Tissier-Desbordes, professeure de marketing à l’école ESCP Europe et co-rédactrice en chef de la revue Décisions Marketing.

Terra eco : Comment expliquer ces différences de prix ? Est-ce une constante dans les rayons ?

Elisabeth Tissier-Desbordes : Je ne connais pas d’études à ce sujet en France mais c’est vrai qu’il serait très intéressant de faire des comparaisons plus larges. Dans les exemples donnés sur ce Tumblr il y a des choses très étonnantes, notamment le coût des retouches. Il faudrait demander aux artisans s’il y a une vraie différence systématique entre la qualité des vêtements féminins et masculins qui demande réellement un temps de main-d’œuvre plus long, ou si c’est un a priori qui n’est pas vérifié. Si ce n’est pas vérifié alors c’est qu’on n’est pas dans le marketing mais dans les préjugés et la connerie humaine.

On retrouve exactement les mêmes différences au rayon cosmétique. Entre deux déodorants bas de gamme à la composition très similaire, c’est toujours celui pour la femme qui coûte le plus cher. Est-ce la faute du marketing ?

Il faut revenir à ce qu’est le marketing. Une marque va toujours chercher à vendre un produit différencié avec un service en plus pour être dans un segment plus petit, avec moins de concurrence et donc vendre des produits plus chers. C’est comme ça qu’on vend du sel de Guérande et non pas du sel simple. Et bien la différence homme-femme répond à la même logique.

Sauf que parfois le seul service apporté par la marque c’est de peindre le produit en rose...

La marque utilise le rose parce qu’elle veut donner à la femme l’impression que ce produit est fait pour elle et pour elle seule et qu’elle pense que la femme est prête à payer plus cher pour ça. Et c’est vrai qu’il y a des femmes qui sont sensibles à ça. Par contre il y a un livre américain dont le titre est « Don’t sell it pink » et qui conseille de ne pas peindre en rose mais de s’adapter en profondeur à ce dont la consommatrice a vraiment besoin. On touche là à des différences biologiques entre hommes et femmes, ce qui n’est pas pareil que des différences de genre. Par exemple, on n’attend pas la même chose d’un rasoir pour femme que d’un rasoir pour homme. Mais il y a bien sûr aussi des différences qui ne sont pas biologiques, qui sont construites socialement, on le voit avec l’exemple classique des jouets, on a encore et toujours des jouets de guerre pour les garçons et des dînettes pour les filles.

Mais ces stratégies marketing renforcent les stéréotypes ! Les marques n’ont-elles pas une responsabilité à assumer ?

Elles ont bien sûr une responsabilité, et beaucoup de marques tentent des choses. Mais il faut être clair, si vous êtes directeur marketing de Barbie et que vous remplacez la Barbie princesse par la Barbie physicienne vous ne vendrez plus. Si vous vendez un produit cosmétique indifférencié à la fois pour les hommes et pour les femmes ça ne marchera pas. Je le regrette beaucoup mais c’est une réalité économique.

Donc si les marques vendent le même déo plus cher pour les femmes c’est pour une question de parts de marché ?

Oui. Il faut savoir que les cosmétiques ont été pendant très longtemps un marché de femmes. Avec le vieillissement de la population et l’augmentation du pouvoir d’achat beaucoup de produits sont montés en gamme. Le marché des femmes est aujourd’hui totalement saturé donc les marques vendent des produits très différenciés pour se distinguer et vendre plus cher. Les hommes eux sont considérés comme des nouveaux venus, beaucoup achètent encore en supermarché et pas dans des boutiques spécialisées et ils achètent moins. Grosso modo le marché des hommes représente 1/7ème de celui des femmes. Les produits pour hommes sont donc souvent vendus moins chers.

Comment les femmes peuvent-elles lutter contre ces discriminations tarifaires ? Faut-il boycotter les produits les plus « marketés » ?

C’est un sujet très intéressant. Les femmes peuvent faire leurs produits elles-mêmes ou acheter des produits destinés aux deux sexes. Si elles ne le font pas, elles doivent se demander pourquoi, se demander ce qu’apporte le produit qu’elles choisissent par rapport à un autre. Et ce qui est très important c’est que le travail des marques n’est pas de vendre simplement une fonction mais aussi l’imaginaire qui va avec. Quand une marque vend une crème 150 euros en promettant qu’elle rend la jeunesse, la femme ou l’homme qui va l’acheter, même s’il n’y croit pas totalement, adhère et se dit que ça vaut le coup d’essayer. Renoncer à cet imaginaire n’est pas évident, la preuve c’est que la part de marchés des marques de distributeurs ou des produits bas de gamme est plutôt faible et stagne.

Mais même ces produits bas de gamme sont vendus un peu plus chers quand ils sont destinés aux femmes. Et une personne qui fait ses courses n’a pas forcément le temps de s’interroger sur tous les produits. N’est-ce pas d’abord aux marques de faire un effort ?

C’est vrai que souvent le consommateur prend ce qu’il voit. Si une femme voit un déodorant rose dans un rayon elle va avoir tendance à le prendre sans voir qu’il coûte plus cher que le bleu qui est pourtant identique. C’est à la fois un moyen pour la marque de guider le consommateur mais aussi de vendre plus cher. Et si on veut éviter ça, il faut passer des heures dans le supermarché. A ce niveau-là, les marques ont une responsabilité mais encore une fois, elles sont dans des marchés saturés, où le seul moyen de gagner des parts de marché est de se distinguer. Malheureusement le seul moyen d’aller contre ces stratégies ce sont les réactions des consommateurs ou les campagnes sur les réseaux sociaux. C’est très fréquent aux Etats-Unis mais ça l’est encore peu en France.

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