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21-07-2010
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Politique
Santé
Drogue
France
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Interview

« Criminaliser les usagers de drogue accroit les risques de transmission du sida »

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« Criminaliser les usagers de drogue accroit les risques de transmission du sida »
(Crédit photo : squacco - Flickr)
 
Maria Patrizia Carrieri, chercheuse à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale de Marseille, est la 1ère scientifique française à signer la déclaration de Vienne qui appelle à une réorientation complète des politiques antidrogue dans le monde pour faire reculer le sida.
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Terra eco : Qu’est-ce qui vous a décidé à signer la déclaration de Vienne ?

Maria Patrizia Carrieri : « C’est le chercheur canadien Evan Wood qui est à l’origine de cette déclaration. Elle a circulé au sein du réseau international de chercheurs qui travaillent aujourd’hui sur la réduction des risques. Je fais partie des nombreux contributeurs et promoteurs du texte qui ont participé à sa rédaction et sa diffusion. Face à l’enjeu de l’accès aux soins pour les consommateurs de drogues, cette déclaration nous est apparue comme une évidence. Depuis une dizaine d’années, tellement d’articles scientifiques démontrent que les méthodes répressives, la criminalisation à l’encontre des consommateurs de drogues accroissent les pratiques à risques et ne permettent pas de contrôler la progression du sida. »

Il est clairement établi que la répression des consommateurs de drogue accroit les pratiques à risque et donc les infections au VIH ?

« Oui. Prenez par exemple une personne toxicomane qui est recherchée par la police, en situation de stress et d’urgence elle multipliera les risques au moment de pratiquer une injection. De nombreuses études ont mis en évidence le fait que les incursions de la police dans des zones urbaines touchées par la drogue entraînent un repli des toxicomanes qui se dirigent moins vers les centres d’échanges de seringues. Les études scientifiques sur le sujet sont nombreuses. On sait aujourd’hui que les méthodes répressives ou punitives ne font pas baisser le trafic et la consommation de drogue, mais qu’elles augmentent le risque de transmission des infections chez les usagers de drogues, notamment au VIH. Et que cela coûte cher en terme de santé publique. »

Votre déclaration pointe du doigt « le régime international de prohibition des drogues mis en place sous la tutelle des Nations Unies ». Les réalités ne sont-elles pas très diverses selon les pays ?

« Bien sûr. Il y a dans le monde de nombreux pays qui ne reconnaissent pas encore l’accès aux soins, aux seringues, aux antirétroviraux. Des pays comme la Chine, même si elle vient de faire un pas en avant en lançant un plan méthadone, la Thaïlande, le Vietnam ou la Russie restent sur une approche purement punitive. Sans parler de l’Afrique, où la consommation de drogue progresse mais où l’on est au niveau zéro en matière de réduction des risques. A l’opposé, en Europe, certains pays sont très en avance, comme la Hollande ou la Suisse. L’expérience de Zurich a montré que lorsqu’on développait le marché de l’offre de soins, c’est à dire qu’on donnait aux toxicomanes toutes les possibilités d’accompagnement, de traitement ou de substitution, le marché de la drogue reculait. Mais il ne faut pas croire pour autant que les gouvernements européens n’ont pas de progrès à faire. »

Vous pensez à la France ?

« Par exemple. En France, il n’y a toujours pas de programme d’échanges de seringue en prison, car les politiques considèrent que ce serait un aveu d’échec, que cela reviendrait à reconnaître que la drogue circule en milieu carcéral. Or, on sait que l’incarcération n’est pas une solution pour les toxicomanes qui ont besoin d’une réelle prise en charge. Au contraire, la prison peut être le lieu où le toxicomane va multiplier les pratiques à risques. Alors qu’il y est entré pour une simple affaire de cannabis, il peut en ressortir dépendant à des drogues dures et séropositif. »

En tant que scientifique, lorsque vous signez un texte qui met en cause les effets néfastes du tout prohibitif, ne craignez vous pas d’être embarquée dans un débat morale et politique et accusée de vouloir légaliser les drogues ?

« D’abord il faut faire un distinguo entre dépénalisation et légalisation des drogues. Notre déclaration appelle à une forme de dépénalisation qui consiste à ne plus poursuivre et condamner un usager pour simple possession de drogue. Et à considérer, au nom d’un principe d’équité avec tous les malades, qu’il doit pouvoir accéder librement à des soins. Ensuite il y a des faits, des preuves irréfutables de l’inefficacité des politiques actuelles. En tant que scientifique, nous avons un devoir éthique de promouvoir la science et ses résultats. Résultats sur lesquels les politiques de santé publique doivent pouvoir s’appuyer. Donc signer cette déclaration est une évidence à mes yeux, je ne me pose pas d’autres questions. Les politiques doivent pouvoir voter leur lois antidrogue sur la base des connaissances scientifiques disponibles. »

Cette déclaration a été lancée il y a quelques semaines déjà, en amont de la Conférence mondiale sur le sida qui se tient actuellement à Vienne. En mesurez-vous déjà la portée ?

« Je pense que les scientifiques seront très nombreux à soutenir ce texte. Plusieurs prix Nobel l’ont déjà signé. Depuis Vienne, de l’intérieur de la Conférence, je ne suis pas la mieux placée pour mesurer son impact à l’extérieur, notamment sur le monde politique. Mais, sans savoir si cela est lié à notre initiative, je note que la ministre française de la Santé a annoncé des choses importantes hier [1], et que cela va dans le même sens. Je dirais du bon sens. Car en fait, banalement, ce que nous voulons, c’est un monde meilleur, où le sida recule. Il ne s’agit que de cela. »

[1] Roseline Bachelot a annoncé, à l’occasion de la Conférence internationale sur le sida de Vienne, vouloir banaliser et faciliter le dépistage en France, notamment grâce à l’ouverture de nouveaux centres dès 2011. L’ouverture de « centres de consommation supervisés » à destination des usagers de drogue est aussi envisagée, en particulier à Paris et Marseille

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  • C’était l’un de vos titres l’année dernière numéro dans lequel vous souleviez très justement la problématique de la croissance démographique de notre planète. Si on commence à se préoccuper des drogués et à les sauver, alors on aura encore plus de problème de surpopulation non ? faut pas s’occuper de tout vous savez faut laisser faire la nature !

    21.07 à 12h24 - Répondre - Alerter
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