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11-06-2012
Mots clés
Economie
France
Interview

Encadrement des salaires : « Il faut d’abord améliorer la gouvernance des entreprises »

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Encadrement des salaires : « Il faut d'abord améliorer la gouvernance des entreprises »
(Crédit pohto : 401K - flickr)
 
Faut-il encadrer la rémunération des patrons ? Non, pour Pierre Chaigneau, professeur de finance qui craint la fuite des cerveaux vers d'autres pays. Mieux vaut, selon lui, améliorer la gouvernance des entreprises pour éviter les abus.
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Le 3 mars, les Suisses ont largement approuvé l’initiative limitant les « rémunérations abusives » des patrons des sociétés cotées. Une initiative qui prévoit aussi d’interdire leurs parachutes dorés. « Je pense qu’il faut s’en inspirer », à déclaré pour sa part Jean-Marc Ayrault, ce lundi.

Pierre Chaigneau est professeur de finance à HEC Montréal et président du think tank Eclairages économiques.

Terra eco : Faut-il encadrer les rémunérations ?

Pierre Chaigneau : Il y a une première perspective assez morale et subjective sur cette question. Mais si on prend la perspective économique, il faut se demander pourquoi de tels salaires sont versés. Une étude d’Augustin Landier et Xavier Gabaix fait autorité dans le domaine. Elle s’appuie sur des données américaines mais est transposable à la France. Les chercheurs y montrent que la taille des entreprises a été multipliée par six en vingt ans (de 1980 à 2003, ndlr). Or, si un dirigeant fait accroître de 5% la valeur de son entreprise au capital de 300 millions d’euros, ce n’est pas la même chose que s’il fait progresser de 5% une entreprise au capital de 50 millions d’euros. La croissance des entreprises a fait augmenter le prix du talent. C’est pour ça que les entreprises sont prêtes à payer davantage leurs dirigeants. C’est un peu comme dans le football, plus le spectacle est vu par un grand nombre de personnes, plus il y a de recettes publicitaires, plus les clubs vont dépenser d’argent pour s’attirer des stars.

Que risque-t-il de se passer si on encadre les salaires des patrons ?

Si la France prend de telles mesures, cela aura des conséquences en terme d’attractivité, de rétention des talents. Et pas seulement sur les dirigeants, sur les jeunes de Polytechnique, d’HEC qui risquent d’être moins tentés par une carrière chez EDF s’ils savent que leurs perspectives sont limitées. Si on limite les salaires des dirigeants, on limite la carotte pour les salariés talentueux.

Mais aujourd’hui aucun pédégé du CAC n’a été débauché à l’étranger…

Non, parce qu’actuellement les pédégés sont bien rémunérés en France. Ils n’ont pas intérêt à partir. En revanche, s’il y a un encadrement, les entreprises risquent de délocaliser leur siège social. Parce que la mesure ne concernera pas seulement les dirigeants mais aussi les jeunes talents… La décision d’encadrer les salaires répond à une demande des électeurs. Cela se justifie politiquement parlant mais je suis assez dubitatif économiquement parlant.

Si on va au-delà des simples salaires, que pensez-vous des parachutes dorés ? Des retraites chapeaux ? Faut-il les supprimer ?

Il faut se demander pourquoi on a mis en place de tels mécanismes dans les entreprises. Dans certains cas, c’est que les dirigeants ont trop de pouvoir, ils ne sont pas assez contrôlés par le conseil d’administration et peuvent s’octroyer beaucoup d’avantages. Dans ce cas, la gouvernance est assez défaillante, il faut la revoir. Mais quand la gouvernance fonctionne bien dans une entreprise, pourquoi de tels avantages ont-ils été mis en place ? Si l’on prend le cas de la retraite chapeau, c’est un outil de rétention. Si un pédégé part prématurément ou est licencié pour mauvaise performance, le montant de cette retraite diminue généralement. Idem pour les stock-options.

N’est-ce pas malgré tout étrange de continuer à payer quelqu’un pour une fonction qu’il n’exerce plus et alors qu’il n’a pas atteint l’âge de la retraite ?

Dans une publication, Alex Edmans et Qi Liu étudient le cas d’une rémunération liée à la performance mais versée dans le futur. C’est le cas de la retraite chapeau qui n’est versée que dans la mesure où l’entreprise existe encore. Selon eux, c’est un moyen d’inciter le dirigeant, pendant son mandat, à prendre des mesures pour assurer la pérennité de son entreprise. Il s’agit de lier l’intérêt du dirigeant à l’entreprise et d’éviter les vues court-termistes.

Et les parachutes dorés ?

Ils peuvent être vus comme immoraux. Mais si on veut convaincre quelqu’un de devenir pédégé, c’est-à-dire d’accepter un poste risqué dont il peut être débarqué à tout moment, lui accorder un parachute doré c’est lui dire que si les choses se passent mal, il n’aura pas tout perdu. C’est aussi une manière de faciliter les fusions-acquisitions. A priori, le dirigeant d’une entreprise n’a aucun intérêt à ce qu’elle soit rachetée. Si elle l’est, il risque le licenciement. Mais s’il a un parachute doré à la sortie, il y a moins de chance qu’il s’oppose et tente de faire capoter l’opération.

Vous revenez souvent à la gouvernance. Beaucoup disent qu’il y a une collusion, une entente entre les patrons et la classe politique qui conduit aux versements de gros salaires… Est-ce vrai ?

C’est une critique légitime. S’il y a une mesure à prendre c’est bien celle de réformer la gouvernance. Agir là-dessus, c’est agir sur la cause du problème alors que les rémunérations importantes n’en sont qu’un symptôme.

Mais comment faire ?

La recherche académique a montré que la gouvernance est meilleure avec des conseils d’administration petits, constitués de 7 à 8 personnes. A trente personnes, le contrôle n’est pas efficace, le dirigeant peut facilement faire ce qu’il veut. Il faut aussi que le conseil d’administration inclut une forte proportion de personnes indépendantes. Le problème, c’est qu’on fait souvent appel à des gens qui connaissent bien l’industrie, c’est donc rare qu’ils n’aient pas un quelconque lien avec le secteur. Un autre moyen d’améliorer la gouvernance – qui a été adopté aux Etats-Unis et en Grande Bretagne – c’est d’introduire un vote « say on pay », c’est-à-dire de donner le droit aux actionnaires en assemblée générale d’émettre un vote consultatif sur la rémunération des dirigeants. Cela a donné des résultats plutôt concluants. En Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, des actionnaires ont émis des réserves sur la rémunération de tel ou tel dirigeant et les entreprises ont revu leur copie.


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- « Les parachutes dorés ? Ils récompensent les patrons qui ont failli »

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6 commentaires
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  • juges et partie le capital voila le problème la retombé de la plus-value
    roro le petit prolo

    8.03 à 10h00 - Répondre - Alerter
  • Les salaires pratiqués dans les entreprises privées ne regardent qu’elles, les actionnaires et les partenaires sociaux entre autres.
    Que ces beaux messieurs nous parlent des rétributions des ministres et parlementaires, qui pour certains cotisent peu de temps et bénéficient à vie de leurs émoluments...

    11.07 à 10h37 - Répondre - Alerter
  • coralie : tout va bien !

    nous sommes heureux de payé des impôts pour eux ,qq euro, bqc pour nous, pdt qu’eux fond de bons placements... heureux de travailler dans le secteur public ! si si !
    super salaires...
    voir les salaires des pions et les méthodes management de la fonction public pour les gouverner :

    http://www.esen.education.fr/filead...

    13.06 à 17h34 - Répondre - Alerter
  • D’accord avec les autres commentaires.
    Seule question : mais pourquoi donc un tel entretien aussi peu contradictoire, quand les réponses sont aussi aberrantes ?
    Le seul "talent" dans tout cela aurait consisté à d’abord rire de ce pauvre pantin sinistre et complaisant, de sa bêtise absolue tant elle ne paraît balancée d’aucune capacité à penser le monde sans oeillères ni lunettes de courte vue.
    De rire, puis de lui tirer les bretelles et de le renvoyer à l’école. Mais alors laquelle ?
    Et c’est prof à HEC. Evidemment. Pépinière à crétins définitifs.
    Ce n’est cependant pas la première fois que je tombe sur un article de la même "journaliste", empreint d’un inexplicable pro-libéralisme, sans critique ni point de vue.
    De grâce, Karine Le Loët, quittez les pages de terraeco - qui a de bons articles, régulièrement - et allez postuler au Figaro ou au Point.
    Ouvrir une page à un tel baragouinage de mauvaise foi, d’un pseudo-spécialiste surtout formé à ânonner les certitudes qu’on lui a inculquées, certitudes qui lui garantissent un poste dans ces institutions où on forme, en effet, ces fameux "talents" dont il nous parle. Des talents. De quoi estomaquer toute personne raisonnable. Une telle complaisance. Ces gens-là qui gèrent le monde de façon cynique et emmènent tous les peuples se sacrifier sur l’autel des profits, sont des "talents", qu’il faudrait donc retenir par de gros salaires. Ces gens-là, qui ne connaissent que les chiffres, et rien de la vie de 99% de la population, sont des talents.
    Mais c’est ainsi, les mots n’ont pas de brevets, on peut appeler "talents" des chiens, pourvu qu’on soit estampillé d’une institution surtout connue pour former à la platitude cérébrale de la certitude économique libérale. Oui, nous avons raison. Et que ça se gargarise d’avoir compris. Et que ça se cite et se congratule les uns les autres, entre "experts" en intelligence économique. Et que ça se proclame "talents" entre eux. Ah ce que c’est désespérant et énervant.
    "Une étude qui fait autorité".
    Et bla bla bla.
    Aberrant. Sidérant. Pathétique.
    Mais oui, ils sont formés à répéter des principes économiques éculés et absurdes, détachés de toute réalité, que l’histoire ou la sociologie démentent, mais qu’importe, même l’histoire économique qui leur est enseignée, est réécrite selon le bon scénario. D’ailleurs la preuve qu’ils ont raison : ils sont professeurs, économistes d’université, conseillers économiques à la commission européenne et dans telle ou telle sous-filiale de tel ou tel consortium qui ne produit rien, qui produit de tout, pourvu qu’en changeant de main le pognon soit pour eux.
    Mais c’est pas la faute des gens qui aiment le pognon, ce qui va mal, non non. Eux ce sont des talents. Les élites de la nation. C’est bien connu, on reconnaît le talent au salaire. Et l’utilité, aussi. Et l’intelligence. Etc.
    Mais pitié, qu’on limite les rémunérations de tous ces parasites, les vrais talents sont dans la société, à entretenir tant bien que mal la dignité des autres, le contrat social, à travailler à la compréhension, à l’éducation, dans des domaines qui ne sont pas rémunérateurs. Ces gens-là qui travaillent pour l’intérêt général, pour des salaires basiques, ont du talent, et ont tous les mérites. Cet article est d’une indécence totale, intolérable. Un symptôme terrible, d’une terrible maladie de l’humanité.
    Ce qu’on est bas, dans la dignité et la conscience.
    Ce qu’on est bas.

    13.06 à 13h45 - Répondre - Alerter
  • je rejoins tout à fait Laetitia sur la responsabilité des cadres des grandes entreprises et celle des TPE ou PME : ce ne sont pas ceux qui prennent le plus de risques sur leur avenir et celui de leurs familles qui sont les mieux récompensés financièrement ou moralement.
    C’est aussi du mépris pour les cadres supérieurs des fonctions publiques, qui ont souvent des charges aussi lourdes, des responsabilités morales aussi importantes, pour des salaires très corrects pour le commun des mortels, mais misérables au regard de ceux de leurs camarades d’école qui ont choisi le privé.
    La rareté des talents n’explique pas tout, sinon les bons techniciens de maintenance ou les infirmières expérimentées par exemple auraient droit à d’autres salaires.
    Il est urgent que le monde capitaliste se rende compte qu’à force de s’autojustifier, il valorise les thèses de ceux qui le combattent, qu’ils soient d’approche marxiste ou islamiste par exemple.
    Quand une entreprise gagne de l’argent, ce doit être pour consolider son assise capitalistique et humaine, donc au profit équilibré de tous ceux qui y contribuent aussi modestement que ce soit.
    Aujourd’hui l’accumulation d’argent sert d’abord à alimenter la roulette boursière et à noyer les plus faibles. Ne nous étonnons pas le jour où ils se révolteront sous la conduite des pires démagogues ou si à force de démobilisation ils laissent dériver nos sociétés vers une décadence comme l’histoire du monde nous l’enseigne.

    12.06 à 14h29 - Répondre - Alerter
  • Je ne suis pas d’accord avec les propos de Mr Chaigneau. Il dit que "si on veut convaincre quelqu’un de devenir pédégé, c’est-à-dire d’accepter un poste risqué dont il peut être débarqué à tout moment, lui accorder un parachute doré c’est lui dire que si les choses se passent mal, il n’aura pas tout perdu."

    Bien sûr qu’être chef d’entreprise s’est risqué ! Les chefs de moyennes ou petites entreprises n’ont pas de parachutes dorés en réserve au cas où les choses tourneraient mal pour leur entreprise. Et pourtant, ils prennent autant de risques que les chefs de grandes entreprises. Certains même prennent plus de risques car ils investissent leur argent personnelle pour monter leur entreprise ; et si celle-ci ne marche pas et bien ils n’ont plus rien !
    Certes le poste de PDG est à hautes responsabilités et comporte une part de risque mais je ne vais quand même pas plaindre ces personnes.

    Mr Chaigneau évoque aussi la moindre attractivité de ce poste pour les jeunes si les "perspectives d’évolution sont limités". Ainsi le seul but d’un chef d’entreprise est de toujours gagner plus .... pour son profit personnel ?
    Il a bien d’autres manières d’évoluer au sein d’un poste dans son entreprise ; tout ne passe pas par l’argent.

    J’invite les politiques et les chefs d’entreprises a réfléchir à d’autres manières de penser l’entreprise et le monde du travail en général. Il est temps de remettre en cause le modèle actuel qui ne pense l’accomplissement des personnes et de la société qu’au travers de l’argent. La grave crise mondiale actuelle nous le montre, c’est un puissant signal d’alarme : il est temps de penser la société autrement !!!!

    12.06 à 12h50 - Répondre - Alerter
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