Ce pourrait être le hit-parade de l’année. Claudie Haigneré, l’ancienne ministre de la Recherche, désespérée par la cure d’amaigrissement imposée à son ministère, l’avait suggéré. Jean-Pierre Raffarin lui-même avait renchéri. Avant d’être rejoint, encore tout récemment, par Nicolas Sarkozy, flamboyant titulaire du portefeuille de l’Economie et des Finances. Pourquoi ne pas vendre une partie des réserves d’or de la France ? Les marchés boursiers gîtant sans perspective d’éclaircie et les cours de l’or ne cessant de grimper, l’idée avait de quoi séduire.
Les stocks d’or : kézako ?
Petit rappel historique. Après 1944 et les accords de Bretton Woods - du nom d’une bourgade du New Hampshire aux Etats-Unis - un nouveau système monétaire international donne une place prépondérante au dollar. Les autres monnaies voient leur cours indexé sur le sien. Les réserves des différentes banques centrales doivent alors être constituées de devises. Et non plus d’or. Les stocks aujourd’hui détenus par les pays économiquement dominants, sont un héritage direct de cet ancien régime monétaire. "Cet héritage n’est que marginal, explique Rémy Contamin économiste au Crédit agricole. L’essentiel des réserves étant aujourd’hui constitué de devises."
Vendre les bijoux de famille pour combler le déficit public ?
La France - troisième détenteur d’or au monde - dispose dans ses coffres de 3024 tonnes en lingots, dont la valeur est estimée à une trentaine de milliards d’euros. Insuffisant donc pour combler un déficit estimé au 31 août 2004 à 57,9 milliards d’euros. Pour information, les Etats-Unis gardent sous le coude 8135 tonnes du précieux métal et l’Allemagne 3249. A noter, Berlin avait en tout premier - dès février dernier - émis l’hypothèse de vendre une partie de ses stocks. Mais outre-Rhin, l’idée fut rejetée par les partis politiques.
Réaliste ?
Les réserves ne sont évidemment pas la propriété du gouvernement. Le décisionnaire est le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer. Cette indépendance vaut pour tous les pays de l’UE. Mais ce n’est pas la seule raison. Depuis la création de la Banque centrale européenne (BCE), les institutions monétaires européennes sont solidaires et interdépendantes. Aucune décision nationale ne peut se faire sans l’accord des autres membres de l’UE. Illustration, en mars dernier : 15 banques centrales européennes, dont celles de l’Allemagne et la France se sont entendues pour limiter leurs ventes d’or à 500 tonnes par an durant la période 2004-2009. Il est donc inconcevable de voir la France se séparer de toutes ses réserves d’un bloc, ce qui ferait brutalement chuter le cours du métal jaune.En admettant toutefois qu’un accord soit trouvé, et que la France mette sur le marché une partie de son or, le gain pour l’Etat serait bien maigre. La plus-value dégagée de cette vente ne pourrait en effet être directement attribuée au budget de l’Etat. En caricaturant, c’est un peu comme si la SNCF se débarrassait d’une gare de triage : les liquidités ainsi obtenues ne tomberaient pas dans l’escarcelle de Bercy. C’est uniquement via les dividendes dégagés par un profit croissant de la Banque de France (car les sommes récupérées par la vente de l’or auront été placées sur des produits plus rémunérateurs) que l’Etat pourra être "servi".
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