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31-05-2011
Mots clés
Sciences
Energies
Etats-Unis

Des piscines nucléaires plus dangereuses qu’à Fukushima

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Des piscines nucléaires plus dangereuses qu'à Fukushima
(Photo : La centrale d'Indian Point, près de New-York. Credit : Flickr / Tony the Misfit)
 
Peu sûrs et au bord de l'engorgement, les bassins chargés de stocker les combustibles nucléaires usagés menacent les Etats-Unis, selon une étude. Le danger en cas d'accident serait même bien plus grand qu'à Fukushima.
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Avec une telle chaleur, vous ferez bien un petit tour à la piscine ? Aux États-Unis comme ailleurs, on y court. Si ce n’est qu’outre-Atlantique, les piscines dont on parle en ce moment ne font pas vraiment rêver. Il s’agit des piscines nucléaires, ces énormes bassins installés en dehors des enceintes de confinement des centrales, et au fond desquels les combustibles nucléaires usagés sont entreposés sous plusieurs mètres d’eau.

Ce système de stockage des déchets nucléaires, le grand public l’a souvent découvert sous les feux de la récente actualité japonaise. A Fukushima, faute d’être refroidie, de l’eau s’était évaporée et le niveau de plusieurs piscines de la centrale avait dramatiquement baissé dans les jours suivant le séisme et le tsunami du 11 mars. Les experts avaient alors craint que les combustibles se retrouvent à l’air libre. Or sans eau, c’est la fin du refroidissement, et la fusion assurée. Normal, du coup, que les États-Unis, mastodonte mondial de l’énergie nucléaire, aient jeté un coup d’œil sur leurs propres « pools ». Le constat n’est pas triste : d’après une étude de l’Institute for policies studies, qui rassemble une communauté de chercheurs impliqués dans les domaines de la justice, de la paix et de l’environnement, le risque d’accident y serait bien plus grand qu’au Japon...

Plongée en eaux radioactives

Une petite plongée dans ces piscines permet de se faire une idée de la situation. Inspirez, c’est parti. Dans leurs fonds, vous observez pas moins de 30 millions de barres de combustibles. Ne vous approchez pas trop : à une distance de 30 cm, chacune d’entre elles émet encore 10 000 Sieverts (Sv) par heure. Assez pour vous faire passer de vie à trépas en quelques secondes. Ce cocktail antijouvence est composé à 40% de Cesium 137. Dans les piscines américaines, barbotent ainsi vingt fois plus de cet élément radioactif que la quantité jamais rejetée par tous les tests d’armes nucléaires. Une concentration qui fait également passer Tchernobyl pour un « nain » de l’accident nucléaire : les bassins américains ont un potentiel de largage quinze à trente fois plus grand ! Mieux vaut donc s’en tenir à l’écart.

Un coup de palme, et vous voilà assez proches pour observer les parois de ces bassins. Surprise : « Les piscines américaines de combustibles usagés sont principalement contenues dans des structures industrielles ordinaires, conçues pour les protéger simplement contre les éléments. Certaines sont faites de matériaux communément utilisés pour construire les grandes surfaces ou les bâtiments des concessionnaires de voitures », rapporte Robert Alvarez, directeur de recherche à l’Institute for Policies Study, et qui a notamment conseillé le secrétariat à l’énergie de l’administration Clinton. Et le spécialiste d’en remettre une couche. « Comme au Japon, elles ne comportent pas de double paroi d’acier, ni de barrières de béton, telles que celles couvrant les réacteurs pour prévenir toute fuite de radioactivité. Elles ne sont également pas tenues de posséder des générateurs de secours pour garder les barrettes au frais, en cas de coupure de courant sur le site. »

Des piscines taille XXL

C’est bon, vous en avez vu assez ? Remontons à la surface. Le panorama, là aussi, interpelle. Dans tout le pays, 75% des 65 000 tonnes de combustibles usagés sont ainsi stockés dans ces bassins. Et comme pour tout chez l’Oncle Sam, on a vu les choses en grand, en taille XXL. La piscine de la centrale de Vermont Yankee, à Vernon, près de la frontière avec le Québec, contient par exemple près de trois fois la quantité de combustibles stockés près du réacteur numéro 4, à Fukushima. Sans compter que, selon ce rapport, les centrales américaines frôleraient presque toutes l’indigestion, les plus anciennes étant les plus affectées. Elles étoufferaient sous d’ importantes quantités de combustibles usagés, bien plus qu’elles n’ont été conçues pour en supporter. Résultat : en cas d’accident, les dégâts seraient eux aussi décuplés. « J’ai cosigné un rapport en 2003 qui explique qu’un incendie dans une piscine de combustibles usagés aux États-Unis pourrait rendre inhabitable une région 60 fois plus importante que la zone créée lors de l’accident de Tchernobyl. Si cela se produisait à la centrale Indian Point, située à 40 km de la ville de New York, cela pourrait causer quelques 5600 morts par cancer et entraîner 322 milliards de dégâts », rappelle Robert Alvarez.

Le flop du recyclage de l’uranium

Pour le New York Times, la cause de ce problème de stockage est historique. « Dans les années 60, quand la majorité des 104 réacteurs actuellement en fonctionnement ont été conçus, les fabricants assuraient que les combustibles seraient acheminés vers des usines de retraitement pour récupérer l’uranium. Mais le retraitement s’est avéré être un flop commercial. Il a été banni des États-Unis dans les années 70, à un moment où on s’inquiétait que le plutonium puisse terminer dans des armes à travers le monde », écrit Matthew L. Wald. Bilan : le pays ne possède pas suffisamment de solutions de stockage à long terme. « Le gouvernement américain devrait rapidement prendre la décision de réduire les risques en plaçant tous les combustibles nucléaires usagés et vieux de plus de cinq ans dans des fûts de stockage à sec et renforcés, ce que l’Allemagne fait depuis 25 ans », conclut le rapport.

En 30 ans, les centrales américaines ont subi 66 incidents avec des pertes significatives d’eau, dont 10 survenus depuis le 11 septembre 2001. Après cette date, le danger terroriste est venu s’ajouter aux aléas géologiques et technologiques susceptibles de fragiliser les centrales. Un des avions qui s’est écrasé sur le World Trade Center a en effet auparavant survolé l’Hudson, à proximité de la centrale Indian Point. Malgré cela, le président Obama a annulé l’an passé un programme de construction d’entrepôt pour stocker les déchets nucléaires dans le désert du Nevada. Il est vrai que la Commission de régulation du nucléaire (NRC) continue d’affirmer que les piscines de stockage sont sûres... « Le rapport de l’Institute of Policy Studies est basé sur une étude de 2003 que le NRC avait largement réfuté à l’époque. Notre position est que les combustibles usagés sont stockés de manière sûre dans des piscines ou des fûts », assure par mail la NRC.

La catastrophe de Fukushima semble tout de même avoir effrité ce paradoxe américain : la NRC a récemment annoncé qu’elle allait rouvrir le dossier « pools ». La conversion vers d’autres modes de stockage aura un prix : « Cela prendra 10 ans et coûtera entre 24 et 48 milliards d’euros », estime Robert Alvarez. Mais le prix à payer pour ne avoir fait assez, lui, est incalculable. »

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Une enfance en pleine nature jurassienne, des études de biologie et de géologie, l’envie de transmettre cette passion pour le monde vivant, et le monde tout court, et un goût sans limite pour les nouvelles contrées. Alice est journaliste scientifique.

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